Aman, "l'enfant sage" des quartiers, tué par un tir aveugle

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Par Tiphaine LE LIBOUX - Épinay-sur-Seine (AFP)
Publié le 26 juin 2020 - 10:28
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This undated family handout photograph released on June 25, 2020, shows 'Aman' posing at an undisclosed location in France. A 16-year-old teenager was shot dead in Epinay-sur-Seine, a northern Paris s
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© - / FAMILY HANDOUT/AFP
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Aman avait 16 ans, voulait être chauffeur routier. "Doux" et "discret", "loin des embrouilles de quartiers", il a été tué par balle le 6 juin à Epinay-sur-Seine, victime innocente de violences entre cités qu'il essayait pourtant d'apaiser.

"Aman était calme, réservé, respectueux. L'enfant sage parmi tous ses copains", raconte Maryam Doubi, 21 ans, animatrice jeunesse dans cette ville de Seine-Saint-Denis.

"Il n'a jamais posé de problème, était loin des embrouilles", ajoute Pacôme, son entraîneur de foot. Il reste "choqué" par cette disparition d'autant plus frappante que l'adolescent essayait d'apaiser à "son petit niveau" les querelles de quartiers. "Et c'est ça qui malheureusement l'a emporté".

L'animatrice et l'entraîneur, membres de l'association Viv'r, organiseront dimanche avec famille et amis "dévastés" une marche blanche en sa mémoire. Elle partira de la mairie, près de l'immeuble HLM où il vivait, jusqu'à la cité d'Orgemont où il a été tué.

- Snack et Playstation -

Ce soir-là, Aman était chez sa tante. D'origine comorienne, la famille, arrivée il y a 25 ans à Epinay, est très soudée et veille sur ses enfants, qui grandissent paisiblement. Aman, qui a quatre frères et sœurs, était aussi proche de son cousin. Comme souvent, les deux ados montent "chez le voisin du 9e pour un tournoi de Playstation", raconte à l'AFP sa cousine, Naïma, 35 ans.

Vers minuit, ils partent manger dans un snack, s'arrêtent au retour pour discuter près du "synthé", le terrain de foot synthétique bien connu des jeunes du coin.

Il est près de 03H30. Aman et son cousin n'ont pas le droit d'être dehors, mais ils ont fait le mur. "Une bêtise d'ado comme on en a tous fait", soupire sa cousine. "Ils rigolaient avec leurs copains... cinq minutes plus tard, une voiture est arrivée et voilà".

Un homme descend du véhicule et tire au fusil à canon scié sur le groupe. Aman est touché au front et au thorax.

La raison des tirs ? Une dérisoire histoire de vengeance après une voiture dégradée, sur fond de rivalités entre la cité d'Orgemont, une des plus grandes du 93, et celle des Raguenets à Saint-Gratien, la ville voisine, située dans le Val-d'Oise. Deux hommes de 18 et 19 ans ont depuis été mis en examen et écroués pour "homicide en bande organisée".

Aman, inconnu de la justice, était juste "au mauvais endroit au mauvais moment" et "n'était pas lié à quoi que ce soit", déplore une source policière.

La veille de son meurtre, Mohamed, un jeune de 18 ans était lui aussi tué d'une balle, simplement pour avoir voulu s'interposer lors d'un différend entre deux groupes à Saint-Denis.

- "Victimes d'une minorité" -

"Ça pourrait être l'enfant de n'importe qui. Mais lui est mort parce qu'il habite à Épinay", lance en larmes Elise Boscherel, sa professeure principale au lycée professionnel Louise Michel.

"C'était Aman qui réglait les conflits", poursuit-elle, il lui arrivait de "faire tampon".

"Ça fait 20 ans que ça dure. Les rivalités ont ressurgi l'année dernière", explique l'enseignante. "J'ai retrouvé un de mes élèves roué de coups, la tête dans le caniveau". Certains jours, il lui arrive de raccompagner des élèves menacés jusqu'à leur domicile.

Ces querelles de quartiers, aux origines obscures, connaissent des "pics de temps en temps", regrette une autre source policière. Elles impliquent "des gamins de 12-13 à 20 ans, qui n'ont aucune maturité et ne se rendent pas compte de ce à quoi ils participent".

Aujourd'hui, la cousine d'Aman plaide pour mieux prendre en charge "cette poignée de jeunes qui gâche la vie des autres". "Dans les quartiers, nous sommes victimes de cette minorité. Tous les autres jeunes sont très bien et subissent."

Aman, élève de seconde, avait prévu de se réorienter pour devenir chauffeur routier. Il cherchait un internat, manière aussi de sortir de ces rivalités "qui le fatiguaient", assure Elise Boscherel.

Vers minuit, trois heures avant le drame, il lui avait envoyé un message au sujet de son orientation. "Il devait parler de ça au snack avec ses amis", pense la professeure. Loin, là encore, de la violence interquartiers.

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