Au procès du Thalys, le déroutant "éclaireur" du tireur et d'Abaaoud

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Par Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 10 décembre 2020 - 21:01
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Croquis de l'audience du 16 novembre 2020 du procès de l'attentat déjoué du Thalys avec de gauche à droite: Ayoub El Khazzani, Mohamed Bakkali, Bilal Chatra et Redouane El Amrani Ezzerrifi
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© Elisabeth De Pourquery / AFP
Croquis d'audience du 16 novembre 2020 montrant les accusés au procès du Thalys, Paris: (de G à D) Ayoub El Khazzani, Bilal Chatra, Redouane El Amrani Ezzerrifi et Mohamed Bakkali
© Elisabeth De Pourquery / AFP

Il ne craint "que Dieu", ne semble rien regretter de son parcours. Au procès du Thalys, la cour d'assises spéciale a entendu jeudi Bilal Chatra, la déroutante jeune recrue d'Abdelhamid Abaaoud, formé aux armes en Syrie, avant de prendre la fuite quelques jours avant l'attentat déjoué d'août 2015.

Son voisin de box, le tireur Ayoub El Khazzani, peine à faire des phrases entières. Bilal Chatra, visage poupin entouré d'une imposante masse de cheveux frisés, est lui intarissable. Son débit, brutal et franc, déconcerte régulièrement la cour.

"Parlez moins fort s'il vous plaît...", finira par supplier le président Franck Zientara.

En 2014, à 18 ans, il avait quitté son Algérie natale en espérant rejoindre l'Europe et "voir le monde", avant de croiser en Turquie la route d'Abdelhamid Abaaoud, coordinateur de l'attaque du Thalys et des attentats du 13-Novembre.

"Etape par étape", il se laisse convaincre de rejoindre l'Etat islamique et la "belle vie" qui l'attend, une "vie facile où tout est gratuit et on te donne de l'argent et une maison", décrit-il à l'audience, via une interprète. Si la guerre ne l'"intéresse pas", il aime l'idée de la loi islamique et de la "justice" : "ça m'a donné envie de partir tout de suite".

Aujourd'hui que pense-t-il de l'EI ?, demande le président. "Le chef des croyants est décédé, l'allégeance est terminée", répond Chatra. Et quand les parties civiles insistent : "Ni pour, ni contre, ça ne m'intéresse pas".

Chatra passera six mois en Syrie, où il se forme à la religion puis aux armes. Il est envoyé au combat, "n'aime pas" ça, demande "à changer". Il se retrouve en prison, en est sorti par Abaaoud qui lui donne une mission : jouer "l'éclaireur" sur la route des Balkans empruntée à l'époque par les migrants, pour préparer le chemin au futur tireur du Thalys et à Abaaoud, qui va piloter sa cellule jihadiste depuis la Belgique.

- Emoji bombe -

Plusieurs fois, la cour et les parties s'étonnent qu'on ait pris le temps de le former aux armes pour en faire un simple éclaireur. N'a t-il jamais été question qu'il participe à l'attentat ? "Non", soutient Chatra fermement.

"La succession d'emojis doigt levé, bombe et pistolet" trouvée dans un de ses messages "semble traduire une adhésion à un projet d'attentat", avance le président. "Non ce n'est pas ça. Ce n'est pas une vraie preuve", rétorque-t-il.

"C'est pas une colombe et des coeurs", tente à son tour l'avocat général.

"Point d'interrogation", répond Chatra. "J'étais jeune, mon but c'était pas du tout de mourir".

Contre l'évidence de l'enquête, Chatra soutient qu'il n'a jamais mis les pieds dans l'"appartement conspiratif" en Belgique, qu'il s'est arrêté à Cologne. Il a été interpellé par hasard en 2016 en Allemagne, pour une histoire de vol, avant que les renseignements américains ne mettent au jour ses échanges Facebook avec Abaaoud et El Khazzani.

Quand le président s'interroge sur des messages manquants, Chatra intervient : "Demandez au FBI ils vont vous les envoyer". On devine des sourires derrière les masques de la cour.

De son chef Abaaoud, tué dans un assaut des forces de l'ordre après le 13-Novembre, il ne dira "pas de mal". "Il me traitait bien, me disait que j'étais son +petit frère+".

"Vous aviez peur d'Abaaoud ?", demande le président. "Non. C'est bizarre comme question. Je n'ai peur que de Dieu".

Sur le tireur El Khazzani par contre, il ne mâche pas ses mots. Son "ennemi", un "mytho", a dit la veille à la cour que Bilal Chatra était bien venu dans l'"appartement conspiratif". Selon El Khazzani, il a pris la fuite quand il a compris qu'Abaaoud voulait le faire participer à l'attentat.

Chatra continue à nier, s'énerve. "Moi mon rôle c'est d'être l'éclaireur". "Ca s'arrête là", répète-t-il en français.

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