"Biens mal acquis" : prison, amende et confiscation requis contre Rifaat al-Assad

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Par Juliette MONTESSE - Paris (AFP)
Publié le 16 décembre 2019 - 21:54
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Capture d'écran de Rifaat al-Assad, le 12 juin 2000
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© - / Arab News Network/AFP
Capture d'écran de Rifaat al-Assad, le 12 juin 2000
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L'accusation a demandé lundi à Paris quatre ans de prison et dix millions d'euros d'amende contre Rifaat al-Assad, l'oncle du président syrien, mais surtout la confiscation du patrimoine immobilier estimé à 90 millions d'euros qu'il est accusé de s'être frauduleusement bâti en France.

Pour ce deuxième procès en France d'une affaire de "biens mal acquis", le banc des prévenus est resté vide: Rifaat al-Assad, résident britannique âgé de 82 ans, s'est fait excuser pour raisons médicales.

Jugé depuis le 9 décembre par le tribunal correctionnel, cet ancien pilier du régime de Damas a "confisqué le débat par son absence", a regretté le procureur du parquet national financier (PNF), Jean-Philippe Navarre.

Aux yeux de l'accusation, l'oncle de Bachar al-Assad, qui se présente aujourd'hui comme un opposant au régime de son neveu, est coupable de "blanchiment en bande organisée" de fraude fiscale aggravée et de détournements de fonds publics syriens pendant plus de trente ans, de 1984 à 2016.

En sus des quatre ans de prison et dix millions d'euros d'amende, le procureur a requis contre lui une peine bien plus lourde de conséquences, la confiscation de tous ses biens saisis pendant l'enquête: deux hôtels particuliers et une quarantaine d'appartements dans les beaux quartiers parisiens, un château et des haras dans le Val d'Oise...

Rifaat al-Assad réfute en bloc ces accusations.

Il fut contraint à l'exil en 1984 après un coup d'Etat manqué contre son frère Hafez al-Assad. Avec sa famille et une suite de 200 fidèles, lui qui n'avait aucune fortune familiale en Syrie avait amassé en Europe un empire immobilier qui éveillera tardivement les soupçons.

En France, ses biens sont détenus par des sociétés nichées un temps dans des paradis fiscaux et désormais au Luxembourg, gérées par ses proches. "Un patrimoine sciemment occulté, une confusion sciemment entretenue", selon le procureur.

Le procès s'est articulé autour d'une question centrale: d'où vient cette fortune ?

- "Défaut de collaboration" -

Rifaat al-Assad assure qu'elle provient de la générosité d'Abdallah, prince héritier puis roi saoudien, qui l'aurait financé de manière continue entre les années 1980 et sa mort en 2015.

Une explication balayée par le procureur, qui la juge non étayée.

Le magistrat a tenté de démontrer que ces millions proviennent plutôt de détournements de fonds publics syriens, notamment d'un exil négocié avec Hafez al-Assad et financé par Damas.

Le procureur a invoqué un article du code pénal qui instaure dans certains cas une forme de présomption de culpabilité s'agissant du délit de blanchiment.

Il existe, a-t-il développé, des "présomptions fortes, concordantes, du caractère illicite" des acquisitions de Rifaat al-Assad. Il reproche à ce dernier "une absence de justificatifs et un défaut de collaboration" pour contrer ces "présomptions".

Dans cette affaire ancienne, l'accusation n'a aucune preuve matérielle de versements syriens en faveur de Rifaat al-Assad, qui possédait des comptes offshores en Suisse et à Gibraltar.

A défaut, le procureur s'est notamment fondé sur des témoignages - contestés par la défense - faisant état de détournements de fonds et "bien corroborés" selon lui par le budget syrien, et sur les analyses d'un géographe spécialiste de la Syrie.

Outre la problématique des fonds syriens, le magistrat a également demandé la condamnation de Rifaat al-Assad pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, listant plusieurs manquements fiscaux, notamment concernant l'impôt sur la fortune, et pour le travail dissimulé d'employés de maison.

Un peu plus tôt, Vincent Brengarth, l'avocat de l'association Sherpa, à l'origine de cette procédure, s'était lui aussi prononcé en faveur de la "thèse de l'exil négocié" et financé par l'argent de Damas.

L'avocat, qui demande 30.000 euros de dommages et intérêts, a estimé que la décision du tribunal constituera une "onde de choc" pour les autres procédures qui visent Rifaat al-Assad.

Ce dernier est menacé d'un procès en Espagne pour des soupçons bien plus vastes de "biens mal acquis", et poursuivi en Suisse pour des crimes de guerre commis dans les années 1980.

Les cinq avocats de Rifaat al-Assad plaideront la relaxe mardi.

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