Dans un Paris gelé et sous couvre-feu, des sans-abri luttent pour leur survie

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Par Marine PENNETIER - Paris (AFP)
Publié le 10 février 2021 - 18:41
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Des bénévoles de la protection civile s'adressent à un sans-abri installé dans une tente à Paris, le 9 février 2021 nuit de grand froid
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Des bénévoles de la protection civile s'adressent à un sans-abri installé dans une tente à Paris, le 9 février 2021 nuit de grand froid
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP

"Là, une tente!" : en contrebas de l'imposante église Saint-Vincent de Paul, l'abri de fortune d'Hassan, pourtant minuscule, est visible de loin dans les rues de Paris désertées par le couvre-feu et les températures glaciales.

Coiffé d'un bonnet vert, lunettes dorées rafistolées sur le nez, ce doctorant iranien de 35 ans, à la rue depuis plusieurs années, accepte avec un grand sourire le café brûlant et la soupe fumante que lui tendent Alix Romatet et Inès Kassou, deux bénévoles de la protection civile.

Et pour cause. Il est 20H30 et les températures flirtent déjà avec les valeurs négatives dans la capitale où les maraudes de bénévoles s'intensifient à quelques heures des premiers flocons de neige.

"On a une cargaison spéciale grand froid", qui comprend boissons et plats chauds, explique Alix, mais également "chapkas, gants, bonnets, écharpes et duvets" qui seront en partie distribués au cours de leur maraude de trois heures.

Dans les rues du 10e arrondissement, le regard habitué des bénévoles repère rapidement les tentes, qui restent nombreuses malgré le froid, et les personnes allongées parfois à même le sol, emmitouflées dans des couvertures ou des duvets.

Près du canal Saint-Martin, lieu prisé des Parisiens et aujourd'hui déserté, leur regard est attiré par un homme, seul, une bière à la main, près d'une bouche d'aération, un conduit prisé pour l'air chaud qu'il procure.

Enveloppé dans sa parka noire, le visage mangé par la capuche et son écharpe, ce quadragénaire, qui patiente avant de prendre son train, n'est plus un sans-abri mais a gardé les réflexes de ses deux ans à la rue.

"J'ai passé de nombreuses nuits dehors quand il faisait froid comme ça jusqu'à avoir des engelures, je ne sais pas comment j'ai fait", souligne-t-il avant de décliner un café. "J'ai ma bière pour me réchauffer!"

- "supermarché sous tente" -

Nouvel arrêt quelques centaines de mètres plus loin. Un homme est allongé en pleine rue, enseveli sous deux couvertures, dont on devine plus qu'on entend le refus d'aide. Face à une tente voisine, les bénévoles se heurtent au silence.

"Soit ils dorment, soit ils sont sur le point de dormir, soit ce sont des gens qui ne veulent pas être dérangés", explique Alix Romatet. "On fait un signalement seulement si on a un doute sur le fait que la personne soit en vie. Certains ne veulent pas être dérangés ou ne veulent pas être hébergés, on respecte leur volonté".

Presque 21H00. Toujours pas de neige mais un vent glacial commence à souffler. A l'intérieur d'une tente surélevée via une palette en bois, un Afghan interrompt sa partie de jeu en ligne et accepte de prendre quelque chose de chaud.

Au-delà des maraudes, certains sans-abri peuvent compter sur la solidarité des habitants. A l'image d'Hervé, un quinquagénaire belge dont la tente n'a rien à envier à un "supermarché", plaisante Alix qui le connaît depuis trois ans.

"Il fait froid mais les gens sont très mobilisés", souligne cet ancien légionnaire, qui quittera bientôt la rue pour un appartement. "Ils viennent toutes les deux heures voir si je vais bien, on m'a rapporté du pain frais, du yaourt, des œufs, et des repas chauds".

Avec le confinement et maintenant avec le couvre-feu, "ceux qui rentrent du boulot après 18H00 voient les SDF qui ne sont plus noyés dans la masse et donc ils n'ont pas d'autres choix que d'être confrontés à la misère de Paris, et ça a été un électrochoc dans la tête de pas mal de gens", juge Alix.

Retour près de la place Franz-Liszt. La maraude croise le chemin de Toussaint, un Angolais d'une quarantaine d'années, qui à travers le tissu de la tente qu'il a refermée pour conserver la chaleur, explique avoir appelé, en vain, le 115.

Après dix minutes d'attente au téléphone, la protection civile parvient à décrocher une place parmi celles débloquées dans le cadre du plan "grand froid" au centre situé boulevard de la Villette.

La maraude d'Alix et d'Inès touche à sa fin mais dans la capitale sous couvre-feu, d'autres bénévoles continuent de quadriller le terrain. Près du centre d'hébergement où Toussaint dormira cette nuit, une équipe de la Croix-Rouge tombe sur un jeune homme épuisé, qui semble déboussolé, cherchant un endroit où dormir.

Mineur isolé, il sera finalement pris en charge par la brigade de protection des mineurs. "On y est presque, on a fait le plus dur", l'encourage en chemin l'un des bénévoles en enveloppant ses épaules d'une épaisse couverture.

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