Désespoir des étudiants : "la fac, c'est un cauchemar"

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Par Daniel MARTINEZ - Toulouse (AFP)
Publié le 04 février 2021 - 10:23
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Naya, en master d'éducation physique dans sa chambre d'étudiant à la cité U de Toulouse, le 1er février 2021
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© GEORGES GOBET / AFP
Naya, en master d'éducation physique dans sa chambre d'étudiant à la cité U de Toulouse, le 1er février 2021
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"La fac, censée être une des meilleures périodes de la vie, devient une des pires. C'est un cauchemar", lâche Sarah, une étudiante de 20 ans, minée par le "stress et de l'angoisse" depuis que ses cours ont lieu par écran interposé.

"A la base, je suis une élève très motivée. Cette année j'ai même pensé à abandonner mes études. C'était inconcevable l'année dernière. C'est très déprimant et très triste de me voir si démotivée", ajoute cette étudiante en troisième année d'Espagnol à Toulouse.

Comme elle, Dylan, 20 ans, se dit gagné par le "désespoir" dû à l'absence de "vrais cours". Il passe l'essentiel de son temps chez ses parents, loin de sa chambre dans une cité universitaire de Toulouse où il craint de craquer.

La cité U de Chapou qui accueille en temps normal 10.000 des quelque 120.000 étudiants toulousains, n'a plus qu'une minorité de ses résidents. Le silence règne dans les longs couloirs vides pouvant donner sur plus de 30 chambres et les espaces communs -foyer ou salle de spectacles- où les jeunes se rencontrent restent fermés.

Naya, 24 ans, en master 2 en Education physique, se sent "oublié, laissé dans la nature par le gouvernement".

Malgré une reprise très partielle du "présentiel" début février, les étudiants à l'université se voient proposer essentiellement des cours en visioconférence. En revanche, les BTS et les classes préparatoires aux grandes écoles ont repris les cours, souligne-t-il.

Face au risque de décrochage, Naya a réussi à aller voir un psychologue. "Ca m'aide beaucoup", confie-t-il.

- Psychologues "débordés" -

Sarah, en revanche, a eu l'intention de faire de même, avant de constater que les centres d'aide psychologique gratuits étaient submergés par la demande à Toulouse.

"Les centres de soins psychologiques sont débordés", confirme la responsable d'un de ces centres, qui souhaite rester anonyme.

"Parler leur fait du bien mais ce qui règlerait leur situation ce serait de retourner à l'université et d'avoir des espaces de socialisation", affirme-t-elle.

Une enquête IPSOS publiée la semaine dernière a décelé chez les 18-25 ans des niveaux "alarmants" de troubles anxieux et dépressifs.

Pour Sarah, la taille du logement peut aussi être déterminante. Contrairement à Dylan ou à Naya qui ont une chambre en cité U, elle loue un appartement en ville de 40m2. "Je n'aurais pas tenu dans une chambre" de 9m2, dit-elle.

Dans ce contexte, certains s'enferment dans leurs chambres et tentent de cacher leur détresse, raconte Patricia. Référente pour le Crous, cette étudiante en Gestion d'entreprise de 19 ans fait du porte-à-porte pour savoir comment vont les résidents.

Face à une jeune étudiante comme eux, les résidents se livrent parfois.

Solitude -

"J'ai réalisé que des gens allaient vraiment mal. La première fois, la fille commence par me dire que ça va. J'insiste et elle me fait rentrer dans sa chambre. Alors elle se met à pleurer sans s'arrêter et me dit: +J'en ai marre, je veux arrêter les études, je veux rentrer chez ma mère, je n'en peux plus d'être seule!+".

Certains, explique Patricia, font tout pour le cacher : "Une autre fois, la jeune fille qui m'ouvre me dit que ça va. Alors j'insiste. Elle répète plusieurs fois que ça va. Mais je vois bien que ça ne va pas. Il y avait une forme de tristesse sur son visage".

C'est ce danger que Dylan a fui. Mais quitter la cité U désertée ne suffit pas forcément: même chez ses parents, à 80 kilomètres de Toulouse, Dylan se sent seul et enfermé.

"Je ne suis pas dans un 9 m2 mais je passe ma journée devant un ordinateur. Mes camarades ne sont que des têtes sur un écran. On dirait une vidéo sur Youtube. Ils n'existent pas", regrette-t-il.

Cette solitude décourage Dylan, arrivé à Toulouse en septembre, après deux années de Sciences Po à Albi, où vivent ses parents: "J'ai toujours aimé la fac et les cours. Là, j'ai une énorme perte de motivation. Je ressens même du dégoût".

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