D'un pari à l'autre, Macron joue gros

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Par Laurence BENHAMOU - Paris (AFP)
Publié le 19 mars 2021 - 18:01
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Emmanuel Macron au côté du docteur Jan Hayon, le 17 mars 2021 à l'hôpital de Poissy/Saint Germain en Laye à Poissy
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© Yoan VALAT / POOL/AFP/Archives
Emmanuel Macron au côté du docteur Jan Hayon, le 17 mars 2021 à l'hôpital de Poissy/Saint Germain en Laye à Poissy

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Après des jours d'hésitation, Emmanuel Macron a décidé un confinement de "troisième voie" dans l'espoir de concilier exigence sanitaire, vie économique et sociale et acceptabilité de la population. Un nouveau défi qui met en jeu sa crédibilité à 14 mois de la présidentielle.

Jusqu'à sa dernière réunion avec Jean Castex jeudi midi, le chef de l'Etat, arbitre de ces injonctions contradictoires, n'avait pas tranché. Il penchait initialement pour un confinement le week-end en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France, ce que son Premier ministre avait pratiquement annoncé sur BFMTV mardi soir.

Mais Emmanuel Macron, très hostile à toute idée d'enfermement, cherchait une nouvelle formule en favorisant le "dehors", comme le prônait son allié François Bayrou qui a plaidé pour cette idée dès dimanche. Il a aussi écouté des maires mercredi, convenant avec eux que le confinement le week-end serait "compliqué" en région parisienne.

S'il avait choisi, contre l'avis des experts, de ne pas reconfiner le 29 janvier, malgré un plateau élevé de contaminations et décès, le remplissage croissant des réanimations a fini par rendre cette option intenable.

"Emmanuel Macron ne veut pas être le président d'un pays dont les hôpitaux trient les malades entre ceux qui peuvent aller en réanimation et ceux qui ne le pourront pas", rappelle un de ses proches.

Entre les "enfermistes" et les partisans de l'ouverture, le chef de l'Etat a donc préféré ce "freinage sans enfermement", selon l'expression de Jean Castex.

Lui même a estimé vendredi que le mot de "confinement" n'était pas adapté. "Ce qu'on veut, c'est freiner le virus sans nous enfermer, ce n'est pas être confiné. C'est vivre avec" le virus, a expliqué M. Macron à des journalistes dont l'AFP.

Pour l'exécutif, le défi est de faire comprendre ces mesures complexes et de les faire respecter. Impossible de contrôler si un promeneur va chez un ami. Sans adhésion au "freinage" des contacts, l'effet peut donc être limité sur les réanimations.

- "Un échec moral" -

Selon un sondage Odoxa pour Le Figaro et franceinfo publié vendredi, seuls 56% des habitants des territoires concernés par un reconfinement adhèrent à la mesure, considérée à une écrasante majorité trop tardive et insuffisante.

En cas de dégradation sanitaire, le chef de l'Etat risque ainsi se voir reprocher non seulement cet arbitrage mais aussi, a posteriori, son pari du 29 janvier, comme l'ont aussitôt fait les oppositions de droite comme de gauche.

Pour Bernard Jomier, sénateur PS, médecin et patron de la mission Covid, "on a perdu beaucoup de temps, le chef de l'Etat le sait, on ne retrouvera pas les vies perdues, six semaines à 2 ou 300 décès par jour. C'est un échec moral", dit-il à l'AFP

"On ne parie pas sur la vie des gens", a tweeté Julien Bayou (EELV) quand Eric Ciotti (LR), a dénoncé le "pari perdu d'Emmanuel Macron qui en janvier a refusé d'écouter les conseils scientifiques par calcul politique".

"En refusant toute anticipation et toute prise de décision forte fin janvier, l'exécutif se retrouve à la mi-mars obligé de durcir +mais pas trop+ les dispositions, en confinant sans confiner, avec une efficacité qui sera faible", a également déploré le collectif de médecins Du côté de la science.

Verdict que contestait vendredi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. "On a eu raison de ne pas confiner à la fin du mois de janvier, parce que, selon les projections, il devait y avoir une explosion en février qui n'a pas eu lieu". "On ne fait pas de pari avec la santé des Français, on fait des choix".

La courbe de l'épidémie sera-t-elle l'arbitre de la présidentielle, comme celle du chômage pour François Hollande ? "La présidentielle ne se jouera pas sur la gestion de crise, mais sur l'après, la sortie de crise et la réparation du pays", estime au contraire un responsable de la majorité.

Le succès de la campagne vaccinale sera en tout cas crucial. Or la suspension temporaire du vaccin d'AstraZeneca, destinée à rassurer, vient de déboucher sur une recommandation de le réserver aux plus de 55 ans, frein potentiel aux vaccinations.

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