En Uruguay, la première sénatrice transgenre dénonce la discrimination

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Par AFP
Publié le 24 novembre 2017 - 09:26
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Michelle Suarez? première sénatrice transgenre d'Uruguay, lors d'une interview avec l'AFP, le 18 oct
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Michelle Suarez? première sénatrice transgenre d'Uruguay, lors d'une interview avec l'AFP, le 18 octobre 2017 à Montevideo
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Depuis qu'elle est devenue, le mois dernier, la première sénatrice transgenre d'Uruguay, Michelle Suarez s'est fixée une mission: lutter contre les discriminations, alors que l'Amérique latine est considérée comme l'une des régions du monde les plus dangereuses pour cette communauté.

Même en Uruguay, pays connu comme très progressiste, les transgenres sont "un groupe historiquement bafoué", souligne, dans un entretien à l'AFP, cette avocate de 34 ans, membre du parti communiste et sénatrice suppléante depuis le 10 octobre.

Derrière son entrée en politique, une vie à se sentir mal à l'aise dans son corps de garçon, et la difficulté d'affronter le regard des autres pendant qu'elle prenait conscience de sa différence.

"Moi je me suis toujours sentie fille", raconte-t-elle dans sa maison de Salinas, petite cité balnéaire à 40 kilomètres de Montevideo. "Entre 11 et 15 ans, j'étais asexuée. Je faisais semblant de n'avoir aucune sorte de manifestation au niveau sexuel, afin de rester en paix. Tant que c'était secret, tout allait bien".

Mais quand cela n'a plus été secret, un "harcèlement constant" a débuté, poussant Michelle à devenir une militante de la cause trans.

Son vécu n'est pas isolé en Amérique latine: la région est particulièrement dangereuse pour cette communauté, selon l'observatoire de l'ONG Transgender Europe, concentrant 267 des 325 meurtres de personnes trans recensés dans le monde entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017.

La situation est particulièrement dramatique au Brésil, où 171 assassinats ont été enregistrés, et au Mexique, avec 56 homicides.

En 2015, la Commission interaméricaine des droits de l'homme relevait que l'espérance de vie d'une personne transgenre en Amérique latine était de 30 à 35 ans seulement.

- 'Lynchage social' -

A peine entrée au Parlement uruguayen, Michelle Suarez a affiché son ambition de porter un "projet de loi d'actions positives pour la population trans", afin de promouvoir "le même accès à la protection et au bénéfice des droits fondamentaux" comme la santé et l'éducation, explique-t-elle.

Selon elle, cette loi bénéficierait directement à environ 900 des 3.000 personnes transgenres recensés dans ce pays de 3,4 millions d'habitants.

L'objectif est qu'elles puissent trouver un travail qui ne soit pas cantonné à la prostitution, comme c'est majoritairement le cas actuellement, "se former, car 90% d'entre elles n'ont pas terminé le lycée, avoir un accès à la santé et qu'on arrête de trouver des femmes (trans) mortes car elles se sont fait injecter de la silicone liquide ou industrielle" afin d'avoir des seins.

Et, "pour ceux qui n'ont pas la possibilité de se réinsérer (dans le monde du travail, en raison de leur âge ou de leur état de santé)", qu'ils perçoivent une aide" d'environ 380 dollars par mois.

C'est "le premier pas sur un long chemin" afin de "combattre le harcèlement contre la population trans", "une population franchement désavantagée à tous les niveaux", assure Michelle Suarez, alors que la communauté homosexuelle a elle vu ses droits progresser, avec notamment l'adoption du mariage pour tous en 2013.

Elle se veut optimiste pour son projet de loi - "toutes les sociétés peuvent progresser", dit-elle -, elle s'attend aussi à un "débat politique intense".

Mais elle devra d'abord surmonter la polémique générée par son activité d'avocate, sur des soupçons de falsification de signature. Une enquête a été ouverte, mais pour la sénatrice, il s'agit encore une fois de discrimination à son égard.

Le "lynchage social que j'ai vécu à 15 ans, je le vis maintenant à 34 ans", dénonce-t-elle. "Toute accusation qui surgit contre moi est considérée comme la vérité. Il n'y a pas de bénéfice du doute, car nous les personnes trans, nous sommes facilement discréditées".

"L'unique moyen de défense que j'ai, c'est de rester calme et prudente", assure la sénatrice.

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