Honduras : la mort au bord du chemin vers le rêve américain

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Par Noe LEIVA - San Lorenzo (Honduras) (AFP)
Publié le 28 novembre 2018 - 21:31
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Wilfredo Cruz tient dans sa main une photo de son fils Oscar Cruz, mort dans un accident au Mexique alors qu'il faisait partie d'une caravane de migrants, à El Caimito, au Honduras, le 24 novembre 201
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© Orlando SIERRA / AFP
Wilfredo Cruz tient dans sa main une photo de son fils Oscar Cruz, mort dans un accident au Mexique alors qu'il faisait partie d'une caravane de migrants, à El Caimito, au Honduras
© Orlando SIERRA / AFP

Retenant ses larmes à grand'peine, Wilfredo Cruz attend qu'on lui rende le corps de son fils Oscar, mort écrasé à 17 ans alors qu'il cheminait au Mexique avec la "caravane" de migrants vers le rêve américain, pour fuir la misère et la violence des gangs au Honduras.

Dévasté par le chagrin, Wilfredo vit à 52 ans dans une misérable cabane faite de tôles et de bâches de plastique, dans le bidonville El Caimito de la ville portuaire de San Lorenzo (côte pacifique, à 70 km au sud de Tegucigalpa).

Selon le ministère hondurien des Affaires étrangères, six autres personnes en plus d'Oscar ont trouvé la mort pour "différentes causes" alors qu'elles marchaient avec les "caravanes" de migrants vers la frontière américaine.

Oscar, lui, est mort écrasé par un véhicule dont le chauffeur a pris la fuite.

"On nous a promis de le ramener dans les deux semaines pour pouvoir l'enterrer ici", explique Wilfredo sur le pas de porte de son taudis. Dans l'unique pièce au sol sablonneux, trois hamacs, pour lui et ses trois petites-filles de douze, huit et deux ans. Leur mère, sa fille enceinte Luz Marina, âgée de 28 ans, les a laissées à sa garde pour partir elle aussi, avec Oscar, vers les Etats-Unis.

L'homme, de stature moyenne, le visage barré d'une fine moustache, dit qu'il travaille huit mois maximum par an, pour couper la canne à sucre dans les champs. Son salaire: entre six et dix dollars par jour.

Il a bien tenté de semer une parcelle de terrain, mais tout a été perdu à cause de la sécheresse qui a frappé la région. Le gouvernement y a proclamé l'état d'urgence alimentaire pour 170.000 familles.

Dans la cour poussièreuse, où la carcasse d'un vieux réfrigérateur sert de citerne pour stocker un peu d'eau, Wilfredo montre la photo de son fils: un adolescent mince, à la peau claire.

Il est parti du sud du Honduras le 17 octobre avec un groupe d'environ 1.500 migrants, quatre jours après le départ d'une première caravane depuis San Pedro Sula (nord du Honduras).

Aujourd'hui, environ 5.000 migrants, pour la plupart des Honduriens, vivent entassés dans un refuge de la ville mexicaine de Tijuana, sur la frontière avec les Etats-Unis où sont massés des milliers de soldats américains.

- "Si je passe" -

Le président américain Donald Trump a en effet demandé à la troupe de se déployer à la frontière pour barrer la route à "l'invasion" des migrants parmi lesquels, selon lui, se sont glissés des criminels des gangs du Honduras, du Guatemala et du Salvador.

"Papa, il y a une autre caravane qui part... Si je passe (la frontière américaine), je vous aiderai", avait promis Oscar à son père à l'heure du départ.

"Tout ça pour ce malheur", dit Wilfredo avec amertume.

A une centaine de mètres de sa cabane, sur la terre poussiéreuse, aride et semi-désertique, à environ deux kilomètres de la côte, s'élève le taudis qui servait de domicile à sa fille. Encore plus misérable, s'il se peut.

Sous le coup de la mort brutale de son frère, Luz Marina a failli perdre l'enfant qu'elle porte. Elle est actuellement hospitalisée au Mexique.

La "maison" qu'elle a laissée derrière elle est un simple abri de tôles et de bâches de plastique, sans eau ni électricité. Sur le sol, encore des traces laissées par les vaches qui fréquentaient ce lieu.

"Elle ne venait ici que pour dormir, le reste du temps, elle était chez moi, explique Wilfredo, avant d'ajouter que le gouvernement a promis d'améliorer le logement.

Entre deux sanglots, l'aînée des petites filles, âgée de 12 ans, réclame le retour de sa mère. Elle est en dernière année d'école primaire et elle ne pourra pas continuer. "Nous avons besoin d'aide. Nous sommes si pauvres", se lamente l'enfant.

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