Amertume russe après le boycott présidentiel au Salon Livre Paris

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Par Alain JEAN-ROBERT - Paris (AFP)
Publié le 16 mars 2018 - 20:21
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Des visiteurs au stand russe du Salon du Livre de Paris, le 16 mars 2018 au Parc des Exposition à Paris
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© PATRICK KOVARIK / AFP
Des visiteurs au stand russe du Salon du Livre de Paris, le 16 mars 2018 au Parc des Exposition à Paris
© PATRICK KOVARIK / AFP

Peinés comme Natalia Soljenitsyne, ironiques comme le romancier Zakhar Prilepine, les invités russes du Salon Livre Paris ne cachaient pas leur dépit vendredi au lendemain du boycott du Pavillon officiel russe par le président Emmanuel Macron.

La Russie, invitée d'honneur de la plus grande manifestation littéraire de France, la présence à Paris pendant quatre jours de 38 auteurs représentatifs de la nouvelle génération d'écrivains du pays... Le Salon devait être la grande fête des lettres russes.

Officiellement, ça l'est toujours. Mais le boycott du Pavillon russe par le président Macron lors de la soirée d'inauguration, jeudi, laisse un goût amer parmi la délégation russe.

A commencer par Natalia Soljenitsyne, grande figure morale de la Russie. "La démarche (du président Macron) a peiné beaucoup d'entre nous", a dit la veuve de l'auteur de "L'Archipel du Goulag". Le président français "n'a pas fait ce qu'il fallait et en premier lieu pour la France elle-même", a estimé la veuve du prix Nobel de Littérature.

"J'avais l'impression qu'il était moins influencé par cette hystérie qui règne dans les médias occidentaux quand il s'agit de la Russie", a ajouté Mme Soljenitsyne.

Signe de la tension croissante entre la Russie et les capitales occidentales après l'empoisonnement en Angleterre d'un ex-espion russe, le président Macron a choisi de ne pas s'arrêter sur le Pavillon russe lors de sa visite de trois heures jeudi soir.

Dans un document vu par l'AFP, cette visite était pourtant bien au programme.

"Il était hors de question que je me rende sur un site officiel, nous allons nous concerter dans les prochains jours. Et nous verrons les réponses qu'il convient d'apporter à cette agression sur le sol de nos alliés britanniques", a expliqué M. Macron.

"Par contre je tiens à redire ici combien il est important de poursuivre le dialogue avec les intellectuels, avec les auteurs, avec la société civile, avec les musiciens, avec toutes celles et ceux qui portent la force de ce peuple et qui d'ailleurs parfois s'opposent avec beaucoup de courage contre tous les excès du régime en place", avait-il ajouté.

- 'Je m'en fiche' -

"Tourner le dos au dialogue avec les gens de la culture et des arts (...) ne sied pas à un leader politique français", a estimé Mme Soljenitsyne.

Enfant terrible des lettres russes, Zakhar Prilepine, 42 ans, politicien controversé proche du chef du Parti national-bolchevique Édouard Limonov, mais aussi écrivain parmi les plus doués de sa génération, a choisi de répondre avec ironie.

"Je n'ai même pas remarqué que Macron n'était pas là. Je m'en fiche (...) J'écris des livres russes et les livres ont une vie plus longue que celle des présidents", a dit l'auteur de "L'archipel des Solovki", édité chez Actes Sud, maison d'édition longtemps dirigée par la ministre de la Culture Françoise Nyssen.

Plus terre à terre, l'éditrice française d'origine russe Natalia Turine (également directrice de la librairie du Globe, la grande librairie russe de Paris) a expliqué que le boycott présidentiel lui avait fait "l'effet d'une douche froide".

"Votre boycott du Pavillon russe (...) a un impact direct sur mes investissements", écrit-elle dans une lettre ouverte à M. Macron.

"+Pays invité d'honneur+ est un titre, certes honorifique, mais qui se paye et qui se paye cher", a souligné Mme Turine. "C’est grâce à l’argent de ces pays invités d’honneur que ce festival est financé", a pointé du doigt l'éditrice en précisant qu'elle avait dépensé "100.000 euros" pour le stand de la librairie du Globe, librairie officielle du pavillon de la Russie.

"Je suis un chef d’entreprise français, et par votre boycott, j’ai reçu une claque, et mon entreprise est mise en péril", a-t-elle déploré.

Eugene Reznichenko, directeur exécutif de l'Institut Perevod, chargé de promouvoir la traduction d'œuvres russes dans le monde, a résumé le sentiment russe: "Honnêtement, nous sommes chagrinés. Pas offensés, mais chagrinés".

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