Avec sa loi pour l'école, le ministre Blanquer traverse son premier trou d'air

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Par Frédérique PRIS - Paris (AFP)
Publié le 11 avril 2019 - 09:46
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Inconnu du grand public lors de son arrivée au ministère de l'Education, Jean-Michel Blanquer a rapidement comblé son déficit de notoriété, pour séduire une grosse partie de l'opinion. Mais sa loi sur l'école inquiète les parents et le ministre connaît son premier trou d'air.

Dans le dernier baromètre Ifop pour Paris-Match et Sud Radio, publié cette semaine, il décroche de neuf points en un mois, à 29% d'opinion favorable, un "recul très net" et inédit depuis son arrivée rue de Grenelle, note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut de sondage.

Le politologue avance deux facteurs: le grand débat, qui a mis en avant Emmanuel Macron mais beaucoup moins les ministres, et les inquiétudes sur la loi "pour une école de la confiance", votée à l'Assemblée nationale en février et attendue au Sénat mi-mai.

Deux articles de cette loi font particulièrement polémique: l'article 1 cite "l'exemplarité" du personnel éducatif, qui y voit une perte de sa liberté d'expression, et l'article 6, dont les "Etablissements publics des savoirs fondamentaux" (EPSF) inquiètent les profs mais aussi les parents d'élèves.

"C'est l'allumette qui a mis le feu aux poudres", résume Stéphane Crochet, du syndicat enseignant SE-Unsa.

L'article 6, né d'un amendement, prévoit la création d'EPSF, des structures qui "associent les classes d'un collège et d'une ou plusieurs écoles situées dans le secteur de recrutement". Une disposition qui fait redouter à des enseignants du premier degré la disparition des directeurs d'école et leur mise sous tutelle du principal du collège.

Ces articles de loi mobilisent les parents d'élèves depuis plus d'un mois: grèves --les plus suivies depuis 2017--, rassemblements, réunions d'informations avec des parents, occupations de bureaux de directeurs, etc.

Jeudi, des parents parisiens ont répondu à l'appel de la branche locale du syndicat Suipp-FSU "Ecoles désertes" pour "faire reculer" le ministre, en occupant notamment des bureaux des directeurs et en accrochant des banderoles sur les façades, surtout dans le quart nord-est de la capitale.

"Jusqu'ici, le ministre a beaucoup surfé sur une forme de nostalgie de l'école. Mais là, cet EPSF mal défini est venu mettre en danger, dans l'inconscient collectif des parents, l'image de l'école telle qu'ils l'ont connue", estime M. Crochet.

"Cette loi, c'est le flou artistique", estimait un directeur d'école parisienne mardi soir lors d'une réunion avec des parents. "Quand on a des choses à cacher, c'est comme ça qu'on s'y prend".

- "Entre les gouttes" -

En 2017, M. Blanquer assurait qu'il n'y aurait pas de "loi Blanquer", rappelle André D. Robert, socio-historien de l'éducation. "Moins de deux ans plus tard, on a une loi difficilement lisible, avec des éléments disparates, un article 1 très controversé et un amendement arrivé par surprise qui fait polémique".

Le ministre "était considéré comme celui qui passait entre les gouttes", note Francette Popineau, du SNUipp-FSU, premier syndicat dans le primaire. "Or ce qu'on voit depuis quelques semaines, c'est que parents et élus pensent que cette loi n'est pas un projet correspondant aux besoins de l'école".

Face à la fronde, le ministre multiplie les interventions pour tenter de rassurer les parents, arguant de "bobards" colportés au sujet de sa loi mais aussi d'"éventuelles imperfections" du texte.

"Il a toujours été très présent dans les médias. Cette fois-ci cependant, il se trouve dans une position défensive, ce qui est nouveau pour lui", note M. Crochet.

Côté enseignants, M. Blanquer a reçu tous les syndicats. Devant une commission du Sénat mardi, il a assuré "être ouvert à une évolution des propositions pour retrouver l'esprit de la confiance", lors du passage du texte devant le Sénat. Et il y aura toujours "un directeur par école", les EPSF ne sont en aucune manière obligatoires et ne concerneront qu'"une minorité".

Le ministre "est fragilisé, mais pas en vraie difficulté", estime l'historien. Cette loi "cristallise des oppositions qui peuvent prendre de l'ampleur. Mais pour le moment, on est encore loin des mouvements de fond" qui ont fait tomber des ministres de l'Education, d'Alain Peyrefitte (1968) à Vincent Peillon (2014) en passant par Claude Allègre (2000).

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