Beate et Serge Klarsfeld, une expo et un credo : "Engagez-vous !"

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Par AFP
Publié le 06 décembre 2017 - 16:28
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Beate et Serge Klarsfeld, à Paris, le 22 novembre 2017
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© JOEL SAGET / AFP/Archives
Beate et Serge Klarsfeld, à Paris, le 22 novembre 2017
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Inlassables militants de la mémoire des crimes nazis, Beate et Serge Klarsfeld sont à partir de jeudi au coeur d'une exposition au Mémorial de la Shoah à Paris, dont ils espèrent que les jeunes retiendront un message: "Engagez-vous!"

Présentée jusqu'au 29 avril, cette installation met en lumière, à travers des trésors d'archives, les "combats de la mémoire" du plus célèbre couple franco-allemand, en particulier ceux d'une décennie (1968-1978) aussi flamboyante que décisive.

Les Klarsfeld n'étaient pas prédestinés à pareille aventure. "Nous étions un couple tellement divers: mon père était dans l'armée allemande, celui de Serge avait été tué à Auschwitz", rappelle Beate Klarsfeld, 78 ans, dans un entretien à l'AFP au côté de son époux, 82 ans, devant des murs chargés d'images témoignant de leur histoire.

Leur rencontre sur un quai de métro parisien remontait au 11 mai 1960, comme ils l'ont raconté dans leurs "Mémoires" parus en 2015. "Le jour où le Mossad a kidnappé Eichmann en Argentine... C'était symbolique", relit Beate.

Huit ans plus tard, la jeune femme met à exécution un geste spectaculaire préparé et même annoncé depuis des mois: le 7 novembre 1968, lors de la séance de clôture du congrès de la CDU à Berlin-ouest, elle gifle le chancelier Kurt Georg Kiesinger, ancien directeur adjoint de la propagande radiophonique du IIIe Reich.

Beate est condamnée à un an de prison ferme, peine ramenée en appel à quatre mois avec sursis. Peu importe puisque son geste a un retentissement mondial, qui atteint irrémédiablement l'image de l'homme politique: en octobre 1969, il doit céder le pouvoir au social-démocrate Willy Brandt.

"C'était le premier acte de l'épuration politique des anciens nazis à la tête des affaires publiques", souligne Serge Klarsfeld. "Ensuite nous sommes passés au problème des criminels de guerre qui avaient déporté les Juifs de France et qui étaient les seuls assurés d'une totale impunité: ils ne pouvaient pas être jugés en Allemagne" ni "être extradés vers la France". La donne changera en 1975, permettant la tenue d'un procès.

En 1978, Serge publie en historien le "Mémorial de la déportation des Juifs de France", un ouvrage sans équivalent qui rassemble les plus de 70.000 noms de déportés et documente les lieux d'arrestation et camps de rassemblement. Cette parution appuiera l'acte d'accusation du procès de Cologne, qui conduira à la condamnation en février 1980 des anciens SS Kurt Lischka, Herbert Hagen et Ernst Heinrichsohn.

- 'Valeur d'exemplarité' -

"On a l'image du couple Klarsfeld comme l'incarnation des chasseurs de nazis", dont Klaus Barbie, traqué jusqu'en Bolivie, fait valoir le commissaire de l'exposition, Olivier Lalieu, mais ce n'est qu'"une partie de leur combat". "Au même moment, ils sont dans la dénonciation de l'antisémitisme à l'Est (du rideau de fer, NDLR), dans le combat pour Israël et pour la paix (avec) les pays arabes... Ils ne se laissent enfermer dans aucune posture", ajoute l'historien, notant "une cohérence remarquable" dans leur engagement, "qui passe notamment par l'utilisation des médias".

En 1995, le discours historique de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de la France dans la rafle du Vel' d'Hiv doit beaucoup aux Klarsfeld. Et le fil de leur combat se déroule dans l'exposition jusqu'au printemps dernier, quand les époux et leur fils Arno appellent "contre (Marine) Le Pen" à voter Emmanuel Macron, sur une pleine page dans le quotidien Libération.

Si la "conscience" historique de la classe politique française a progressé, estime Serge, "le Front national a manqué s'emparer de la présidence de la République, ce qui montre bien que ce n'est pas un parcours rectiligne".

L'ancien avocat espère que l'exposition pourra avoir "valeur d'exemplarité" auprès des jeunes générations, notamment sur l'importance de construire "une action de citoyens": "Les citoyens peuvent s'engager et, quand ils s'engagent, ils peuvent obtenir des résultats".

Beate confirme le message à destination des plus jeunes: "Engagez-vous tout de suite! N'attendez pas que quelqu'un vous le demande, qu'un parti soit d'accord avec vous. Il faut décider soi-même".

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