Bocuse, le chef qui a transformé les cuisiniers en stars

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Par Anne-Laure MONDESERT, Paul RICARD - Paris (AFP)
Publié le 20 janvier 2018 - 17:27
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Le restaurant de Paul Bocuse, "L'auberge du Pont de Collonges", le 20 janvier 2018 à Collonge-au-Mont-d'Or
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© JEFF PACHOUD / AFP
Le restaurant de Paul Bocuse, "L'auberge du Pont de Collonges", le 20 janvier 2018 à Collonge-au-Mont-d'Or
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Paul Bocuse laisse un héritage énorme à la gastronomie française et mondiale: il a contribué à la starisation des chefs et apporté une modernité à la cuisine, même s'il a fini par incarner un certain classicisme français.

"C'est celui avec qui Henri Gault et Christian Millau ont lancé la Nouvelle cuisine. Il a été à l'origine de ce big bang dans la gastronomie française et mondiale", rappelle Côme de Chérisey, patron du guide Gault & Millau, interrogé par l'AFP.

C'est une simple salade de haricots verts croquants qui fait naître ce mouvement révolutionnaire. Au milieu des années 60, Gault et Millau goûtent chez Bocuse ce plat et d'autres, qui suscitent l'envie d'une cuisine affranchie des canons de la tradition française.

Le travail d'autres cuisiniers s'inscrit dans cette tendance, comme les frères Troisgros, Michel Guérard, Alain Senderens ou Alain Chapel. En 1973, Gault et Millau lancent leur manifeste pour une "Nouvelle cuisine": cuissons plus courtes, moins de sauces, utilisation des produits du marché.

"Cela a vraiment révolutionné la cuisine et cela continue à marquer des générations de chefs", souligne Côme de Chérisey.

Le chef Pierre Gagnaire décrit la genèse de la Nouvelle cuisine comme une "rencontre de gens malins". Gault et Millau "ont été très intelligents, ils ont goûté le changement. Et en face il y avait cet homme qui avait saisi l'opportunité d'exister, au-delà du simple fait culinaire", dit-il à l'AFP.

Inspirateur de la Nouvelle cuisine, Bocuse refusait pour autant d'en être l'ambassadeur. "Je n'ai jamais fait de nouvelle cuisine, à part une salade de haricots verts qui a laissé tout le monde sur le derrière. La nouvelle cuisine, c'était rien dans l'assiette, tout dans l'addition!", disait-il au critique François Simon en 2007.

- 'Notre père à tous' -

"C'était un homme de la terre, il aimait la terre, il la respectait, il magnifiait le produit, il était contre une cuisine trop moderne. Sa cuisine soi-disant passéiste était complètement dans le ton actuel", affirme à l'AFP le chef Marc Veyrat.

Pour un autre chef, Philippe Etchebest, "Paul Bocuse fait partie des bases et en cuisine, il n'y a pas de créativité sans fondamentaux".

"Paul Bocuse était cette base-là, ce socle qu'on avait pour nous exprimer. Il s'est construit tellement de choses autour de ce socle", dit-il à l'AFP. "C'était un peu notre père à tous, notre référent".

Au-delà de son travail, Bocuse est celui qui a donné un statut au cuisinier: avec lui, le chef sort de la cuisine, et devient un créateur.

"Paul a déclenché un mouvement qui a permis aux cuisiniers de remonter sur scène. C'était l'époque où l'on parlait plus des maîtres d'hôtel que des cuisiniers que l'on avait soin de conserver près de leur seau à charbon", raconte Michel Guérard, figure du mouvement de la Nouvelle cuisine et membre de la "bande à Bocuse".

Yannick Alléno se souvient pour sa part qu'à son arrivée au Meurice, Paul Bocuse était venu déjeuner et avait fait le tour des tables pour convaincre -avec succès- les clients de prendre du fromage, montrant ainsi au jeune chef l'importance de sortir de sa cuisine.

Bocuse était aussi un visionnaire sur le plan commercial. "Il a compris tous les codes autour du commerce de la gastronomie et est le premier à avoir fait de son nom une immense marque, connue dans le monde entier", note M. de Chérisey.

"La soupe VGE (une soupe aux truffes créée pour le président Valéry Giscard d'Estaing, ndlr), c'est devenu un plat médiatique, emblématique. Cela montre comment un chef crée une recette qui devient un objet de communication", poursuit-il.

Bocuse a aussi été l'un des premiers, bien avant Alain Ducasse, à revendiquer le fait qu'un chef pouvait ne pas être toujours lui-même derrière les fourneaux, mais laisser un autre officier en son nom.

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