Brexit : fin du game pour les studios britanniques ?

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Par Kilian FICHOU - Londres (AFP)
Publié le 01 février 2019 - 11:27
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Nick Button-Brown dans les bureaux de Payload Studios, le 17 janvier 2019 à Londres
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© Daniel LEAL-OLIVAS / AFP
Nick Button-Brown dans les bureaux de Payload Studios, le 17 janvier 2019 à Londres
© Daniel LEAL-OLIVAS / AFP

Pendant que Theresa May remet une pièce dans la machine du Brexit et veut relancer le jeu des négociations avec Bruxelles, certains studios de jeux vidéo britanniques, redoutant une fin de partie prématurée, tirent la sonnette d'alarme.

"Notre industrie est particulièrement vulnérable au Brexit", s'inquiète Nick Button-Brown, vétéran de la scène vidéoludique qui conseille aujourd'hui les jeunes pousses. Et pour cause: plus d'un tiers des 20.000 employés du secteur sont des ressortissants de l'Union européenne.

"Avant, je construisais mes équipes à partir de talents issus de l'UE, parce que je savais que je pouvais les recruter et les faire venir ici facilement", explique-t-il dans les bureaux de Payload Studios, jeune studio londonien derrière le jeu de combat de véhicules "Terratech". "Aujourd'hui, ce n'est plus possible."

Vincent Scheurer, co-fondadeur de la société qui compte une vingtaine d'employés, s'interroge également sur ce qui pourrait se passer après le 29 mars et la sortie prévue du Royaume-Uni de l'UE. "C'est beaucoup plus difficile pour les petites structures de recruter hors de l'UE à cause du système de visa. Si ces règles s'étendent à toute l'Europe (...) cela représenterait un vrai risque existentiel" pour son studio, dit-il.

Face à ces inquiétudes, une campagne qui défend le maintien dans l'UE, Games4EU, a été lancée l'été dernier, une initiative plutôt rare dans un milieu habituellement réticent à s'impliquer en politique. "Près de 80% des membres de cette industrie ont voté pour rester dans l'UE, et nous voulons nous assurer que leur voix soit entendue", affirme George Osborn, l'un des co-fondateur du mouvement.

- Privé de FIFA ?-

Plus d'une centaine de studios ont signé la pétition de Games4EU. Le collectif dit craindre une hausse des coûts de production, ainsi que la délocalisation partielle ou totale de certains studios vers le continent. Et s'inquiète également de la question du partage sécurisé des données.

"Pour le moment, les données en ligne circulent librement entre le Royaume-Uni et l'UE, explique Nick Button-Brown, également membre de Games4EU. Mais on ne sait pas ce qu'il va se passer après le Brexit, cela n'a pas été réglé. Il existe un scénario dans lequel vous ne pourriez soudainement plus jouer à FIFA avec quelqu'un d'un pays de l'UE".

L'enjeu est d'importance car le jeu vidéo rapporte près de 3 milliards de livres (3,45 milliards d'euros) à l'économie britannique, faisant du pays qui a vu naître Lara Croft et la série des Grand Theft Auto le 5ème marché mondial en termes de chiffre d'affaire.

“Notre industrie est mondialisée, et un Brexit sans accord représente une barrière dans le rôle que joue le Royaume-Uni. Malheureusement il n'existe aucune solution claire permettant de protéger les studios de son impact", estime Tim Heaton, directeur du studio Creative Assembly, un acteur majeur du secteur et l'une des rares sociétés à s'être exprimée officiellement sur la question.

- "Jeu de guerre"-

"Les grosses compagnies s'en sortiront car elles ont suffisamment d'argent pour gérer, prédit Nick Button-Brown. Ceux qui seront les plus touchés, ce sont les petits développeurs, mais ce sont également ceux qui sont les plus imaginatifs".

Pourtant, le Brexit a aussi inspiré les créateurs, à l'image de Tim Constant, qui a publié cet été "Not Tonight", petit jeu indépendant qui dépeint une Angleterre post-Brexit désenchantée et xénophobe. "Cela a eu des vertus thérapeutiques, explique le développeur de 40 ans. "Ce jeu est né d'un sentiment de frustration face au Brexit. J'imagine qu'en faire un jeu vidéo, c'est ma façon de participer au débat."

"Pour moi, le Brexit s'apparente à un jeu de guerre, soupire Nick Button-Brown. Mais un jeu dont on sait d'avance qu'on va perdre la partie".

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