"C'est la grosse déprime" : l'inquiétude de jeunes avocats face à la réforme des retraites

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 10 janvier 2020 - 18:37
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Vont-ils pouvoir continuer à exercer leur profession? De jeunes avocats venus manifester au palais de justice de Paris ont dit vendredi à l'AFP leur inquiétude face à la réforme de
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Vont-ils pouvoir continuer à exercer leur profession? De jeunes avocats venus manifester au palais de justice de Paris ont dit vendredi à l'AFP leur inquiétude face à la réforme des retraites, qui devrait entraîner pour beaucoup une forte augmentation des charges mettant en péril les petits cabinets.

Le projet de réforme prévoit notamment de doubler les cotisations retraite (de 14 à 28%) pour les avocats gagnant moins de 40.000 euros par an, selon le Conseil national des barreaux qui représente les 70.000 avocats français. A la retraite, les avocats perçoivent actuellement au minimum 1.400 euros par mois mais après la réforme, ce montant tomberait à 1.000 euros.

- "L'image de nanti est fausse" -

Noémie Saïdi-Cottier, qui a un cabinet avec une collaboratrice, a choisi, en plus des dossiers facturés, de prendre gratuitement des affaires concernant notamment les droits de l'Homme et les migrants. Elle défend également des justiciables n'ayant pas les moyens de payer un avocat et qui bénéficient donc de l'aide juridictionnelle.

"Mais je crains que la réforme ne me permette pas de continuer à m'engager dans ces dossiers, m'engager pour les autres. Il va falloir que je travaille davantage pour des gens qui ont les moyens de payer", déplore l'avocate, qui exerce depuis huit ans.

"J'ai plein de copains qui ont arrêté le métier. Je ne m'étais pas posé la question jusqu'ici, mais là... Dans ma génération, c'est la grosse déprime".

"Nous n'avons pas d'indemnités chômage, pas de congé maternité: le jour de mon accouchement, je travaillais! L'image de nanti est fausse: beaucoup ont du mal", insiste la jeune avocate.

- "A long terme, le système D" -

Wahid Belaghlem a commencé à exercer il y a trois ans et a ouvert son cabinet il y a trois mois à Paris. Les cotisations qui passent de 14 à 28%, "ça va être très compliqué: à court terme, il va falloir piocher encore plus dans nos économies et à long terme, ça va être difficile si on n'a pas une augmentation importante du nombre de clients. Il va falloir passer au système D", explique le jeune avocat, qui fait du pénal et du droit des affaires.

"Je suis très inquiet. Je m'interroge sur mon avenir dans cette profession", confie-t-il. La situation est particulièrement difficile pour les petits cabinets, qui ont moins d'argent de côté. "Cela va nous décourager de prendre des dossiers peu rémunérateurs", prévient l'avocat, qui prend l'exemple de certains dossiers de divorce.

- "Face à un mur" -

"Nous espérons vraiment que la réforme ne passera pas car nous n'avons pas de solution", expliquent trois jeunes avocates, Laura, Chine et Sonia, qui exercent respectivement depuis 3, 4 et 7 ans. "Nous sommes face à un mur. Nous craignons pour notre futur". Elles expliquent qu'elles ne pourront pas payer cette augmentation des cotisations mais que les responsables des cabinets ne pourront pas non plus la financer. "Beaucoup de cabinets vont fermer", s'inquiètent-elles.

"Nous devrons augmenter nos honoraires", dit l'une d'elles. "Il faudra peut-être que l'on se désinscrive des listes de l'aide juridictionnelle: c'est une importante mission de service public mais ce n'est pas avec cela que nous allons payer nos cotisations", suggère une consoeur. "Nous allons souffrir, mais aussi les justiciables les plus démunis", s'alarment les jeunes avocates.

- L'année de la reconversion professionnelle ? -

Viviane Souet, qui a elle vingt ans de barreau, consacre 60% de son temps à l'aide juridictionnelle (AJ), notamment dans les affaires impliquant des mineurs. "C'est un choix de ma part. Un mineur doit être défendu même si sa famille n'a pas les moyens de payer un avocat".

Mais l'AJ est peu rémunératrice et "on est réglé des mois plus tard", explique l'avocate, qui liste les charges qu'elle doit déjà régler chaque mois. "Défendre les mineurs, c'est ce que j'aime. Cela me fendrait le coeur de devoir renoncer, mais 2020 est l'année de la réflexion pour éventuellement une reconversion professionnelle".

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