Che Guevera, Escobar et Frida Kahlo unis pour "réévaluer" la monnaie vénézuélienne

Auteur:
 
Par Aurore BAYOUD - Bogota (AFP)
Publié le 10 mai 2019 - 08:45
Image
L'artiste et migrante vénézuélienne Paula Villamizar peint avec son compagnon Javier Caballos des portraits de personnalités sur des bolivars, le 3 mai 2019 dans une rue de Bogota, en Colombie
Crédits
© IVAN VALENCIA / AFP
L'artiste et migrante vénézuélienne Paula Villamizar peint avec son compagnon Javier Caballos des portraits de personnalités sur des bolivars, le 3 mai 2019 dans une rue de Bogota,
© IVAN VALENCIA / AFP

Qui aurait imaginé Che Guevara, Pablo Escobar et Frida Kahlo en frères d'armes? Les artistes Javier Ceballos et Paula Villamizar ont fait ce pari, assignant à des célébrités une mission spéciale: redonner de la valeur au bolivar, la monnaie du Venezuela.

Voici la "réévaluation du billet vénézuélien par l'art", présente Javier, tel un prestidigitateur avant un tour. La magie opère dans une rue piétonne du centre de Bogota.

C'est là que l'artiste s'est installé il y a trois mois, à son arrivée dans la capitale colombienne. Ce Vénézuélien de 27 ans a fui la grave crise socio-économique que subit l'ancienne puissance pétrolière. Sa compagne Paula, 22 ans, l'a rejoint fin avril.

En guise d'atelier, un assemblage de planches trouvées dans la rue. L'une sert de tableau d'affichage pour les oeuvres miniatures: des bolivars décorés du portrait de personnalités du continent et d'ailleurs.

"C'est notre manière de protester. Ça permet de donner une valeur à cette monnaie, pour qu'elle ne finisse pas à la poubelle", résume Javier. A cause de l'hyperinflation, le bolivar ne vaut aujourd'hui plus rien.

- Chavez oui, Maduro non -

Sur les coupures dévaluées qu'il achète, ou qu'on lui donne par solidarité, le couple s'amuse à peindre le révolutionnaire argentin Ernesto "Che" Guevara, la peintre mexicaine Frida Kahlo, le prix Nobel de littérature colombien Gabriel Garcia Marquez, mais aussi Bob Marley, Joseph Staline, Paul McCartney...

Celui qui soulève le plus de vagues est l'ancien "capo" de la cocaïne: "Quand nous peignons Pablo Escobar, les gens nous critiquent... Mais les touristes adorent!", raconte Paula à propos du chef du cartel de Medellin, abattu en 1993, mais qui génère toujours autant de passions.

Parmi les oeuvres du jeune couple, il y a un grand absent: le leader vénézuélien, Nicolas Maduro. "Cela ne nous intéresse pas, nous n'avons pas envie" de le représenter, dit Javier en haussant les épaules. Quant au défunt président Hugo Chavez, il est peint "mort" ou "en larmes": puni pour "les dégâts causés" au pays.

"L'objectif est de rendre sa valeur au bolivar", explique Javier. Chaque billet est ainsi mis à prix 10.000 pesos (environ trois dollars). Les bons jours, les deux migrants peuvent en vendre jusqu'à vingt.

Avec la crise, la monnaie vénézuélienne a chuté de 98%. Actuellement, il faut 6.000 bolivars pour un dollar, selon un taux variable. "Avec le billet de la valeur la plus élevée (...) vous ne pouvez même pas acheter une cigarette au Venezuela. Il faut au moins sept billets", précise Paula avec un sourire ironique.

- Tableaux miniatures -

Paula s'est perfectionnée en dessin et Javier a dû lutter contre sa timidité. "Pour vendre dans la rue, tu as intérêt à sortir de ta zone de confort!" s'exclame-t-il. Coiffés de bonnets en peluche, en forme de panda pour Paula et de loup pour Javier, les artistes se sont gagné une petite notoriété autour leur atelier improvisé, près de la Place de Bolivar.

Tous deux ont quitté l'Etat de Tachira (nord-ouest), où ils sont nés, fuyant les pénuries. La récession a coulé leur petite affaire de vente en ligne d'oeuvres d'art. "Certains jours, on avait à peine de quoi se partager un oeuf et un peu de pain", se souvient Paula.

A Bogota, ils travaillent treize heures par jour, dorment dans une chambre exigüe d'une auberge de jeunesse, où ils partagent un lit simple.

Leurs clients sont surtout des touristes. Les Colombiens, dont le pays a accueilli 1,3 million de migrants vénézuéliens ces dernières années, s'étonnent moins de leur ingéniosité.

Les étrangers "sont toujours impressionnés de savoir que ces billets ne valent plus rien", raconte Paula, pendant que Javier termine le cinquième portrait de la journée, celui du guitariste Jimi Hendrix. "Ce billet-là ne perdra pas de sa valeur messieurs dames! Au contraire, il en gagnera", lance l'artiste pour appâter le chaland.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.