Déserte, orpheline de sa "féria" pascale, Arles inquiète pour l'avenir

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Par Isabelle WESSELINGH - Arles (AFP)
Publié le 12 avril 2020 - 13:34
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Un chat se promène dans les arènes d'Arles désertes, après l'annulation de la féria en raison de l'épidémie de coronavirus, le 12 avril 2020
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© Anne-Christine POUJOULAT / AFP
Un chat se promène dans les arènes d'Arles désertes, après l'annulation de la féria en raison de l'épidémie de coronavirus, le 12 avril 2020
© Anne-Christine POUJOULAT / AFP

Il semble irréel le temps où la foule se pressait entre des paellas fumantes place du Forum, devant le café peint par Van Gogh, le temps du flamenco, des arènes regorgeant d'aficionados. Déserte, privée de féria par le coronavirus, Arles redoute l'avenir.

Dans tout le Sud de la France imprégné de culture espagnole, les "férias", fêtes annuelles ou bi-annuelles, drainent des passionnés de tauromachie mais aussi habitants et touristes aimant simplement danser et boire de la sangria dans les "bodégas", ces bars improvisés dans des caves, garages ou jardins. Dans les rues jouent des fanfares, les "penas" ou "bandas".

"C'est une fête populaire, le grand patron y trinque avec un gars du service des déchets, les habitants de tous milieux se côtoient, se mêlent avec les touristes", relève le premier adjoint à la mairie Patrick Chauvin.

Entre Camargue et Provence, Arles lançait sa saison touristique avec la féria de Pâques fréquentée en quatre jours par 180.000 à 200.000 personnes dans cette ville de 52.000 habitants.

Mais avec l'épidémie de Covid-19 qui a fauché plus de 100.000 vies dans le monde, Séville en Espagne a repoussé sa féria, Arles, comme Nîmes, l'ont annulée. La ville qui a enregistré hospitalisations et décès, se confine, mais avec un pincement au cœur de plus ce week-end.

Sur la place du Forum déserte, Antonio, s'est assis, avec son sac de courses, devant la façade jaune du café peint par Vincent Van Gogh. "Tu fais ta féria tout seul?", lui lance un passant. "Tous les ans, on mange la paella ici, souvenirs, souvenirs", répond Antonio, qui tait son nom de famille et repart chez lui, triste.

Il regardera sur internet "la féria des confinés", rediffusion de corridas et courses taurines du passé.

A quelques rues de là, l'ancienne église gothique des Frères prêcheurs est fermée. Oubliées les queues pour entrer dans ce lieu accueillant pour la féria, la bodéga "les Andalouses". "On devait fêter nos 20 ans d'existence, on avait programmé des musiciens et danseurs de flamenco de Grenade", raconte Dalia Navarro présidente de cette association dédiée à la culture hispanique.

Outre l'angoisse créée par la pandémie, "on se sent orphelin ce week-end sans la féria (...), ce moment festif qui marque la sortie de l'hiver, les retrouvailles avec les amis...", dit-elle.

Jean-Baptiste Jalabert, célèbre ex-torero --sous le nom de Juan Bautista-- et directeur des arènes, entre avec tristesse dans l'amphithéâtre romain où devaient se tenir corridas et courses camarguaises: "On pensait accueillir 10.000 personnes pour la corrida du dimanche".

Mais les gradins de pierre sont vides. Un chat passe sur le sable où s'affrontent d'habitude taureaux et matadors. 300 personnes auraient dû travailler là pour l'événement.

- Catastrophe économique -

Au-delà de l'aspect social, la féria est un temps économique crucial dans une ville où le tourisme représente un tiers de l'activité. "C'est le lancement de la saison estivale, un moment où on refait les trésoreries", explique à l'AFP Stéphane Paglia, président de la Chambre de commerce et d'industrie du pays d'Arles.

Les visiteurs dépensaient sept millions d'euros sur ces quatre jours, selon une étude. Pour le président de l'Office de tourisme, Christian Mourisard, les retombées globales atteindraient plus de 15 millions d'euros. Le tout réduit à néant.

"Le lundi de Pâques, on faisait 800 couverts, là zéro", témoigne Lakdar Otsmani, gérant du Malarte, un grand café du centre. Comme les plus de 1.000 restaurants et hôtels du pays d'Arles, il est à l'arrêt.

Si des salariés sont en chômage partiel, des centaines de saisonniers n'ont pas été embauchés, un coup dur dans une ville où le chômage tournait autour de 11% avant le confinement, selon M. Chauvin.

De manière générale, 66% des petites et moyennes entreprises impactées estiment des pertes potentielles de chiffres d'affaires supérieures à 80% avec la crise sanitaire, indique la CCI.

Tous s'inquiètent d'un avenir incertain. Quand se terminera le confinement? Les festivals estivaux dont les Rencontres internationales de la photographie auront-ils lieu?

"Même à la sortie du confinement, les comportements ne seront pas les mêmes", souligne M. Mourisard également président d'ADN Tourisme, Fédération nationale des acteurs institutionnels du secteur, qui planche pour préparer l'après. Y aura-t-il des limites pour les rassemblements, des distances de sécurité? Les Italiens, Américains, Japonais qui aimaient visiter Arles voyageront-ils comme avant?

Avant de refermer la grille des arènes, Jean-Baptiste Jalabert, qui passera Pâques confiné avec sa famille lâche: "Ce qui fait peur c'est qu'on ne sait pas quand on reprendra une vie normale".

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