En Iran, une nouvelle génération de globe-trotteurs

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Par Ali NOORANI - Téhéran (AFP)
Publié le 31 janvier 2018 - 10:59
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Un jeune Iranien, sac à dos, arrive à la station de bus de Téhéran, le 13 janvier 2018
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© ATTA KENARE / AFP
Un jeune Iranien, sac à dos, arrive à la station de bus de Téhéran, le 13 janvier 2018
© ATTA KENARE / AFP

La fièvre du voyage touche un nombre croissant de jeunes Iraniens poussés par la soif de nouveaux horizons, favorisée par les échanges d'expériences que permettent les réseaux sociaux.

Les aventures d'Iraniens ayant parcouru des milliers de kilomètres sac au dos touchent un très large public en Iran sur Instagram ou Telegram, les réseaux sociaux les plus populaires du pays, où certains de ces voyageurs comptent plus de 200.000 abonnés.

Pendant longtemps, les voyages ont été l'apanage d'une élite iranienne disséminée en Europe et aux Etats-Unis après la révolution islamique de 1979. Aujourd'hui, ce sont les enfants d'une classe moyenne émergente qui prennent leur envol vers des cieux inconnus, non sans se heurter parfois à la volonté de leurs parents.

Sara Louï, 31 ans, a grandi dans l'idée que les vacances devaient nécessairement prendre la forme d'une migration vers les côtes de la Caspienne, dans le nord de l'Iran. Son credo a changé il y a deux ans lorsqu'elle a voyagé en autostop jusqu'à la ville historique de Yazd, dans le sud, en compagnie d'un groupe d'étrangers rencontrés par le biais du site d'accueil gratuit Couchsurfing.

"Je n'avais absolument aucun équipement. Je portais des ballerines et j'avais emprunté un sac à dos à une amie", raconte cette Téhéranaise à l'AFP.

Mais ce voyage l'ayant ouverte à des perspectives nouvelles, elle décide d'économiser en vue d'un voyage de 40 jours en Europe, quitte à devoir affronter ses parents.

Ils n'ont pas accepté ce voyage "du jour au lendemain, ni même facilement. Cela a été vraiment difficile", souligne-t-elle, mais "j'ai progressivement prouvé que je pouvais m'en sortir sur des voyages plus courts et j'ai gagné leur confiance".

- 'Etrangers dans ta chambre' -

"Aujourd'hui, si je reste à la maison le week-end, mon père vient me voir et me demande ce qui ne va pas", ajoute en riant la jeune femme, qui tient un blog sur ses voyages.

D'autres jeunes Iraniens, spécialement des femmes, sont régulièrement mis en garde contre les dangers guettant le voyageur solitaire.

"Quand je dis à des Iraniens que j'ai dormi dans une auberge de jeunesse en Europe, ils sont généralement choqués et me disent: +Tu veux dire qu'il y avait des étrangers dans ta chambre? Ils ne t'ont rien fait de mal au moins?+", raconte Mahzad Elyassi, une autre blogueuse nomade.

Elle dit avoir entendu parler de l'autostop pour la première fois en 2015, mais assure qu'elle a depuis voyagé en levant le pouce dans chacune des 32 provinces d'Iran et dans 20 pays étrangers.

"Nous avons prouvé que l'Iran est vraiment sûr pour ce genre de voyages, et c'est devenu à la mode", ajoute-t-elle. "Une femme m'a dit avoir utilisé ma page Instagram pour convaincre son mari en lui disant: +Si elle a pu faire cela seule, alors ne devons pouvoir le faire aussi+".

Durant l'année iranienne 1395 (mars 2016 à mars 2017), quelque 9,2 millions d'Iraniens ont voyagé à l'étranger, soit 38,5% de plus que l'année précédente, et presque deux fois plus que dix ans plus tôt, selon des statistiques officielles.

- Dispenses de visa -

Mais en dépit des efforts du président Hassan Rohani, élu en 2013, pour sortir l'Iran de son isolement et améliorer l'image du pays, les Iraniens ne sont pas toujours bienvenus à l'étranger.

Validée en décembre par la Cour suprême, la dernière mouture du décret migratoire controversé du président américain Donald Trump durcit considérablement les conditions à l'entrée aux Etats-Unis pour les Iraniens, et les conditions pour l'obtention d'un visa touristique dans les pays de l'Union européenne sont décourageantes pour les moins fortunés.

D'autres pays sont plus accueillants: la Géorgie, la Russie et la Serbie sont les trois derniers à avoir rejoint un club de 38 Etats dispensant les Iraniens de visas. Ce club compte notamment en son sein la Turquie et la Malaisie, et l'Inde pourrait y entrer à son tour.

En Iran même, Alireza Zafari, 38 ans, s'est assigné il y a deux ans une "tâche herculéenne": documenter intégralement son pays à l'usage des voyageurs, un projet sur lequel il compte travailler encore huit ans pour le mener à bien.

Son espoir est d'encourager l'intérêt pour les perles historiques et naturelles dont l'Iran abonde, et d'y attirer des visiteurs étrangers mais aussi ses compatriotes, plutôt que de voir ceux-ci se rendre en Turquie, première destination touristique à l'étranger pour les Iraniens.

"L'engouement pour les voyages vient du fait que les gens ont opéré une prise de conscience de la planète", dit-il à l'AFP. "Et la technique leur donne un accès facile aux informations dont ils ont besoin".

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