La prison parisienne de la Santé rouvre lundi, avec téléphones fixes et brouilleurs

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Par Sofia BOUDERBALA - Paris (AFP)
Publié le 05 janvier 2019 - 11:52
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La prison de la Santé à la veille des travaux, le 10 septembre 2014
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© JOEL SAGET / AFP/Archives
La prison de la Santé à la veille des travaux, le 10 septembre 2014
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Après quatre ans de travaux, la maison d'arrêt de la Santé, à Paris, accueillera lundi ses premiers détenus, dans des locaux entièrement rénovés et, pour la première fois en France, équipés à la fois de brouilleurs et de téléphones fixes en cellule.

Quelque 80 détenus intègreront la vénérable institution - 2,8 hectares au coeur du XIVe arrondissement de Paris - en provenance des prisons franciliennes surpeuplées de Fresnes (Val-de-Marne) et Fleury-Mérogis (Essonne). Ils seront affectés au service général, pour un premier grand nettoyage avant l'arrivée progressive des autres pensionnaires, à raison de 25 par semaine à partir de la mi-janvier.

D'une capacité initiale de 808 places, dont une centaine en quartier de semi-liberté, l'établissement pourrait atteindre dès la fin 2019 un taux d'occupation de 150%, alors que certaines maisons d'arrêt d'Ile-de-France sont déjà à 200%. Dans cette perspective, la majorité des cellules ont d'ores et déjà été dotées de deux lits.

Inaugurée en 1867, la prison qui vit passer le capitaine Alfred Dreyfus, le terroriste Carlos ou le trader Jérôme Kerviel, n'avait jamais été rénovée en profondeur. Elle était devenue au fil des ans le symbole du délabrement des prisons françaises. Les travaux, effectués dans un partenariat public-privé, ont coûté au total 210 millions d'euros pour trois ans de construction et 25 ans d'exploitation.

Cette réouverture aura valeur de test: la Santé est "la première prison à être équipée à la fois d'un nouveau système de brouillage pour portables et de postes de téléphone fixe dans les cellules", souligne la directrice de l'établissement Christelle Rotach.

Une révolution au sein de la détention et l'aboutissement d'un chantier lancé en janvier dernier par la ministre de la Justice Nicolet Belloubet.

Le gouvernement est parti d'un double constat: l'inefficacité du brouillage - seuls 10% des 804 brouilleurs actuels en prison sont effectifs - et la prolifération des téléphones portables en détention.

En 2017, un nouveau record a été battu: 40.067 téléphones et accessoires ont été saisis dans les 180 prisons françaises qui comptaient alors près de 70.000 détenus.

Le brouillage des portables a été confié pour une période de six ans à la société française SAGI.fr. Après la Santé, il sera progressivement étendu à d'autres établissements. Parallèlement, une concession de service public sur la téléphonie fixe a été accordée pour dix ans à Telio, un des leaders européens du secteur.

- Favoriser la réinsertion -

"L'accès au téléphone fixe en cellule est un élément d'apaisement de la détention. Les détenus pourront, sans restriction, appeler leurs familles", sans avoir "besoin de solliciter les surveillants qui pourront se consacrer à d'autres tâches", explique Mme Rotach.

Une innovation qui contribuera, espère la Direction de l'Administration pénitentiaire (DAP), à la prévention du suicide et à une meilleure réinsertion.

Les détenus pourront téléphoner uniquement aux numéros ayant fait l'objet d'une validation préalable. Aucun téléphone ne sera installé dans les quartiers d'isolement ou disciplinaires.

L'entreprise financera l'intégralité de l'investissement et se rémunérera par le prix des communications payées par les détenus. Le coût d'un appel vers un fixe s'élèvera à 0,08 euro par minute et à 0,18 euro vers un portable en France métropolitaine - environ dix fois moins qu'actuellement.

A la veille de la réouverture, "tout fonctionne", assure Mme Rotach. Et, ajoute-t-elle, "si cela fonctionne à la Santé, où il a fallu calculer au plus juste pour ne pas brouiller les communications des riverains, c'est que cela marchera n'importe où ailleurs".

Pour Mme Rotach, le tour de force a aussi été de garder la Santé dans son écrin historique de pierre meulière tout en bâtissant une prison moderne: des salles de sport creusées, des promenades ouvertes, des verrières ont été percées au dessus des coursives.

La lumière est aussi entrée dans les cellules: les fenêtres, très hautes, ont été descendues à hauteur d'homme. Sanitaires, douche, plaque électrique et frigo ont été installés. Loin des conditions "indignes" de détention de certaines maisons d'arrêt qui ont valu à la France d'être condamnée au niveau européen.

Le quartier des "particuliers", destiné aux personnes les plus vulnérables et aux "VIP", restera. La Santé prendra par ailleurs sa part dans l'accueil des détenus radicalisés, sous le regard de 380 surveillants.

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