"Les Français parlent aux Français" : décès de Franck Bauer, dernière voix de Radio Londres

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Par Frédéric POUCHOT - Paris (AFP)
Publié le 06 avril 2018 - 19:10
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Franck Bauer, ultime survivant de l'équipe de speakers français de Radio-Londres durant la Seconde Guerre mondiale, le 17 juin 2009 à Paris
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© PATRICK KOVARIK / AFP/Archives
Franck Bauer, ultime survivant de l'équipe de speakers français de Radio-Londres durant la Seconde Guerre mondiale, le 17 juin 2009 à Paris
© PATRICK KOVARIK / AFP/Archives

PARIS - "Ici Londres... Les Français parlent aux Français" : Franck Bauer, voix de la résistance contre l’occupant nazi et ultime survivant de la petite équipe de speakers français qui prononçaient rituellement ces mots sur Radio Londres, est décédé vendredi à l'âge de 99 ans.

Né en juillet 1918 à Troyes, Franck Bauer, est décédé à l'hôpital du Cateau-Cambrésis, dans le Nord, a annoncé à l'AFP son fils, l'artiste Axel Bauer.

Fils d'un architecte, ce jeune batteur et pianiste de jazz qui s'orientait plutôt vers la profession de son père, s'était engagé au sein de la France libre dès juin 1940, et avait fait partie, de mars 1941 à avril 1943, de cette petite équipe de journalistes français qui, sur les ondes de la BBC, se relayaient pour porter l'espoir durant les heures les plus sombres de l'histoire de France.

Dernier survivant de cette équipe, "c'est lui dont on retient la voix et l'image du speaker de Radio Londres" dans les archives de l'époque, et il avait participé à d'importantes commémorations, notamment en 2010 à Londres pour le 70e anniversaire de l'appel du Général de Gaulle, a rappelé à l'AFP Axel Bauer.

Après avoir été occupé à des missions de propagande, il avait été engagé comme speaker à Radio Londres par son patron, Jacques Duchesne, qui jugeait que son timbre de voix avait les caractéristiques nécessaires pour résister au brouillage allemand.

Il avait à ce titre prononcé 578 fois le célèbre indicatif: "Les Français parlent aux Français...", et diffusé des centaines de messages codés à ceux qui luttaient contre l'occupant, dont certains étaient restés gravés dans sa mémoire, comme : "Le crabe va rencontrer les serpents" ou "Le cheval envoie ses voeux à Polydore, sa filleule et ses amis".

- "L'espion qui venait du jazz" -

Outre ces messages secrets qui aident à coordonner les actions des résistants, les speakers de Radio Londres, dont les émissions débutaient par quelques célèbres notes au ton grave issues de la 5e symphonie de Beethoven, relayaient aussi des "messages personnels", et des chroniques destinées à soutenir le moral des Français.

A l'époque, pour ces millions de Français qui écoutaient en cachette Radio Londres, "j'étais l'équivalent de PPDA", avait il raconté en 2009 au quotidien Le Parisien.

Comme il l'avait expliqué dans "40 à Londres; l'espion qui venait du jazz", livre paru en 2004 aux éditions Bayard, Franck Bauer avait fini par démissionner quelques mois après le débarquement de novembre 1942 en Afrique du Nord, pour ne pas, avait-il expliqué, cautionner les messages entérinant la prise de contrôle à Alger de l'amiral Darlan et du général Giraud, au détriment du général de Gaulle.

Il avait alors été envoyé à Madagascar, pour y prendre en main la radio des Français libres. Mais avant d'accepter, il avait fait promettre à Maurice Schumann, autre camarade de Radio Londres, de le prévenir à temps pour pouvoir prendre part au Débarquement en France.

Une promesse tenue, mais après des étapes à Alger et en Ecosse, Franck Bauer ne touchera le sol normand qu'en juillet 1944. C'était quatre ans après avoir quitté la France sur un navire de guerre polonais pour une destination découverte à son arrivée, l'Angleterre, où il avait rallié "par hasard" un général dont il n'avait auparavant jamais entendu le nom...

Après la Libération, il travaille comme reporter de guerre aux Nouvelles du matin, puis à l'AFP, et entre au ministère de la Culture. Il fut par la suite secrétaire général de la Comédie-Française, fondateur du premier cabinet de relations publiques en France, professeur à la Sorbonne et commissaire de l'Exposition universelle de 1967, à Montréal.

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