Merkel et Erdogan affichent une timide détente malgré de "profondes différences"

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Par Mathieu FOULKES - Berlin (AFP)
Publié le 28 septembre 2018 - 16:56
Mis à jour le 29 septembre 2018 - 01:18
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Angela Merkel et Recep Tayyip Erdogan ont affiché vendredi un timide rapprochement entre leurs deux pays même si de "profondes différences" demeurent sur les droits de l'homme et la liberté de la presse en Turquie.

La seule annonce concrète à l'issue de la rencontre porte sur l'éventuelle organisation en octobre d'un sommet inédit sur la Syrie, axé sur le sort du dernier bastion rebelle d'Idleb et réunissant Russie, Turquie, Allemagne et France.

Un dossier sur lequel Moscou a la main, tandis que Paris et Berlin n'ont guère eu d'influence jusqu'ici.

La Turquie et l'Allemagne, où M. Erdogan effectue une visite d'État jusqu'à samedi, sortent de deux années de brouille : depuis le putsch manqué de 2016, Ankara reproche à Berlin la timidité de son soutien.

Les autorités allemandes critiquent quant à elles la dérive répressive de la Turquie ou encore l'espionnage d'opposants turcs en territoire allemand.

- Questions esquivées -

Il y a encore de "profondes différences", a reconnu Mme Merkel à l'issue de cette rencontre, évoquant la liberté de la presse et le respect des droits de l'homme en Turquie.

Mais à l'heure du dégel entre les deux pays, la chancelière a aussi mis l'accent sur les intérêts communs avec Ankara.

"Nous avons beaucoup de choses qui nous unissent", a-t-elle martelé.

L'Allemagne compte trois millions d'habitants de nationalité ou d'origine turque.

Et avec 7.500 entreprises allemandes travaillant en Turquie, Berlin a besoin d'une "économie turque stable", a expliqué Mme Merkel, à un moment où ce pays est frappé par une crise aiguë.

M. Erdogan s'est lui réjoui que cette visite permette de repartir sur de nouvelles bases : "nous sommes parvenus à un consensus pour relancer les mécanismes de coopération".

Tous deux membres de l'Otan, Allemagne et Turquie ont par ailleurs des intérêts communs à lutter contre le terrorisme et à éviter tout nouvel afflux de migrants en provenance de Syrie, a souligné Mme Merkel. Les deux pays accueillent à eux deux plusieurs millions de réfugiés syriens.

- "Démocratie gravement menacée" -

M. Erdogan, doté de pouvoirs accrus depuis le début de son nouveau mandat en juillet, s'était dans la matinée entretenu avec le président allemand Frank-Walter Steinmeier dans sa résidence du Château de Bellevue, où il a reçu les honneurs militaires.

M. Steinmeier a abordé la question des prisonniers "politiques" détenus en Turquie, dont cinq Allemands toujours retenus dans les geôles turques.

Quelques milliers de manifestants, mais loin des 10.000 espérés, ont protesté sans incident dans l'après-midi à Berlin à l'appel de groupes turcs et kurdes. Sur une banderole, M. Erdogan est représenté en train de tuer un journaliste avec une kalachnikov, sur une autre avalant une colombe. "C'est un scandale que le tapis rouge soit déroulé à Erdogan", a dit à l'AFP Nujiyan Gunay, la quarantaine.

Une autre manifestation est prévue pour samedi à Cologne où le président turc doit inaugurer une mosquée.

Au cours de la conférence de presse, un homme arborant un tee-shirt "Liberté pour les journalistes", a été évacué sans ménagement.

Et M. Erdogan a confirmé vouloir l'extradition du journaliste et critique du pouvoir turc Can Dündar, qui s'est exilé en Allemagne, l'accusant d'être un "agent" ayant divulgué des "secrets d'Etat". Il a été condamné à cinq ans de prison dans son pays.

Lors d'un dîner donné en son honneur à la présidence, boudé par plusieurs responsables politiques dont la chancelière, M. Erdogan s'est emporté à ce propos contre l'Allemagne.

"Quand des journalistes sont impliqués dans des actes terroristes et qu'un tribunal turc les a condamnés, comment peut-on encore les défendre?", a-t-il lâché.

"Je ne suis pas un agent, je suis un journaliste", a déclaré Can Dündar vendredi soir au cours d'une conférence de presse, se disant poursuivi par la justice turque uniquement "pour avoir écrit un article de presse".

Mme Merkel a une nouvelle fois refusé de considérer, malgré le souhait d'Ankara, les partisans du prédicateur Fethullah Gülen comme faisant partie d'une "organisation terroriste", ceux-ci étant accusés d'avoir fomenté le coup d'Etat avorté de 2016. Fethullah Gülen rejette de telles accusations."Nous prenons les informations de la Turquie au sérieux (...) mais ça ne suffit pas", a-t-elle dit.

En Allemagne, à gauche comme à droite, les appels à ce qu'Angela Merkel, affaiblie par une année de crises gouvernementales et par les tensions dans sa majorité sur la politique migratoire, s'étaient multipliés pour qu'elle reste ferme.

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