Paris, août 44 : "On me dit, +ça se passe à l'Hôtel de Ville+. Et me voilà parti"

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Par Daphné BENOIT - Paris (AFP)
Publié le 19 juillet 2019 - 11:00
Mis à jour le 27 juillet 2019 - 15:10
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Charles Pegulu de Rovin pose pour l'AFP à son domicile parisien, le 16 juillet 2019
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© Martin BUREAU / AFP
Charles Pegulu de Rovin pose pour l'AFP à son domicile parisien, le 16 juillet 2019
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Paris, août 1944. Le jeune Charles, 18 ans, trépigne à l'approche des troupes alliées. "On m'a juste dit: +ça se passe à l'Hôtel de Ville+. Et me voilà parti" rejoindre les insurgés qui libèreront l'imposant bâtiment au cœur de la capitale, se souvient-il.

A l'époque, Charles Pegulu de Rovin, qui suit des études d'ingénieur, fait partie des "équipes nationales" chargées de donner un coup de main en cas de bombardement de Paris.

"On écoutait les nouvelles à la radio. Quand les forces se sont rapprochées de Paris, on s'est demandé ce qu'on pouvait faire", explique à l'AFP le nonagénaire, dans son appartement de l'ouest parisien. "Je voulais des ordres, mais il n'y en avait pas. On m'a juste dit +ça se passe à l'Hôtel de Ville+".

"J'ai embrassé ma sœur, mon beau-frère et mon petit neveu. On croit toujours qu'on va se faire tuer quand on part à la guerre... Et me voilà parti".

Le 19 août, il enfile un bleu de travail "pour (se) faire passer pour un ouvrier" et déjouer la vigilance des patrouilles allemandes. Il rejoint la préfecture de police et parvient à y échanger son arme, "un joli petit revolver avec une crosse en nacre", contre une mitraillette.

"Je tombe alors sur Roger Stéphane (un commandant des Forces Françaises de l'Intérieur à l'Hôtel de Ville, NDLR), qui avait été blessé la veille. Il me demande ce que je fais là, je lui dis que je suis résistant, il me répond +tu vas rester avec moi+", raconte-t-il. Le jeune homme devient le garde du corps de celui qui, avec ses camarades, libère l'Hôtel de Ville à l'aube du 20 août.

"Comme Roger avait ses entrées partout, j'ai tout vu, y compris des choses pas belles du tout, que j'ai promis de ne jamais raconter", confie Charles Pegulu de Rovin, avant de livrer une anecdote, malgré tout.

"On nous amenait les prisonniers allemands en uniforme. C'était pas beau à voir, j'ai vu des Français leur cracher dessus alors qu'ils avaient les bras levés. C'est dégueulasse".

- De Gaulle, "enfin un vrai patron" -

L'Hôtel de Ville, "c'était un grand foutoir, plein de petits groupes de résistants, explique-t-il. On était barricadés à l'intérieur, très peu armés. On s'attendait à être attaqués".

"Un jour, on voit arriver des chars allemands, précédés d'un motard allemand. Les ordres sont de ne pas tirer. Mais un con de service abat quand même le motard", s'agace-t-il encore aujourd'hui. "L'un des chars dirige alors son canon vers l'Hôtel de Ville. J'ai fait mon signe de croix. Par chance, ils ont tiré un coup sur un coin du bâtiment et puis ils sont repartis".

Enfin, le 24 août au soir arrive à l'Hôtel de Ville un détachement blindé de la 2e division blindée (DB), commandé par le capitaine Raymond Dronne. "Quand la DB est arrivée, pour nous l'affaire était réglée !".

Le 25, Charles De Gaulle est triomphalement accueilli à l'Hôtel de Ville et y prononce son célèbre discours: "Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même !". Charles est aux premières loges : "C'était formidable. Cette prestance, cette facilité qu'il avait... Je me suis dit: maintenant, en France, on a un vrai chef, un patron".

"Quand il est redescendu, un camarade résistant et moi nous sommes montés sur les ailes de sa voiture pour l'escorter jusqu'au ministère de la Guerre", s'amuse-t-il en montrant une photo de lui en noir et blanc, accroché à la décapotable noire.

"Les gens se réjouissaient, ils disaient +la guerre est finie+ mais, pour nous, elle commençait!", dit-il. Le jeune homme s'engage dans l'armée, aux côtés de la 2e DB du général Leclerc.

Avec les forces françaises, il ira jusqu'en Bavière, à Berchtesgaden, où se trouve la résidence du Führer. "On est arrivé parmi les premiers au +nid d'aigle+. On faisait la course avec les Américains", raconte-t-il fièrement, en confiant avoir "bu de la bière dans la brasserie d'Hitler".

L'armistice signera la fin de sa courte carrière militaire. "Ils cherchaient des volontaires pour l'Indochine, je n'ai pas voulu", confesse celui qui rejoindra finalement l'entreprise familiale, après avoir vécu un morceau d'Histoire.

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