Avant le « nouveau chemin », que sont devenues les annonces d’après Grand débat

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FranceSoir
Publié le 23 juin 2020 - 09:52
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Le président Emmanuel Macron livre devant la presse ses réponses au grand débat, le 25 avril 2019 à Paris
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© ludovic MARIN / AFP
Une vague d'annonces en avril 2019
© ludovic MARIN / AFP
La Convention citoyenne pour le climat a achevé ses travaux ce week-end et mis une centaine de propositions sur la table. Elle était née des annonces faites par Emmanuel Macron au sortir du Grand débat national. Mais ce n’était pas la seule décision prise par le chef de l’État à cette occasion. 
 
Revenons un peu en arrière… Jeudi 25 avril 2019, Emmanuel Macron tient la première grande conférence de presse de son quinquennat en présence de l’ensemble du gouvernement pour « proposer au pays les orientations du nouvel acte qu’appellent les attentes de nos concitoyens ». 
A quelques jours d’une intervention dans laquelle le président de la République souhaite désormais tracer ce qu’il appelle « un nouveau chemin », les principales annonces de l’époque avaient-elles été effectivement suivies des faits ? 
 
REFORME DES INSTITUTIONS
 
Un projet de loi constitutionnelle « pour un renouveau de la vie démocratique » a bien été présenté le 28 août 2019 en conseil des ministres, assorti d’un projet de loi organique et d’un projet de loi ordinaire. Mais ce n’est pas allé plus loin… 
 
« Je veux rendre le parlement plus représentatif avec une part significative de proportionnelle »
 
Lors des questions des journalistes, Emmanuel Macron avait précisé sa pensée : augmenter la dose de proportionnelle pour les élections sénatoriales et en créer une part pour les élections législatives, « autour de 20 % ». Les dernières nouvelles sur le sujet nous viennent de Richard Ferrand. En septembre dernier, le président de l’Assemblée nationale assurait que la question serait examinée « d’ici fin juin » par les parlementaires. 
La crise sanitaire est passée par là.
 
« Nous devons donner plus de place à la voix référendaire, aller plus loin sur le RIP dans le cadre de notre réforme constitutionnelle »
 
Prévu à l’article 11 de la Constitution, le Référendum d’Initiative Partagée sur une proposition de loi nécessite l’approbation d’un cinquième des parlementaires et d’un dixième du corps électoral, soit 4,7 millions d’électeurs. 
Emmanuel Macron avait déclaré vouloir abaisser le seuil à un million – ce qui correspond d’ailleurs aux signatures obtenues pour le RIP sur la privatisation des Aéroports de Paris (1,1 M selon le chiffre promulgué le 19 février 2020 par le Conseil constitutionnel).
Rien de neuf, à ce sujet, depuis dix mois. 
 
De fait, la mise en stand-by de ces trois projets de loi concerne d’autres engagements pris par le président de la République lors de sa conférence de presse, en particulier la baisse de 25 % du nombre de parlementaires et la transformation du CESE (Conseil économique, social et environnemental) en Conseil de la participation citoyenne. 
 
DECENTRALISATION ET SERVICES PUBLICS
 
« Nous devons ouvrir un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire qui doit porter sur des actes de la vie quotidienne »
 
Cette annonce avait pris la forme de la loi « 3D » pour Décentralisation, Différenciation et Déconcentration portée par la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault. Même si Emmanuel Macron avait précisé que « cet acte de décentralisation devra aboutir au premier trimestre 2020 », le projet semblait bel et bien tombé aux oubliettes. 
L’Association des maires de France note toutefois qu’il vient de refaire surface à la faveur d’une audition de la ministre en commission parlementaire le 18 mai dernier, sans que l’on en sache plus sur son contenu. « Je ne peux pas vous donner de date car je n’en avais pas non plus avant le confinement, a déclaré Jacqueline Gourault, mais la crise a montré que les thématiques de ce texte sont d’actualité ». 
 
Dans cette optique de décentralisation, Emmanuel Macron avait estimé qu’il y a « trop de monde à Paris » et qu’il devrait au contraire y avoir « plus de fonctionnaires sur le terrain qui apportent des solutions ». Edouard Philippe avait donc été « chargé de présenter dès le mois prochain (ndlr : en mai 2019) une réorganisation de l’administration. Vous imaginez la suite…
 
« Il y aura dans chaque canton d’ici la fin du quinquennat un endroit où les citoyens pourront trouver des réponses »
 
On parle ici des maisons de services au public, baptisées Maisons France Services. Lieu d’accompagnement des habitants dans leurs démarches administratives, elles devraient être au nombre de 2000 d’ici deux ans, avec une offre de services adaptée au territoire. 
Bon point pour le président. Si l’on s’en réfère à la carte publiée sur le portail des Maisons de services au publics, il en existe actuellement 1396 sur le territoire. 
 
« Je souhaite que nous mettions fin aux Grands corps »
 
La réforme de la Haute fonction publique, avec la très symbolique fermeture de l’ENA, est toujours dans les tuyaux. Chargé du dossier, Frédéric Thiriez a remis son rapport au premier ministre le 18 février, prônant notamment la création d’une institution unique, l’Ecole d’administration publique (EAP). 
 
IMPOTS
 
« Je vais confier la mission à la Cour des comptes d’évaluer précisément les sommes qui échappent à l’impôt et de proposer des mesures précises pour qu’en France chacun respecte les mêmes règles »
 
L’évaluation précise s’est transformée en estimation de 15 milliards d’euros pour la seule fraude à la TVA. Dans un rapport rendu en décembre 2019, la Cour des comptes a estimé que la France est en retard pour évaluer cette fraude fiscale et doit se doter d’outils permettant d’avoir des évaluations pertinentes. Elle fait état d’un « recul des montants recouvrés au titre du contrôle fiscal » et constate « une baisse du nombre des agents vérificateurs ». 
 
« Il y a des niches fiscales que l’on peut supprimer pour les entreprises, pas pour les ménages »
 
Cette annonce visait à compenser en partie les 5 milliards d’euros de baisse des impôts sur le revenu des particuliers. Deux mois plus tard, lors de la présentation du budget 2020, les coupes promises étaient ramenées de plus d’un milliard à 615 millions d’euros, avec dans le viseur la fin progressive de l’avantage fiscal sur le Gazole non routier à partir de 2020 – niche pour l’heure sauvée puisqu’on a appris il y a trois jours que cet avantage ne sera finalement supprimé qu’à partir de juillet 2021. 
 
TRAVAIL ET RETRAITES
 
« Dès cet été, nous mènerons la réforme la plus ambitieuse possible de notre système d’assurance chômage »
 
Le gouvernement s’est effectivement attelé à la tâche. Le premier volet de la réforme, qui inclut un durcissement de l’ouverture et du rechargement des droits, est en vigueur depuis novembre 2019. Néanmoins, face à la crise sociale engendrée par la crise du coronavirus, des voix s’élèvent, syndicales et autres, pour son abrogation. Le gouvernement quant à lui réfléchit à une adaptation des mesures à la nouvelle situation. 
 
« Le revenu universel d’activité que nous devons créer dans les prochains mois »
 
Juste avant la crise sanitaire, le projet, qui consiste en réalité en un regroupement du RSA, de la prime d’activité et des APL en une allocation unique en était toujours au stade de la concertation, avec une présentation au parlement prévue courant 2020. Le coût budgétaire de ce projet de revenu universel d’activité pourrait-il le reléguer dans les cartons ? 
 
« Nous devons rebâtir un système de retraites plus juste »
 
La réforme des retraites a effectivement été enclenchée, et a fait face à une forte opposition dans la rue cet hiver. En février, le gouvernement a activé l’article 49.3 à l’Assemblée nationale. La crise du coronavirus a mis la réforme sur pause, mais Emmanuel Macron semble décidé à la voir adoptée avant la fin du quinquennat. 
 
FAMILLE
 
« Je veux que l’on mette en place très rapidement un système où on donnera les prérogatives de puissance publique à la CAF pour qu’elle puisse aller prélever directement les pensions alimentaires dues quand elles ne sont pas versées »
 
Répit pour les parents mauvais payeurs : alors qu’il aurait fallu attendre 14 mois pour la mise en œuvre de cette mesure, initialement prévue pour le 1er juin de cette année, elle a été repoussée par décret le 15 mai en raison de la crise sanitaire. Alors que 30 à 40 % des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière ou carrément impayées, la réforme est désormais annoncée pour le 1er janvier 2021. 
 
TRANSITION ECOLOGIQUE
 
Force est de constater que les annonces ont effectivement été mises en œuvre dans ce domaine. « Le climat, avait dit Emmanuel Macron, doit être au coeur du projet national et européen ». 
 
Ce que le président avait appelé « l’appel à l’intelligence collective » a été concrétisé par le travail de la Convention citoyenne pour le climat, qui a donc pris fin ce dimanche. 
 
Le Conseil de défense écologique a également été créé, réunissant les ministres et opérateurs de l’État concernés autour d’Emmanuel Macron, qui le préside « de manière régulière » comme annoncé. Fondé en mai 2019, il s’est réuni trois fois depuis cette date (en juillet, novembre et février). 
 
La Convention citoyenne pour le climat est dans l’attente de la réponse d’Emmanuel Macron, notamment sur le référendum qu’elle demande pour inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution et pour créer un crime d’écocide. Un premier pas vers une démocratie plus directe ? 
 
S’exprimant sur le sujet lors de sa conférence de presse, le chef de l’État avait émis le souhait de « continuer à débattre avec nos élus et avec nos concitoyens ». Les tensions sociales, la crise sanitaire et peut-être aussi sa côte de popularité l’en ont manifestement découragé depuis le Grand débat. 
 

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