Déconnexion : un nouveau droit déjà critiqué

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 03 janvier 2017 - 19:03
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Téléphone volant
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Les entreprises peuvent se contenter d'une charte, rédigée unilatéralement par l'employeur pour mettre en place le droit à la déconnexion.
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Le droit à la déconnexion est arrivé le 1er janvier via la loi Travail. Destiné à limiter l'intrusion du travail dans le temps libre, il reste cependant très critiqué à cause de son aspect non contraignant, de la difficulté à le mettre en place, certains le voyant même davantage comme une contrainte.

En théorie, la déconnexion devient un droit pour les salariés. En pratique, comment faire? Faute de sanctions et face à la difficulté de délimiter temps de travail et temps de repos, ce droit restera-t-il virtuel?

Ce sont 62% des actifs qui réclament une régulation, selon une étude publiée en octobre par le cabinet Eleas, selon laquelle plus d'un tiers des actifs (37%) utilisent chaque jour leurs outils numériques professionnels en dehors de leur temps de travail. Trois cadres sur dix ne se déconnectent jamais, d'après l'Ugict-CGT.

 

 > Que prévoit la loi?

La loi Travail oblige depuis le 1er janvier les entreprises de plus de 50 salariés à ouvrir des négociations sur le droit à la déconnexion ou le droit de ne pas répondre à ses courriels ou messages professionnels hors temps de travail. Il n'y a cependant aucune obligation d'accord, ni aucun délai pour négocier.

Les entreprises peuvent se contenter d'une charte, rédigée unilatéralement par l'employeur. Le salarié s'estimant lésé pourra s'appuyer sur ces textes, accord ou charte, pour réclamer le droit à la déconnexion, selon Sylvain Niel, avocat du travail au cabinet Fidal. En revanche, pour Emmanuel Dockes, professeur de droit, cette possibilité existait déjà de fait dans le code du travail avec l'obligation d'un repos quotidien minimum de onze heures. "Un repos connecté est une astreinte", précise-t-il.

 

 > Tous les salariés pourront-ils faire valoir un droit à la déconnexion?

En théorie oui. Difficile cependant pour ceux qui travaillent à l'international et selon des fuseaux horaires très différents.

Pour faire valoir ce droit, s'il n'est pas respecté par son employeur, le salarié devra saisir les prud'hommes en apportant la preuve que son temps de repos n'a pas été suffisant.

Une question de fond demeure, relèvent l'Ugict-CGT et Me Niel, "celle de la charge de travail et du temps de travail réel". Car avec les outils numériques, il devient possible de travailler de n'importe où et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, et donc "difficile de comptabiliser les heures de travail" effectuées, relève la CGT des cadres qui prépare un guide sur le sujet.

Pour Me Niel, un droit à la déconnexion qui éluderait cette question de la charge de travail, ne ferait qu'accroître le stress des salariés au détriment de leur santé, les obligeant à réaliser leurs tâches dans des délais plus courts. De plus, souligne Jean-Luc Molins de l'Ugict-CGT, "tout le monde n'a pas la même faculté de déconnexion", et dans un contexte de chômage massif, le fait de "devoir rendre des comptes encourage les entreprises à favoriser une disponibilité permanente".

 

 > Qu'en pensent les entreprises?

Pour la CGPME, ce nouveau droit est "une nouvelle contrainte" et risque d'aggraver les tensions et de "judiciariser" les relations sociales au sein des entreprises.

Certaines entreprises, très peu nombreuses cependant, se sont emparées du sujet avant la loi Travail comme le groupe bancaire Axa qui dès 2012 a mis en place une charte incitant ses cadres à des horaires de travail "raisonnables" et à "ne pas céder au +tout urgent+", sans l'accompagner toutefois de mesures contraignantes.

En 2015, La Poste s'est également dotée d'un accord sur la qualité de vie au travail prévoyant un "droit à la déconnexion, en dehors de son temps de travail" et stipulant que seules "la gravité, l'urgence ou l'importance exceptionnelle peuvent justifier l'usage de la messagerie professionnelle en soirée ou en dehors des jours travaillés".

Fin 2016, le groupe Michelin a également intégré ce droit dans un accord prévoyant l'émission d'une alerte au-delà de cinq connexions à distance. La branche numérique Syntec, retoquée par la Cour de cassation sur son forfait jour, a dû instaurer dès 2014 une "obligation de déconnexion" qui laisse aux entreprises le choix de ses modalités.

Selon la CFE-CGC et l'Ugict-CGT, moins de 1% des entreprises ont eu recours, à l'instar de Volkswagen, Daimler Benz ou BMW en Allemagne, à des solutions technologiques contraignantes comme la déconnexion automatique des serveurs ou la destruction automatique de mails en cas d'absence.

 

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