Nick Conrad : l'extrême droite, maîtresse dans l'art de créer la polémique

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Pierre Plottu
Publié le 27 septembre 2018 - 19:52
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L'action de Twitter chûte de plus de 20% à New York alors que le réseau social perd des utilisateurs
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© NICOLAS ASFOURI / AFP/Archives
La mobilisation sur Twitter est devenu un important moyen d'action de l'extrême droite.
© NICOLAS ASFOURI / AFP/Archives
Illustre inconnu et rappeur au talent très discutable, Nick Conrad est devenu pour un court instant l'objet de l'attention de la classe politique française pour son clip -indigne- "Pendez les blancs". Un nouvel épisode qui montre que l'extrême droite est devenue maîtresse dans l'art de créer la polémique à partir de rien ou si peu. Et qu'elle sait lui donner une envergure de nature à forcer ses adversaires à s'en saisir, tout en ayant au préalable imposé ses termes dans le débat.

La polémique "Nick Conrad" s'est répandue sur les réseaux sociaux, puis le pays, comme une traînée de poudre. Le clip "Pendez les blancs" de ce rappeur totalement anonyme avant mercredi 26, fait scandale pour sa violence et son message de haine -il appelle notamment à "tue(r) des bébés blancs" et à "pend(re) leurs parents". Très vite, de nombreux politiques ont réagi pour le condamner, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat avec le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb.

Mais d'où sort ce mystérieux "Nick Conrad", fils de diplomate et artiste à la fois quelconque et sans notoriété? L'homme a bien donné quelques interviews, mais à d'obscurs sites eux aussi méconnus. Sur YouTube ou Twitter, il plafonne à quelques centaines d'abonnés, ce qui est très peu, même pour un artiste indépendant en devenir. Ses vidéos sont vues quelques milliers de fois sur YouTube, autant dire rien.  

Lire- "Pendez les blancs": Nick Conrad, de l'anonymat à l'incitation au meurtre

La qualité globale de l'œuvre de Nick Conrad laisse à désirer, mais ce ne serait pas le premier à réussir en servant de la "soupe". Le rappeur a déjà essayé de surfer sur la vague de l'actualité pour se faire un nom -par exemple avec son titre 130 cercueils, hommage aux victimes des attentats du 13 novembre "éliminées par un faux islam"- mais sans parvenir à faire parler de lui.

Il a donc sorti l'artillerie lourde pour tenter le buzz avec "Pendez les blancs" et son texte haineux. Mais même cela et une reprise sur Facebook par Dieudonné (qui y totalise près de 1.300.000 abonnés!) n'ont pas permis de sortir le clip des tréfonds du Web.

Comment donc le "PLB" de Nick Conrad, acronyme pour "Pendez les blancs", a-t-il bien pu arriver aux oreilles du grand public? Le Monde et la journaliste de LCI Anaïs Condomines, notamment, ont remonté la source de cette polémique partie de Twitter, mercredi 26.

Et elle mène directement à la fachosphère, qui a été ensuite reprise par les ténors de l'extrême droite puis de la droite. Des "patriotes" anonymes auto-désignés ont ainsi été les premiers à s'emparer du morceau pour tenter d'en faire un symbole.

Partie d'anonymes influents sur Twitter, la polémique a très vite, dès 8h30-9h mercredi matin, été reprise par les plus hauts responsables de l'extrême droite française. Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi Robert Ménard, Damien Rieu, Jean Messiha et Stéphane Ravier ou encore TV Libertés (web télé identitaire fondée par d'ex-cadres FN): en début d'après-midi tous y étaient allés de leur tweet et ont mobilisé leurs abonnés pour faire monter la mayonnaise. Avec succès. Au point que le reste de la classe politique, et même le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, ont eux aussi réagi à ce qui était devenu une des "grosses" actualités du jour.

Grâce à la force de frappe de l'extrême droite sur les réseaux sociaux, suppléée par une partie de la droite (Eric Ciotti, Valérie Boyer ou Christian Estrosi de LR notamment), le "Pendez les blancs" de Nick Conrad, tourné dans un garage à peu de frais et noyé dans la masse de YouTube, a été érigé au même niveau que les interventions d'Eric Zemmour sur les plus grandes chaînes. Qu'importe que le premier soit un illustre inconnu et que sa parole n'engage que lui-même, alors que le second est un auteur de best-sellers et prescripteur médiatique.

Damien Rieu, identitaire proche de Marion Maréchal Le Pen et employé à la mairie FN de Beaucaire.

Toute la presse, dont France-Soir, a donc repris la polémique. Mais ça n'a pas empêché la "patriosphère" d'estimer que "l'appel à la haine" (réel et qui doit être condamné avec force) de Nick Conrad n'a pas été suffisamment couvert. Ou en profiter pour lier le rappeur à l'islam, alors qu'il porte pourtant une croix autour du cou dans son clip.

D'artiste sans résonnance mais à la volonté transparente de percer à tout prix,  quitte à franchir la ligne rouge, Nick Conrad est devenu le symbole de ce "racisme anti-blanc" que l'extrême droite cherche à imposer dans les débats au même niveau que les autres formes de discrimination. Sans grand succès au-delà de sa base car tout un chacun perçoit bien qu'il est plus facile de trouver du travail ou un logement pour un "gaulois", l'idée infuse toutefois dans une partie de la population du fait de la peur du terrorisme islamiste. D'autant que le RN (ex-FN), comme il l'a toujours fait, assimile dès qu'il le peut l'islam à l'insécurité, à l'immigration "massive" et à la théorie du "grand remplacement".

L'épisode Nick Conrad n'est qu'une pierre de plus sur ce chemin qui consiste à occuper le terrain des idées à grands coups de polémiques, quitte à tordre la réalité. La méthode est éprouvée. Ce qui est plus neuf c'est que les réseaux sociaux en soient le terreau principal si ce n'est exclusif. Autre exemple: la polémique sur les concerts au Bataclan du rappeur Médine, annulés sous la pression des mêmes activistes. C'est un fait: la mobilisation en ligne est désormais un moyen au moins aussi efficace qu'une manifestation ou qu'un blocage. Pour certaines actions et entre certaines mains au moins.

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