Sites djihadistes : pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré le délit de consultation

Auteur(s)
Victor Lefebvre
Publié le 15 décembre 2017 - 16:13
Image
Le site internet Stop Djihadisme.
Crédits
©Joël Saget / AFP
Le Conseil constitutionnel a censuré le délit de consultation de site djihadiste, inutile et trop attentatoire aux libertés selon lui.
©Joël Saget / AFP
Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi le texte réprimant la consultation habituelle de sites djihadistes. Il a rappelé que de nombreuses mesures permettent déjà de surveiller et éventuellement arrêter les personnes suspectées de terrorisme, et que le simple fait d'adhérer aux thèses de l'Etat islamique ne constitue pas un délit.

Le Conseil constitutionnel a censuré ce vendredi 15, pour la deuxième fois et malgré une modification, l'article de loi sanctionnant le fait de consulter les sites djihadistes "de manière habituelle, sans motif légitime".

Les sages ont jugé que l'atteinte à la liberté de l'information que constituait de facto cette mesure n'était ni justifiée ni proportionnelle. Ils tracent ainsi une ligne à ne pas dépasser, après que l'arsenal judiciaire a été largement renforcé depuis le 13 novembre, et rappellent que le simple fait d'avoir des opinions, même les plus extrêmes, n'est pas illégal.

Voir: Macron signe la loi antiterroriste

Sur la nécessité, la décision du Conseil constitutionnel (source site officiel), rappelle ainsi qu'il existe déjà un "ensemble d'infractions pénales (...) et de dispositions procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d'actes de terrorisme", de l'apologie du terrorisme à la préparation active d'un attentat.

Par ailleurs, la loi permet déjà de contrôler les sites, de sanctionner leurs auteurs et de surveiller ceux qui les consultent même en l'absence de toute autre infraction.

Le texte rappelle également que le fait de consulter de tels sites peut être considéré comme un acte de terrorisme et sanctionné comme tel, mais uniquement si cela est accompagné par "le fait de détenir, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui" (source legifrance).

Aller plus loin: Loi antiterroriste ou état d'urgence permanent? Ce que change le nouveau régime contre les attentats

Autrement dit, une personne qui détient des armes de guerre et consulte des sites djihadistes peut être arrêtée et condamnée, cela sans avoir commis d'attaque. Cette possibilité de sanctionner en amont de l'acte terroriste semble être la limite pour les gardiens de la constitutionnalité des lois.

Ils retiennent que la consultation même habituelle de ces sites "n'impose pas que l'auteur ait la volonté de commettre des actes terroristes". Dans la deuxième version de la loi, le législateur avait donc ajouté la nécessité d'éléments prouvant l'adhésion à ces thèses djihadistes. Mais il s'est heurté au même refus, faute d'"élément constitutif de l'infraction".

Le Conseil constitutionnel explique donc qu'un sympathisant avéré de l'Etat islamique qui consulte régulièrement des sites djihadistes ne peut être sanctionné que si des éléments matériels démontrent son intention de commettre un acte terroriste. Mais aussi que cette homme peut être surveillé, et que de nombreux éléments suffisent à le faire basculer dans l'illégalité (apologie, détention d'arme, financement de groupes terroristes, préparation matérielle, repérages...).

Il dresse donc une barrière contre ce qui reviendrait à une interdiction de penser, d'avoir une opinion. Il se base pour cela sur l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1789 qui dispose notamment que "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme".

À LIRE AUSSI

Image
Clavier ordinateur illustration.
Lutter contre la "propagande djihadiste" sur internet pourrait être vain
Répondre à la "propagande djihadiste" en ligne en présentant un contre-argumentaire officiel ou en désactivant des comptes jugés extrémistes pourrait avoir un effet li...
02 novembre 2016 - 11:12
Société
Image
Le logo de Google.
Cyber-djihadisme : Google, Facebook et Twitter (encore) accusés de ne pas en faire assez
Une commission du Parlement britannique a accusé jeudi les géants de l'internet, en particulier Google, Facebook et Twitter, de ne pas déployer suffisamment de moyens ...
25 août 2016 - 13:31
Société
Image
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb à Satory le 20 septembre 2017
Loi antiterroriste : pour "éradiquer l'influence de Daesh", des "politiques de long terme" (Collomb à l'AFP)
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui défendra dès lundi son projet de loi antiterroriste à l'Assemblée nationale, souligne qu'il reviendra au Parlement d'éva...
25 septembre 2017 - 11:18
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
26/04 à 18:30
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.