La France élimine un nouveau cadre jihadiste au Mali

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Par Didier LAURAS - Paris (AFP)
Publié le 11 juin 2021 - 19:38
Mis à jour le 12 juin 2021 - 04:40
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Les portraits de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de RFI tués le 2 novembre 2013 à Kidal au Mali, sur le hal d'entrée du siège de RFI, à Paris le 5 novembre 2013.
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
Les portraits de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de RFI tués le 2 novembre 2013 à Kidal au Mali, sur le hal d'entrée du siège de RFI, à Paris le 5 novembre 2013.
© BERTRAND GUAY / AFP/Archives

La France a éliminé un cadre du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) responsable de la mort en 2013 de deux journalistes français, un succès qui lui permet de confirmer sa stratégie de viser prioritairement les chefs jihadistes.

Après l'annonce jeudi par le président Emmanuel Macron de la réduction de la présence militaire française au Sahel, la ministre des Armées Florence Parly a révélé la "neutralisation" samedi dernier d'un homme jugé au coeur du rapt puis du décès de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés à Kidal, dans le nord du Mali, le 2 novembre 2013.

"Le 5 juin, les militaires de Barkhane ont détecté la préparation d'une attaque terroriste à Aguelhok, dans le nord Mali", contre une emprise de l'ONU et ont "éliminé quatre terroristes", parmi lesquels "Baye Ag Bakabo, cadre d'Aqmi et responsable du rapt de nos concitoyens", a-t-elle déclaré.

"Sa neutralisation met fin à une longue attente", a commenté la ministre, en adressant ses "pensées aux familles et aux proches" des deux journalistes. Les militaires ne l'ont identifié qu'après la frappe, a précisé le ministère des Armées, indiquant que celle-ci était "venue du ciel" sans autre précision.

Le 2 novembre 2013, les deux Français de Radio France internationale (RFI), âgés respectivement de 57 et 55 ans, avaient été enlevés lors d'un reportage puis tués, quelques mois après l'opération française Serval destinée à stopper une colonne armée de jihadistes menaçant de s'emparer de Bamako.

Le 6 novembre, Aqmi avait revendiqué leur assassinat. Mais les circonstances précises de leur décès n'ont jamais été élucidées.

Le mois dernier, leurs proches avaient réclamé "un débat public au parlement" sur "le secret défense" entravant selon eux l'enquête sur cette affaire. Peu auparavant, l'ancienne rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, avait exprimé sa "vive préoccupation quant à l'absence de justice", déplorant l'absence de mandat d'arrêt international malgré l'identification des suspects "depuis plusieurs années" et "l'absence de coopération" de la part des autorités françaises et maliennes".

Vendredi, France Médias Monde, maison mère de RFI, a pris acte de l'information et indiqué attendre que l'enquête "permette d'éclaircir totalement les circonstances du drame, et aboutisse à l'arrestation de l'ensemble des membres du commando restants et de leurs complices éventuels afin qu'ils soient jugés".

"Les attentes de justice des proches des journalistes demeurent, les zones d'ombre également", a relevé pour sa part l'organisation Reporters sans frontières (RSF).

Les Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont par ailleurs pris acte dans un communiqué de la mort de Baye ag Bakabo". Mais "ils regrettent que ce chef jihadiste, tenu pour responsable du double assassinat des journalistes de RFI, n'ait pas été interpellé pour être interrogé sur les circonstances et les enjeux de ce drame".

- "Faire tomber les chefs" -

Baye Ag Bakabo s'inscrit dans une longue liste des figures du jihadisme sahélien tombés sous les coups de la France. Le chef historique d'Aqmi, l'Algérien Abdelmalek Droukdal, avait été tué en juin. Un sort aussi réservé en novembre à Ba Ag Moussa, décrit comme le "chef militaire" du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, et un "cadre historique de la mouvance jihadiste au Sahel".

Vendredi, Mme Parly s'est félicité de ce nouveau succès, qui selon elle "illustre l'une des principales priorités de la France au Sahel: faire tomber les principaux chefs des groupes terroristes qui sévissent dans la région", le GSIM et l'EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) lié à Daech.

Il permet aussi aux autorités françaises de légitimer le virage stratégique majeur annoncé jeudi par le président Macron.

Car la force antijihadiste française au Sahel, Barkhane, est désormais officiellement promise à une fin prochaine. Elle sera remplacée par un dispositif international plus léger d'appui et d'accompagnement au combat des troupes locales, au prix d'une montée en puissance espérée des Européens et d'un investissement majeur des pouvoirs africains.

Concrètement, la France souhaite ne plus essayer de sécuriser des zones où les Etats n'arrivent pas à garder pied, pour se concentrer sur la lutte ciblée contre les jihadistes. Une réorientation qui intervient alors que l'élection présidentielle de 2022 se rapproche et que l'effort militaire suscite des interrogations croissantes en France, notamment au regard des 50 soldats tués au combat depuis 2013.

"L'objectif demeure: la France reste engagée contre le terrorisme international, aux côtés de pays sahéliens, et pour la sécurité de l'Europe et des Français", a conclu Mme Parly. Et elle continue de poursuivre les chefs, y compris ceux avec lesquels les militaires au pouvoir à Bamako veulent négocier.

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