Petite musique de trahison au Parlement européen

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France-Soir
Publié le 14 mars 2024 - 09:20
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La Commission européenne a cédé, selon les eurodéputés, “au chantage” du Premier ministre hongrois, Viktor Orban.
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Le dégel en décembre 2023 de 10 milliards d’euros au profit de la Hongrie suscite de vifs remous à Bruxelles. La commission des affaires juridiques du Parlement européen s’est prononcée mardi en faveur d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (UE) contre la décision de la Commission européenne, qui a cédé, selon les eurodéputés, “au chantage” du Premier ministre hongrois, Viktor Orban. La présidente du Parlement, Roberta Metsola, doit officialiser ce jeudi 14 mars une décision qui semble acquise, compte tenu du nombre de voix favorables.

Viktor Orbàn s’est opposé en décembre dernier à des négociations sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, rejetant également une aide financière de 50 milliards d’euros pour Kiev. Il déclarait ne pas vouloir “partager la responsabilité” de ce financement “insensé”, justifiant sa position par le blocage de la totalité des fonds européens pour son pays, qui s’élèvent à 30 milliards d’euros. Bruxelles a gelé ces fonds en raison de ses doutes quant au non-respect de l’État de droit en Hongrie. 

La CE a “cédé au chantage” d’Orbàn

“J’ai toujours dit que si on procédait à un amendement du budget de l’UE, la Hongrie saisirait l’occasion pour revendiquer clairement ce qu’elle mérite. Pas la moitié, pas un quart, mais la totalité”, avait affirmé Orbàn.

Face à son opposition, les dirigeants européens ont ainsi négocié avec lui le dégel de 10 milliards d’euros en contrepartie de l’ouverture des discussions sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Chose faite et cette décision de la Commission européenne a été très mal accueillie au Parlement. Pour les eurodéputés, cette institution “a cédé au chantage” de Viktor Orban.

Dans la soirée du lundi 11 mars, la commission des affaires juridiques s’est réunie à huis clos. À l’issue de cette réunion, il a été recommandé d’introduire un recours contre la décision de l’exécutif européen. Sur 17 eurodéputés, 16 étaient favorables tandis qu’un seul, à savoir Gilles Lebreton du Rassemblement national (RN), s’y est opposé. 

Pour le Parlement européen, la Commission a débloqué un tiers des fonds destinés à Budapest alors que le gouvernement hongrois n’avait pas achevé les réformes exigées en contrepartie pour garantir l’indépendance de la justice hongroise. En janvier encore, une résolution exprimant les inquiétudes des eurodéputés quant au “manque d’indépendance” du système judiciaire de ce pays a été adoptée.

“Même après ses récentes réformes, la Hongrie ne répond pas aux normes de l’UE en matière d’indépendance judiciaire”, reproche-t-on. “Depuis plusieurs années, l’Etat de droit se détériore en Hongrie à cause des actions de son gouvernement”.

L’Assemblée devrait saisir dans les prochains jours la Cour de justice de l’Union européenne, située à Strasbourg. La décision doit encore être formalisée par la présidente, Roberta Metsola, à l’issue d’une réunion prévue ce jeudi 14 mars avec les présidents des groupes politiques de l’Assemblée. Mais la Maltaise, qui s’oppose rarement aux recommandations des commissions parlementaires, devrait donner son feu vert, puisque les eurodéputés du Parti populaire européen (PPE), les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux de Renew, les Verts ainsi que The Left (la gauche, NDLR), sont favorables à cette saisine. 

Deux tiers des fonds destinés à Budapest restent gelés

“L’ouverture d’une procédure judiciaire contre la Commission est une mesure extrême mais nécessaire”, explique Sergey Lagodinsky, eurodéputé allemand des Verts. “Nous ne pouvons pas permettre à la Commission et au Conseil de continuer à donner à Viktor Orban un moyen de pression pour faire chanter l’UE, bloquer les décisions nécessaires et poursuivre ses attaques contre l’État de droit, la démocratie et les droits fondamentaux dans le pays”, poursuit-il. 

Le recours contre la Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, doit être déposé avant le 25 mars. 

En outre, les 21 milliards restants du fonds européen destiné à Budapest sont encore gelés par l’UE. Le Premier ministre hongrois retenait encore début février son véto contre l’aide financière de 50 milliards d’euros pour Kiev, en espérant faire fléchir les dirigeants européens. Mais ces derniers menaçaient de ne jamais les dégeler si le financement pour l’Ukraine n’était pas débloqué. Un accord à vingt-sept a finalement été trouvé. 

“Si cet accord n’avait pas été conclu et si la Hongrie avait continué à utiliser son veto, les 26 États membres de l’UE auraient quand même acheminé de l’argent vers l’Ukraine, ce que je n’ai pas pu arrêter, et ils auraient pris les fonds destinés à la Hongrie pour les envoyer également en Ukraine”, a-t-il expliqué. Les ambassadeurs européens prévoyaient effectivement un mécanisme intergouvernemental à 26, pour maintenir leur soutien à Kiev.

Viktor Orban a déjà perdu un pari… Qu’en sera-t-il si le recours du Parlement européen est un succès ?

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