Que s'est-il vraiment passé au Capitole ?

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Elisabeth Dancet, journaliste pour FranceSoir
Publié le 09 mars 2021 - 15:01
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Senat Capitole USA
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©Clem/Flickr
©Clem/Flickr

Les enquêtes en cours sur les émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole commencent à dessiner une réalité différente de celle qui a été rapportée par les médias mainstream. Ces événements ont fait immédiatement réagir les élus, surtout les démocrates qui, comme un seul homme, ont aussitôt déversé leur vindicte contre le Président Trump l’accusant d’en être responsable, et les ont poussés à une tentative de deuxième impeachment, du jamais vu dans l’histoire de la politique américaine. On se souvient de la réaction hystérique de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre qui a appelé le Pentagone affirmant qu’il fallait retirer les codes nucléaires à Trump tellement il était « dangereux », pour les remettre au Congrès. Le général Mark Milley l’a poliment remise à sa place lui rappelant que le commandant en chef des armées le restait jusqu’au jour de l’inauguration.

Ces émeutes ont surtout eu des conséquences dramatiques pour le processus démocratique. Elles ont coupé court aux débats qui devaient se dérouler à la demande d’une centaine de membres du congrès et de sénateurs objectant à la ratification des votes de certains grands électeurs pour l’élection présidentielle. Une fois revenus au Capitole au milieu de la nuit, les élus ont validé sans débat les choix des grands électeurs y compris pour les états contestés, et donné la victoire à Biden. Si l’on croit en la Constitution Américaine, il est essentiel d’approfondir ce qui s’est vraiment passé le 1/6 - en référence au 9/11 :

Ces émeutes ont-elles été organisées à l’avance, infiltrées et si oui par qui ?

Dès le 14 Janvier, le FBI a arrêté John Sullivan, un activiste lié à Antifa faisant partie des émeutiers qui ont pénétré dans le Capitole. Dans les jours précédents, celui-ci s’était vanté sur les réseaux sociaux d’aller en découdre à Washington. Il semble que parmi la centaine d’individus impliqués, deux groupes aient convergé :  un groupe de supporters de Trump, plutôt pacifiques, et un groupe plus restreint d’infiltrés que les Américains appellent dans le texte "agents provocateurs". De quel bord étaient ces protagonistes ? Difficile de le déterminer. Un fait important néanmoins concernant la centaine de manifestants a été confirmé par le FBI : ils ne portaient pas d’armes ! Dans ce pays ou le 2° amendement donnant le droit de porter une arme pour se défendre est cher à une majorité d’Américains, cela dénote des intentions beaucoup moins violentes que le déchaînement médiatique qui s’en est suivi l’a fait croire. Devant la Cour de justice de Washington D.C., on a appris que Sullivan avait vendu ses images filmées pendant l’assaut aux chaines CNN et NBC pour 35 000 $ chacune, dix fois plus que la rémunération habituelle pour ce genre d’images : de quoi faire « monter la sauce » ? Depuis, le grand jury a inculpé Sullivan de plusieurs chefs d’accusation, dont trois d’ordre fédéral : obstruction à une procédure officielle, conduite désordonnée, troubles civils et perturbations dans un bâtiment restreint.

Qu’en est-il des victimes ?

Cinq personnes ont perdu la vie pendant l’assaut du bâtiment public, deux policiers et trois supporters. L’officier de police Brian Sicknick a été frappé avec un extincteur par un assaillant, identifié quelque temps plus tard par le FBI. Il est mort le lendemain. Les raisons de son décès diffèrent selon les sources et le rapport d’autopsie n’a pas été publié. Howard Liebengood, un autre policier, s’est suicidé deux jours après les émeutes sans laisser d’explication.

Rosanne Boyland, supporter de Trump originaire de Géorgie, a perdu connaissance au milieu de la foule des manifestants massés dans le corridor du Capitole. Deux hommes ont cherché à lui porter assistance mais il était trop tard. Kevin Greeson, un autre supporter de Trump originaire d’Alabama, est mort d’une crise cardiaque probablement due à l’excitation de la manifestation. Sa famille a confirmé qu’il était cardiaque. Enfin Ashly Babbit, vétéran de l’armée de l’air et vivant à San Diego, a été tuée par un officier de police pratiquement à bout portant alors qu’elle pénétrait dans le bâtiment. L’identité du policier n’a pas été dévoilée, et les enquêteurs ont déterminé que celui-ci ne devrait pas être inculpé. Ashli ​​Babbitt n’était pas armée.

La brutalité, les dommages humains et matériels sont bien réels, mais on est loin de l’insurrection violente décrite par les médias dans les heures qui ont suivi.

Etant donné les manifestations prévues ce jour-là, la sécurité avait-elle été suffisamment renforcée ?

Pour tenter de faire la lumière sur ces émeutes et examiner les failles du système de sécurité, le Sénat a conduit plusieurs auditions des agents des forces de l’ordre et du FBI. Ces témoignages montrent les responsables tentant de se renvoyer la responsabilité pour se disculper. Steven Sund, le chef de la police du Capitole, qui a été contraint de démissionner quelques jours après les émeutes, a affirmé « ne pas avoir disposé d’informations suffisantes avant le 6 Janvier pour prédire l’ampleur de l’attaque. » De son côté, le Directeur du FBI Christopher Wray, a défendu la gestion des renseignements à l'approche du 6 janvier. Il a déclaré que le bureau avait mis en garde à plusieurs reprises contre la possibilité d'une violence extrémiste dans les semaines précédant l'inauguration. C. Wray a cité un rapport du FBI daté du 5 janvier signalant une conversation en ligne à propos d'une possible « guerre » à Washington le 6, rapport qui a été transmis aux forces de l’ordre et aux gardes nationaux. Ce rapport ne serait pas parvenu au conseil de police du Capitole.

Mark Meadows, l’ancien chef de cabinet de la Maison Blanche, a rappelé sur Fox News que Trump avait proposé de déployer 10 000 gardes nationaux à Washington avant le 6 Janvier pour assurer le maintien de l’ordre. Cette offre a été refusée. Qui est alors responsable ?

Le Congrès s’est affranchi de la transparence de l’information et à date, des pans entiers demeurent dans l’ombre. La police du Capitole étant supervisée par quatre comités du Congrès, pourquoi Nancy Pelosi refuse-t-elle de divulguer les échanges de mails avec le conseil de police avant le jour J, ainsi que les vidéos des émeutes en sa possession ?

C’est la question que pose Judicial Watch, dédiée à la surveillance du fonctionnement de la machine étatique. Cette organisation a demandé par courrier ces documents qui lui ont été refusés. La police a-t-elle effectivement laissé entrer des manifestants à l’intérieur du bâtiment comme le montrent certaines images ? Les membres du Congrès auraient-ils des informations à cacher concernant les ordres transmis aux forces de police ? Du coup, Judicial Watch a déposé plainte contre la police du Capitole, exigeant la communication des mails échangés entre le conseil et les comités du Congrès à propos de la sécurité, ainsi que les vidéos de l’émeute, selon la loi du droit d’accès aux enregistrements de manifestations publiques.

Encore une commission d’enquête

Le Sénateur du Michigan Mike Shirkey a affirmé que les émeutes du Capitole étaient une mystification. Sans aller jusque-là, le refus du Congrès de présenter certaines informations clés, le profil bas du FBI, les extraits vidéo inconnus du public et exposés durant la parodie d’impeachment par les démocrates pour tenter d’accuser Trump, sont autant d’indicateurs que l’événement n’a pas révélé tous ses tenants et aboutissants.

Le 26 Février, les républicains se renvoyant la balle avec les démocrates sur l’origine des provocateurs : extrême droite ou extrême gauche. Nancy Pelosi a demandé la formation d’une commission d’enquête composée en majorité de démocrates pour enquêter sur le terrorisme intérieur - une commission partisane donc. Même Mitch McConnell, le leader de la minorité républicaine qui avait donné son accord à la seconde procédure d’impeachment de Trump, a mis en garde contre la capacité d’une commission inégale dans sa composition à conduire une enquête objective.

La question se pose de plus en plus fréquemment, est-on en train de mettre en scène un film hollywoodien pour monter une opération d’infiltration ou bien de communiquer des faits en lien direct avec la gestion complexe d’un état démocratique ? L’utilisation en continu des médias sociaux, l’incapacité à prendre du recul face à la quantité d’informations, alliées à un "narratif" qui doit ressembler à un thriller pour attirer l’attention, rendent de plus en plus difficile la recherche de la vérité.

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