L’extension des plans de réduction des émissions industrielles à l’élevage bovin rejetée, les agriculteurs satisfaits

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France-Soir
Publié le 20 juillet 2023 - 17:25
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CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Exploitation agricole à Villequier, France, 2014 (image d'illustration).
CHARLY TRIBALLEAU / AFP

AGRICULTURE - Une victoire pour les agriculteurs, un “coup dur” pour les organisations de protection de l’environnement. Le Parlement européen a voté le 11 juillet dernier l’exclusion de l’élevage des bovins de sa directive relative aux émissions industrielles (IED), qui oblige les États membres de l'Union européenne (UE) à réduire l'impact des émissions industrielles sur l'environnement. La proposition de la Commission européenne de pénaliser les exploitations bovines a été revue à la baisse par les eurodéputés en séance plénière, maintenant en vigueur les règles déjà existantes pour les élevages industriels.

L’Union européenne lâche du lest sur l’une de ses nombreuses réglementations environnementales, quelques jours après la chute du gouvernement aux Pays-Bas et la démission de son Premier ministre, Mark Rutte. Une chute accélérée par l’opposition des agriculteurs à la fermeture de milliers de fermes d’élevages et la réduction de cheptel, visant à réduire les rejets d’azote.

La proposition de la Commission rejetée 

La Commission européenne avait proposé en avril 2022 d’étendre la directive relative aux émissions industrielles à l’élevage de bovins à grande échelle. Les exploitations de bétail, de porcs et de volailles de plus de 150 “unités de gros bétail” pouvaient être classées comme étant “industrielles” et subir des pénalités prévues par la directive, pouvant aller à la fermeture par l’autorité compétente. “150 UGB (Unité de Gros Bétail, ndlr) ne veut pas dire 150 vaches mais 60 vaches laitières avec le renouvellement”, explique Thierry Roquefeuil, président de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL). Mais selon les calculs de Bruxelles, 150 UGB représentent un total de 150 vaches adultes, ou 375 veaux, ou 10.000 poules pondeuses, 500 porcs ou 300 truies. 

La proposition de la Commission européenne avait suscité une levée de boucliers, y compris au sein du Parlement européen. Un bras de fer a opposé, pendant des mois, la commission de l’Agriculture et du Développement rural (AGRI), présidée par un eurodéputé polonais issu du Parti paysan, et la commission de l’Environnement, de la Santé publique et de la Sécurité alimentaire, qui a soutenu le projet de l’exécutif européen.  

Les éleveurs, y compris français, se sont aussi mobilisés contre l’extension de la directive. La Fédération nationale porcine (FNP) et la Confédération française des aviculteurs (CFA) avaient exprimé leur inquiétude quant aux nouveaux critères et seuils. Les deux syndicats ont affirmé que la proposition de la Commission pourrait toucher plus du triple et près du quadruple des exploitations européennes porcines et avicoles, respectivement. “Le passage en IED entraînerait l’arrêt de nombreux élevages et affaiblirait notre souveraineté alimentaire”, ont-ils dénoncé dans un communiqué.  

En mars, les mêmes organisations professionnelles, accompagnées par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) ont demandé le gel de la directive et ses recommandations en termes de seuil. Elles ont appelé le gouvernement français à faire preuve “d’une position ferme”. 

“Joie” pour les syndicats, les ONG dénoncent “le lobby de l’agriculture” 

Sans surprise, le vote des eurodéputés (378 voix pour, 245 contre et 16 abstentions), qui maintient le statu quo et supprime les nouvelles propositions de la Commission européenne, a été salué par les éleveurs. La FNPL est la première à se “réjouir”. "Les eurodéputés ont reçu les signaux d'alerte de l'élevage laitier français", lit-on. La fédération a aussi rendu hommage à la “prise de conscience” et “le courage” des parlementaires, particulièrement les membres de la commission de l’Agriculture et du Développement rural. 

“Le Parlement a reconnu que l'IED est un instrument législatif inadapté qui ignore tout simplement les réalités fondamentales du secteur de l'élevage", commente, de son côté, la FNSEA. Cette organisation voit dans les résultats du vote “un réel message de soutien qui est envoyé par les députés européens”, non seulement “au secteur agricole en général” mais également “à l'élevage sur lequel cette directive fait peser de lourdes menaces: coûts administratifs et économiques insupportables, risques de fermeture d'élevage ou de concentration excessive, et de délocalisation de la production des pays hors UE". 

La joie et la satisfaction n’est pas partagée par les ONG de protections de l’environnement. GreenPeace déplore un “coup dur”. “L’influence du lobby de l’agriculture industrielle au Parlement européen a payé : les exploitations les plus polluantes, qui entassent les animaux dans des conditions délétères, continueront à empoisonner notre air, notre sol et notre eau”, a déclaré Ariane Malleret, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France, relayée dans un communiqué.

Bellinda Bartolucci, avocate d’une autre organisation écologiste, ClientEarth, estime que la “situation actuelle de la réglementation de l’UE est réellement alarmante. Nous avons deux prérogatives en ce moment: protéger les citoyens et protéger la planète sur laquelle ils vivent."

"Curieusement, la politique ne concerne plus ni l’une ni l’autre”, a-t-elle ajouté. 

Les agriculteurs européens pourront utiliser les mêmes termes pour décrire leur opposition aux réglementations européennes sur l’environnement. Le même jour du 11 juillet, les eurodéputés ont aussi adopté un règlement sur la restauration de la nature, qui entend protéger d'ici 2030 au moins 20% des terres et des zones maritimes de l'UE. Un texte rejeté par la Copa-Cogeca, qui représente les agriculteurs et les coopératives agricoles européennes.  

En amendant la proposition de l’exécutif européen, les eurodéputés ont-ils tiré une leçon de la chute du gouvernement aux Pays-Bas ? Le 7 juillet dernier, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a démissionné, entraînant la chute de son gouvernement de coalition. Si celle-ci s’est disloquée en raison de “profondes divergences” sur la politique d’immigration, la montée en puissance du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), un parti opposé aux réglementations environnementales de l'UE et première force politique du Sénat, a sans doute précipité le gouvernement néerlandais dans sa chute.

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