La défense de France Télécom en appelle à "l'objectivité" du tribunal

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Paris (AFP)
Publié le 08 juillet 2019 - 17:16
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Des salariés de France Télécom manifestent à Caen, le 6 octobre 2009 après plusieurs suicides d'employés de l'entreprise
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© MYCHELE DANIAU / AFP/Archives
Des salariés de France Télécom manifestent à Caen, le 6 octobre 2009 après plusieurs suicides d'employés de l'entreprise
© MYCHELE DANIAU / AFP/Archives

Dénonçant "l'absence" de démonstration d'un dossier "à charge", la défense de France Télécom, première entreprise du CAC 40 à être jugée pour "harcèlement moral" et contre laquelle la peine maximale de 75.000 euros a été requise, en a appelé lundi à "l'objectivité" du tribunal de Paris.

Pendant les deux mois d'audience de ce procès "d'exception", qui voit France Télécom et ses ex-dirigeants -dont l'ancien PDG Didier Lombard- sur le banc des prévenus dix ans après plusieurs suicides de salariés, "il n'a pas été facile de se défendre", a estimé l'avocate de l'entreprise, Claudia Chemarin.

"Il n'a jamais été question de contester la souffrance" des victimes. "Certains ont pu être choqués de voir la défense se défendre, mais nous n'avons pas choisi de nous retrouver devant une juridiction pénale", a-t-elle lancé.

Première à s'exprimer pour la défense, Me Chemarin a contesté lors d'une plaidoirie très technique qu'il y ait eu une "politique d'entreprise de déstabilisation", comme le soutient l'accusation.

Le "maximum" - un an de prison et 15.000 euros d'amende - a été requis vendredi contre l'ex-PDG, l'ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès et l'ex-DRH Olivier Barberot, accusés d'avoir fait de leur "obsession" du départ en trois ans de 22.000 salariés et de la mobilité de 10.000 personnes leur "coeur de métier".

Huit mois d'emprisonnement et 10.000 euros d'amende ont été demandés par le parquet à l'encontre des quatre responsables poursuivis pour "complicité de harcèlement moral".

Au coeur du procès débuté le 6 mai et qui s'intéresse à la période 2007-2010: les plans Next et Act, qui visaient à transformer en trois ans France Télécom, rebaptisée Orange en 2013.

L'entreprise de 120.000 salariés venait de subir plusieurs "chocs", "le passage du public au privé", "l'ouverture à la concurrence" qui lui fait perdre des millions de clients, mais aussi "les évolutions technologiques" qui entraînent la suppression de métiers, a rappelé Me Chemarin.

"On a pu entendre que l'entreprise allait bien car elle versait des dividendes et que le nouveau plan ne se justifiait pas. Mais elle était obligée de poursuivre ses efforts pour traverser la crise et préparer l'avenir", a insisté l'avocate de l'entreprise.

Les plans Next et Act, accusés d'être des "boîtes à outil destinées à déstabiliser les équipes", ont fait l'objet de "38 procédures de consultations des comités d'entreprise", lors desquelles "la pertinence des mesures (mises en place) n'a pas été remise en cause", a encore affirmé Me Chemarin.

- Pas "d'exemplarité" -

S'attachant à reprendre point par point les griefs retenus contre les prévenus - "réorganisations multiples et désordonnées", "défaut ou insuffisance de formations", "mobilités forcées", etc. - elle a soutenu que les uns ne reposaient "sur aucune démonstration", les autres ne pouvaient constituer un "harcèlement moral".

Ce délit est défini dans le code pénal comme "des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail".

"Il ne vise pas à réprimer un manquement, mais un acte positif de harcèlement", a souligné l'avocate de l'entreprise. "La loi pénale est d'interprétation stricte", a-t-elle ajouté, citant "la jurisprudence constante".

Pour Me Chemarin, il n'est pas possible de prouver "l'élément intentionnel" d'un harcèlement à l'encontre de chacune" des 39 victimes retenues par les magistrats - dont dix-neuf se sont suicidées -, ni "le lien de causalité entre les actes reprochés et cette infraction".

"Vous prendrez votre décision avec objectivité et non au nom du symbole, de l'exemplarité, du diktat qui n'a pas sa place dans une juridiction professionnelle", a conclu l'avocate de France Télécom.

Les plaidoiries de relaxe de la défense se poursuivent jusqu'à jeudi. La parole sera ensuite donnée une dernière fois aux prévenus, avant que le tribunal ne mette sa décision en délibéré.

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