Six ans après des attentats en Corse, acquittement requis pour le principal accusé

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 21 juin 2018 - 19:47
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Chef du groupe armé clandestin FLNC ou "homme de paix" ? Faute de preuve, le parquet a requis jeudi aux assises à Paris l'acquittement du nationaliste corse Pierre Paoli, jugé aux côtés de sept autres accusés pour des attentats sur l'île en 2012.
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Chef du groupe armé clandestin FLNC ou "homme de paix" ? Faute de preuve, le parquet a requis jeudi aux assises à Paris l'acquittement du nationaliste corse Pierre Paoli, jugé aux côtés de sept autres accusés pour des attentats sur l'île en 2012.

"Le temps a passé", a reconnu l'avocate générale Maryvonne Caillibotte. Le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni avait été plus radical en parlant d'un procès "anachronique", quand il était venu témoigner à la demande de la défense la semaine dernière.

Les faits, des attentats contre des résidences secondaires en Corse, ont eu lieu il y a 6 ans.

Et surtout le FLNC (Front de libération nationale corse), qui a revendiqué ces attaques au nom de son "combat contre la spéculation immobilière", a abandonné la lutte armée en 2014. Le nationalisme corse a tourné la page des attentats, et a triomphé dans les urnes, en obtenant une majorité absolue aux élections territoriales en décembre.

"Ce procès est celui des dernières nuits bleues de Corse", a déclaré l'avocate générale.

Grâce à un renseignement anonyme après des attentats en mai 2012, les enquêteurs avaient identifié une cellule clandestine du FLNC dans la région du Valinco, sur le littoral de Corse-du-Sud. Le placement de micros ("sonorisations") dans des voitures, un bar, des écoutes téléphoniques et des géolocalisations avaient conduit à de premières mises en examen en 2013.

Le principal accusé, Pierre Paoli, a été incarcéré de février 2015 à septembre 2016 pour cette affaire, soupçonné d'avoir dirigé le FLNC au moment des faits. Il encourt 30 ans de réclusion, mais après neuf jours de procès, l'avocate générale a demandé l'acquittement.

"Je n'ai pas assez d'éléments pour le faire condamner", a-t-elle déclaré. "Je ne sais pas qui est réellement Pierre Paoli: est-il celui qui se défend de toute action clandestine ou un membre du FLNC ? Je repartirai avec mes questions et mes doutes".

Elle a dressé une liste des preuves manquantes: "aucune sonorisation directe de Pierre Paoli", "pas d'élément" pour savoir s'il détient des armes, s'il a tenu "des réunions conspiratives", etc.

Les charges contre lui ? Le prénom "Pierre" revient souvent dans les discussions enregistrées par les enquêteurs, le nom "Paoli" aussi.

- "Ca va péter!" -

Pierre Paoli, un boxeur de 65 ans au physique imposant, se présente comme un militant nationaliste, membre exécutif du parti indépendantiste Corsica Libera, dont le chef de file est Jean-Guy Talamoni. Il a répété avoir prôné la fin de la clandestinité dès 2010, sans toutefois condamner la lutte armée. Il est décrit par ses proches comme "un homme de paix".

L'avocate générale a requis jusqu'à 6 ans de prison contre les autres accusés, jugés notamment pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme", mais aussi pour certains, "dégradation en bande organisée", "détention de produit explosif", etc.

Tous réfutent avoir fait partie du FLNC. Mais les écoutes laissent parfois peu de place à l'ambiguïté. "Ils se prennent pour des chefs mais ils en ont fait moins que nous", critique Cyrille Garcia, qui lâche quelques heures avant des attentats: "Ca va péter mon ami !". "Moi, je suis au Front", revendique Marc Ganu. Jean-Pascal Cesari raconte, lui, une équipée nocturne, cagoule sur le visage.

Certains ont fait jusqu'à 3 ans de détention provisoire et pourraient donc retourner en prison si la cour suit les réquisitions. Pourtant, la plupart ont fait valoir leur droit au silence, refusant de répondre aux questions.

"Cette absence de mots est problématique", a dit Mme Caillibotte, estimant que ce procès, à ce titre, avait été "un rendez-vous manqué". Elle garde "une incertitude inquiétante" car, si le FLNC a abandonné la lutte armée, "il n'a jamais déposé les armes".

"Nous avons beaucoup de questions, mais très peu de réponses", a plusieurs fois déploré le président de la cour d'assises, Régis de Jorna, face à ce mutisme.

Le verdict est attendu vendredi.

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