Ukraine : un élu poursuivi pour l'attaque à l'acide d'une militante

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Par Ania TSOUKANOVA - Kiev (AFP)
Publié le 11 février 2019 - 13:39
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Une affiche montrant un portrait de la militante anticorruption Kateryna Gandzyuk et ses blessures après l'attaque à l'acide qui a entraîné sa mort est montrée lors d'un rassemblement en sa mémoire, à
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© Genya SAVILOV / AFP/Archives
Une affiche montrant un portrait de la militante anticorruption Kateryna Gandzyuk et ses blessures après l'attaque à l'acide qui a entraîné sa mort est montrée lors d'un rassemblem
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La justice ukrainienne a lancé lundi des poursuites contre un haut responsable régional soupçonné d'avoir commandité l'attaque à l'acide ayant entraîné la mort de la militante anticorruption Kateryna Gandziouk, à l'origine d'une vague d'indignation internationale.

Cette avancée dans une affaire devenue un symbole de la lenteur de la lutte anticorruption en Ukraine intervient à un mois et demi du premier tour d'une élection présidentielle qui s'annonce difficile pour le président sortant Petro Porochenko. Il est notamment reproché à ce dernier de ne pas en avoir fait assez dans ce domaine.

Vladyslav Manguer, 48 ans, président de l'assemblée régionale de Kherson (sud), "a commandité ce crime" et l'a payé, a déclaré à la télévision le procureur général Iouri Loutsenko, considéré comme un proche du chef de l'Etat.

En juillet 2018, un agresseur avait jeté un litre d'acide sulfurique sur Kateryna Gandziouk alors qu'elle sortait de chez elle. Cette conseillère du maire de Kherson âgée de 33 ans, qui dénonçait la corruption au sein de la police régionale, avait succombé à ses blessures en novembre suivant.

Selon un extrait du texte officiel de l'accusation publié par le procureur général, M. Manguer éprouvait "une animosité personnelle" à l'égard de la victime qui dénonçait notamment "la coupe illégale des bois" effectuée "sous couvert d'incendies criminels" dans cette région.

Accusé de l'organisation du meurtre "commandité" à but "lucratif", il risque la réclusion à perpétuité.

Six suspects considérés comme les possibles exécutants ont déjà été placés en détention mais aucun commanditaire n'avait été jusqu'à présent arrêté ni inculpé. Parmi ces suspects, le plus haut placé était Igor Pavlovski, conseiller d'un député pro-Porochenko au moment des faits.

La mort de Kateryna Gandziouk, qui s'est ajoutée à une longue liste de militants ukrainiens agressés ces dernières années, a scandalisé les Ukrainiens et les alliés occidentaux à Kiev.

- Un vice-gouverneur suspendu -

Vladyslav Manguer "n'a pas été écroué" dans l'immédiat, mais les enquêteurs vont demander au tribunal de le placer en détention provisoire, a précisé à l'AFP la porte-parole du procureur général, Laryssa Sargan.

Le responsable était membre du parti Batkivchtchina de l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko, une rivale clé du président actuel Petro Porochenko à la présidentielle du 31 mars.

M. Manguer a été exclu du parti vendredi dernier alors qu'émergeaient des informations sur une possible mise en cause.

Un vice-gouverneur de cette région, Ievguen Rychtchouk, qui était également accusé par des militants d'être impliqué dans ce meurtre, de même que le gouverneur Andriï Gordeïev, a de son côté annoncé lundi avoir été "suspendu provisoirement" de ses fonctions à sa propre demande.

Il affirme sur Facebook avoir proposé aux enquêteurs de l'interroger au "détecteur de mensonges" afin de lever les soupçons sur son rôle dans ce crime.

"Nous prévoyons d'interroger tous les suspects clés au détecteur des mensonges", a souligné M. Loutsenko, ajoutant que "toutes les personnes impliquées seront en prison".

Pour l'instant, les enquêteurs n'ont pas de preuves d'une éventuelle implication du gouverneur de la région et du vice-gouverneur Ievguen Rychtchouk dans ce meurtre, a-t-il cependant précisé.

- Agressions et meurtres -

Cette affaire avait provoqué de nombreuses manifestations à travers le pays et avait constitué l'un des sujets abordés lors d'une visite à Kiev du commissaire européen à l'élargissement, Johannes Hahn, en novembre, quelque jours après le décès de la militante.

Après la révolution du Maïdan qui a débouché en 2014 sur la fuite en Russie du président pro-Kremlin Viktor Ianoukovitch, les pro-occidentaux arrivés au pouvoir promettaient d'enrayer la corruption endémique.

Sous la pression des Occidentaux et de militants ukrainiens, ces nouvelles autorités ont mis en place de nouvelles structures anticorruption, mais aucun haut responsable n'a été condamné pour corruption ces dernières années.

La société civile et des hommes politiques accusent les autorités d'encourager ces attaques en ne faisant rien pour punir leurs auteurs.

Le Centre d'information sur les droits de l'homme, basé à Kiev, a recensé une centaine d'attaques depuis quatre ans dont la moitié en 2018. Sur les dix meurtres de militants recensés, cinq ont eu lieu l'an dernier, selon la même source.

L'Ukraine s'est hissée à la 120e place sur 180 dans le classement de perception de la corruption de l'ONG Transparency International publié en janvier, contre 142e en 2014, mais elle demeure loin derrière ses voisins de l'UE.

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