Ukraine : intégrité territoriale et plans de paix

Auteur(s)
Catherine Roman*, pour France-Soir
Publié le 22 août 2023 - 18:30
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Catherine II
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Image par Alina Kuptsova de pixabay
Statue équestre de Catherine II.
Image par Alina Kuptsova de pixabay

TRIBUNE/ANALYSE - Du rattachement en 1783 de la péninsule de Crimée à l’Empire russe par Catherine II au traité de Jassy, du 9 janvier 1792, par lequel le sultan ottoman cède aux Russes le littoral entre le Dniestr et le Boug, l’histoire de la "Nouvelle Russie" a été très influencée par la tsarine qui fonda deux ans plus tard (1794) le port d’Odessa. Cette page de l’histoire explique pourquoi la "Nouvelle Russie" est si attachée à ses racines russes et est encore peuplée majoritairement de Russophones.

À l’heure actuelle et face à un conflit qui s’éternise dans cette région notamment à cause des soutiens militaires et financiers occidentaux qui mènent une guerre par procuration contre la Russie, les plans de paix pour l’Ukraine s’amoncellent sans réellement prendre en compte : 

  • Les données historiques (dont la neutralité de l’Ukraine signée lors de l’effondrement de l’Union Soviétique et l’engagement de l’absence d’expansion de l’OTAN aux pays d’Europe de l’Est),  

  • la réalité actuelle du régime de Kiev,  

  • celle du terrain (avancée militaire russe).  

Les conquêtes territoriales russes sont irréversibles semble-t-il au regard : 

  • De la volonté affichée du gouvernement ukrainien de ne pas reconnaître le droit des Russophones à leur culture, 

  • des menaces physiques répétées prononcées à l'égard de la communauté russe, 

  • de la non-application des accords de Minsk, accords parrainés pourtant par l'ONU, l'Allemagne et la France. 

I. De la volonté affichée du gouvernement ukrainien de ne pas reconnaître le droit des Russophones à leur culture  

Volodymyr Zelensky s’est fait élire président avec un programme de réconciliation avec la Russie et les Russophones. Or, il a fait exactement le contraire de ses promesses électorales. 

1) La loi sur les peuples autochtones d’Ukraine 

Le 21 juillet 2021, le président Volodymyr Zelensky a signé la loi sur les "peuples autochtones d’Ukraine" qui prévoit que seuls les Ukrainiens d’origine scandinave, ainsi que les Tatars et les Karaïtes ont "le droit de jouir pleinement de tous les droits de l’Homme et de toutes les Libertés fondamentales", privant ainsi les Ukrainiens d’origine slave des mêmes droits.

2) La lutte contre la langue russe

Il faut rappeler qu’en 2011 une majorité des Ukrainiens parlait russe dans leur vie quotidienne. 

En mai 2019, le président de l’époque Piotr Porochenko a signé, cinq jours avant l’expiration de son mandat, la loi sur l’ukrainien comme langue d'État. Le document, dont la violation est passible d’une amende, oblige les citoyens à parler ukrainien dans tous les domaines de la vie publique, y compris l'administration, la médecine, la science et l'éducation ainsi que les médias et les sites Internet.  

À ce titre, les œuvres littéraires et musicales russes ou russophones ont été bannies. Selon les informations reportées à l’Organisation des nations Unies (ONU) le 22 septembre 2022, les livres édités en russe sont interdits et détruits en Ukraine. Le ministre ukrainien de l’Éducation a exclu la langue russe et la littérature russe du programme scolaire. 

Les prières doivent être également uniquement en ukrainien notamment sur le territoire de la Laure des Grottes de Kiev. 

Certains députés de la Rada (le parlement ukrainien) par exemple de la région d’Odessa ne parlant pas couramment ukrainien se voient interdire de s’exprimer en russe. 

Les chaînes de télévision nationales et locales n’échappent pas non plus à cette lutte contre la langue russe.

Dans la vie courante, un certain nombre de restaurants et de magasins ont été menacés ou ont déjà été victimes des nationalistes ukrainiens qui s’opposent à l’utilisation de la langue russe dans la vie quotidienne (menaces de démolition de cafés où on ne leur répond pas en ukrainien…). Le 13 juillet 2023 , une nouvelle loi votée par le parlement régional de Kiev a interdit l’utilisation de la langue russe dans tous les échanges ou représentations publiques

Cette escalade contre les Russophones atteint son apogée dans les régions reprises par Kiev ce qui confirme l’absence de possibilité de retour des territoires désormais rattachés à la Russie au sein de l’Ukraine. En novembre 2022, il est à noter que l’armée ukrainienne a semé une "terreur caractérisée et même un génocide" contre ceux qui parlaient russe à Kherson, une ville qu’elle contrôlait selon le conseiller du gouverneur par intérim de la région (dénonciations suivies de captures, destruction de maisons abritant des Russophones…). 

3) La lutte contre les monastères et les églises relevant du Patriarcat de Moscou (Église Orthodoxe Ukrainienne)  

L’Ukraine s’est fixé pour objectif d’interdire complètement les activités de l’Église Orthodoxe Ukrainienne en violation du droit de culte. On note à cet effet de nombreuses attaques contre des sanctuaires orthodoxes liés à cette église (prises d’assaut de monastères, saisies d’églises, violences contre les croyants et appels contre l’intégrité physique des moines, saisies de sanctuaires sous des prétextes fictifs, arrestations de vicaires et de blogueurs ukrainiens soutenant les Laures…)  

À titre d’exemples, on peut citer les événements relatifs à la Laure des Grottes de Kiev et à la Laure de Sviatogorsk.

  • La Laure des Grottes de Kiev :

La décision du tribunal de Kiev de résilier le contrat de location de la Laure des Grottes de Kiev, intervenue début août 2023, vise à priver le monastère du droit de mener des activités religieuses. Fin mars 2023, les autorités ukrainiennes ont unilatéralement résilié le contrat de location de la Laure et ont exigé que les moines quittent les lieux et ont plus tard arrêté le métropolite Paul (vicaire de la Laure), celui-ci a été libéré contre une caution de 800.000 euros le 7 août 2023. 

L’intention des autorités ukrainiennes de retirer les reliques orthodoxes de la Laure des Grottes de Kiev est également un autre sujet de préoccupation. 

  • La Laure de Sviatogorsk 

Les témoignages des habitants et des moines de Sviatogorsk ont confirmé le fait que des nationalistes ukrainiens ont délibérément incendié en juin 2023 l’ermitage de tous les Saints de la terre russe.

4) La volonté d’effacer toute référence littéraire et historique liée à la Russie 

La lutte contre les monuments soviétiques et russes en Ukraine a commencé en 2015 après l'adoption de la loi sur la décommunisation. Vers le début de l'année 2022, les autorités avaient démoli plus de 2.500 monuments, changé le nom de plus de 900 localités et d'environ 50.000 rues. En 2022, une nouvelle vague de lutte contre tout ce qui rappelle l'histoire et la culture russe et soviétique a déferlé sur le pays. Le ministère ukrainien de la Culture a ainsi continué à changer des noms géographiques dont des rues baptisées antérieurement Léon Tolstoï, Alexandre Pouchkine, Valeri Tchkalov (pilote d’avions soviétiques),… et démantelé des monuments liés à la Russie dont des monuments à Alexandre Pouchkine, Alexandre Souvorov, Catherine II, etc.  

Le 21 avril 2023, le président ukrainien a signé la loi adoptée par la Rada interdisant de donner aux sites géographiques des toponymes liés à la Russie, à son patrimoine, à sa culture et à ses événements historiques. 

Le 3 mai 2023, la Rada a de plus adopté une loi qui simplifie la procédure de démantèlement des monuments liés à la Russie et à l’Union Soviétique en les excluant des monuments du patrimoine culturel. 

Cette atteinte à la culture soviétique et russe, outre que certains hauts dignitaires de l’URSS étaient d’origine ukrainienne (dont Léonid Bréjnev) est une attaque contre la mémoire des Russophones.  

II. Des menaces physiques répétées prononcées à l'égard de la communauté russe 

Le 2 mai 2014, des radicaux du Secteur droit et des forces dites d'autodéfense du Maïdan ont attaqué un village de tentes où des habitants d'Odessa recueillaient des signatures en faveur de l'organisation d'un référendum sur la fédéralisation de l'Ukraine et l'officialisation de la langue russe. Ces derniers se sont mis à l'abri dans la Maison des syndicats, mais les radicaux ont encerclé et ont incendié le bâtiment. Selon le ministère ukrainien de l'Intérieur, 48 personnes sont mortes et encore plus de 240 ont été blessées pendant ces événements tragiques. 

De même, le ministère russe de la Défense a diffusé, le 9 mars 2022, des documents secrets de la garde nationale ukrainienne indiquant que cette garde nationale planifiait l’attaque des "séparatistes" du Donbass pour le 8 mars 2022. L’imminence de cette attaque a conduit la Russie à reconnaître en urgence l’indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et à lancer une opération spéciale en soutien à ces deux républiques. 

À partir d’août 2023, outre les bombardements incessants sur des zones habitées, Kiev tire désormais des projectiles à sous-munitions sur Donetsk et les autres régions disputées tuant aveuglément un grand nombre de civils russophones. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait du culte de la mort une idéologie d'État, sur la base de laquelle les Ukrainiens considèrent que le sens de leur vie réside dans la destruction des Russes. Cette politique a déjà entraîné une baisse record du taux de natalité dans le pays, explique Viktor Medvedtchouk, l’ancien dirigeant du parti d'opposition Plateforme d'opposition - Pour la vie, aujourd'hui interdit en Ukraine. En effet, au lieu de privilégier la création de meilleures conditions de vie et d’accroître le bien-être des citoyens, cette idéologie "anti-Russie" de Kiev n’a fait qu’accroître les morts et le malaise des citoyens au sein d’une Ukraine déchirée. 

III. De la non-application des accords de Minsk, accords parrainés pourtant par l'ONU, l'Allemagne et la France  

Comme l’ont déclaré a posteriori publiquement, les participants aux accords de Minsk - l’ancien président ukrainien Piotr Porochenko, l’ancien président français François Hollande et l’ex-chancelière allemande Angela Merkel - ces derniers n’ont jamais eu l’intention de mettre en œuvre ces accords.

Madame Merkel et M. Porochenko ont précisé que les accords de Minsk visaient seulement à former une Ukraine et une armée plus fortes en leur donnant du temps pour préparer une attaque contre les rebelles russophones du Donbass, région qui ne cessait d’être par ailleurs bombardée par le régime de Kiev depuis 2014, date du coup d’État contre le président ukrainien démocratiquement élu, Viktor Ianoukovitch.

Les accords de Minsk, négociés par l’OSCE, la Russie, l’Allemagne et la France et signés en 2014-2015, étaient censés constituer la base d’un règlement pacifique dans le Donbass. Par la résolution 2202 du 17 février 2015 votée à l’unanimité, le Conseil de sécurité de l’ONU (dont la France) avait "demandé à toutes les parties au conflit en Ukraine de respecter le cessez-le-feu signé le 12 février 2015 et les Accords de Minsk de septembre 2014". Ce vote s’est en fait révélé comme une véritable hypocrisie et une tromperie vis-à-vis des Russophones. Cette non-application délibérée de ces accords par les Occidentaux a mené à l’intervention russe à partir du 24 février 2022 afin de protéger les populations civiles du Donbass qui étaient sous la menace de 150.000 soldats de l’armée et de la garde nationale ukrainiennes (source OSCE). 

Conclusion

En conclusion, nous sommes arrivés aujourd'hui à un tel point de haine par Kiev des Russophones que le gouvernement ukrainien condamne lui-même les plans de paix prônant l'intégralité territoriale à l'échec et ce de manière irrémédiable.

Un armistice entre Moscou et Kiev visant à reconnaître au niveau international le rattachement définitif de la Crimée, du Donbass, des régions de Kherson et de Zaporojie à la Fédération de Russie semble être la meilleure "porte de sortie" au conflit actuel pour l’Occident et ses alliés. En effet, plus ce conflit tendra à s’éterniser, plus les pertes humaines et matérielles ukrainiennes et otaniennes seront lourdes dans un contexte économique et financier déjà impacté et qui finira par se dégrader allant vers un effondrement économique et culturel occidental. 

En dehors des sources historiques, informations d'actualités provenant principalement de l'agence de presse russe TASS.

*Catherine Roman est Française et a vécu quelques années en Russie. Elle travaille dans le secteur des chiffres et se passionne pour la géopolitique et l'intelligence économique.

 

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