Notre-Dame-des-Landes : le gouvernement repousse l'évacuation de la ZAD
Manuel Valls parti, adieu l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes? Le gouvernement a repoussé ce vendredi 9 la perspective d'une intervention pour chasser les "zadistes" qui occupent le terrain du projet controversé de transfert de l'aéroport de Nantes. Lorsqu'il était à Matignon, M. Valls, fort du "oui" au référendum local de juin et des rejets des recours par la justice française, avait promis une évacuation "à l'automne", soit avant le 21 décembre.
Mais rien n'est venu et désormais, "il n'y a pas d'évacuation possible tant que le contentieux avec Bruxelles n'est pas réglé", juge-t-on de source proche de son successeur, Bernard Cazeneuve. Mise en demeure par la Commission européenne depuis avril 2014 pour ne pas avoir réalisé d'évaluation des impacts cumulés des infrastructures du projet d'aéroport, la France doit en effet toujours régulariser son infraction. Elle s'est engagée à le faire, via une révision d'un "schéma de cohérence territoriale" (Scot) de la métropole Nantes-Saint Nazaire.
Mais ce document technique, qui va être soumis au vote le 19 décembre, est susceptible de nouveaux recours en justice dans un délai de deux mois, "soit par les habitants qui se trouvent dans le périmètre du schéma, soit par les associations de protection de l'environnement", explique à l'AFP l'avocat Sébastien Le Briéro, docteur en droit de l'environnement. Et la Commission européenne doit ensuite donner son avis sur la régularité des corrections françaises. Dans tous les cas, le processus décalerait toute intervention d'au moins plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Selon Europe 1, qui ne cite pas de source, François Hollande et Bernard Cazeneuve ont même renoncé à évacuer la "Zad" avant la fin du quinquennat.
Le sénateur (LR) de la Vendée Bruno Retailleau, président du conseil régional des Pays de la Loire, et soutien de François Fillon, a qualifié la décision du gouvernement de "lâcheté politique" dans un communiqué. Sur Europe 1, le candidat écologiste à l'élection présidentielle Yannick Jadot, a lui appelé François Hollande à "abroger la déclaration d'utilité publique" des travaux de l'aéroport.
"Nous sommes dans un Etat de droit qui ne saurait être bafoué. Le cadre d'une intervention doit être maîtrisé. Il faut être irréprochable juridiquement et opérationnellement", a souligné l'entourage de M. Cazeneuve à Matignon. "Je suis satisfaite de voir que le gouvernement français se souvient qu'il a un contentieux avec l'Europe. Nous l'avions dit, des dizaines de fois", a souligné Françoise Verchère, co-présidente du Collectif des élus doutant de la pertinence de l'aéroport (Cédpa), à l'origine de nombreux recours judiciaires.
Mais derrière la justification juridique, le report de l'évacuation de la "zone d'aménagement différée" (Zad), rebaptisée "zone à défendre" par les opposants, est aussi dû à un casse-tête pratique. En pleine alerte terroriste en France, qui mobilise à plein les forces de l'ordre, l'évacuation nécessiterait des centaines, voire des milliers de gendarmes mobiles pendant des jours et peut-être des semaines.
Quelque 600 à 700 opposants se trouveraient sur le site de 1.200 hectares, selon des pointages officieux. Eriger des barricades, grimper vite aux arbres, faire des "rondes" pour repérer tout signe de démarrage des travaux: ces "zadistes" profitent des tergiversations gouvernementales pour se préparer depuis des mois. La perspective d'une opération qui s'annonce probablement violente vue la détermination des zadistes inquiète aussi ceux qui redoutent des blessés ou même des morts, plus de deux ans après la mort du jeune Rémi Fraisse sur le site du barrage de Sivens.
A moins de cinq mois de la présidentielle, le projet divise toujours majorité et gouvernement: il est soutenu par exemple par l'ancien maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, et critiqué par la ministre de l'Environnement Ségolène Royal. Avec le départ de Manuel Valls, l'équilibre des forces a basculé au sein de l'exécutif. "Cela bougera en revanche en cas de retour de la droite au pouvoir", souligne un membre du gouvernement, en rappelant que le président de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau, grand partisan du projet, est un membre du premier cercle de François Fillon. "Mais bon courage pour évacuer une zone humide!", prévient ce ministre.
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