Réforme du CSM : le garde des Sceaux à la recherche d'un consensus politique
Réclamée par les magistrats, plusieurs fois reportée, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), gage d'indépendance pour la justice, arrive à l'Assemblée nationale dans une version a minima que l'exécutif espère assez consensuelle pour être inscrite dans la Constitution.
"Cette réforme est de bon sens, nécessaire, urgente et simple", a proclamé mardi 22 le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas devant la commission des Lois de l'Assemblée, où le texte sera débattu en séance publique le 5 avril.
Les principales fonctions du CSM sont de nommer les magistrats et d'en être l'instance disciplinaire. Il est composé de deux "formations", l'une indépendante pour les magistrats du siège qui instruisent et jugent, et l'autre, liée au pouvoir politique, pour les magistrats du parquet. Or, depuis plus de dix ans, le législateur renforce les pouvoirs des parquetiers au détriment des juges, comme c'est aujourd'hui à nouveau le cas avec la réforme pénale antiterroriste en cours d'examen au Sénat.
Le projet de réforme du CSM, qui ne compte que trois articles, entend conforter l'indépendance statutaire des membres du parquet, comme le recommande la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). S'il est adopté, le CSM n'aura plus la fonction constitutionnelle "d'assister le président de la République" mais de concourir "à garantir" l'"indépendance" de l'autorité judiciaire.
Les noms des hauts magistrats du parquet seront toujours proposés par le ministère de la Justice mais celui-ci ne pourra procéder à leur nomination sans "un avis conforme" du CSM, ce qui implique un accord et limite les nominations "politiques".
En réalité, depuis 2009, aucun garde des Sceaux n'est passé outre aux avis du CSM mais "rien n'est durable sans les institutions", a fait valoir Jean-Jacques Urvoas, citant Jean Monnet. Enfin, c'est "la formation du CSM compétent pour les magistrats du parquet" qui statuera comme conseil de discipline pour les parquetiers et non plus la chancellerie.
"C'est mieux que rien mais le lien entre parquet et pouvoir n'est pas rompu", juge Virginie Duval, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Elle regrette que les magistrats ne soient plus majoritaires au CSM -sur 15 membres de chaque formation, huit sont membres de la société civile- et que la "formation" du parquet ne puisse pas désigner elle-même ses hauts magistrats comme peut le faire la "formation" des juges.
Début janvier, le président François Hollande avait surpris en proposant de faire voter le texte sur le CSM, à côté des mesures post-attentats, dans le cadre de la réforme constitutionnelle à venir. Ce projet de réforme faisait partie de ses engagements de campagne mais il avait été suspendu en juillet 2013 après que le Sénat eut totalement vidé de sa substance un texte plus ambitieux voté en juin par l'Assemblée.
Trois ans plus tard, c'est pourtant le texte du Sénat qui sera présenté en seconde lecture à l'Assemblée où l'exécutif espère qu'il sera voté dans les mêmes termes.
"Ce n'est pas le texte voté par l'Assemblée. Néanmoins ce qui en demeure est l'essentiel", a fait valoir Jean-Jacques Urvoas évoquant un possible "consensus" autour d'une "noble cause". Mais son enthousiasme a été douché en commission par les députés LR et des radicaux de gauche qui ont déjà exprimé des réserves sur le projet.
"L'exécutif se dit: aller au congrès avec juste l'état d'urgence, sans la déchéance de la nationalité qui n'aboutira pas, c'est un peu cheap", a commenté Philippe Houillon (LR) dénonçant "une manœuvre politique". "On ne fera pas une bonne réforme constitutionnelle qui prend l'eau de toute part sur deux demi-sujets", a abondé Guy Geoffroy (LR). Son collègue Guillaume Larrivé (LR) a lui rappelé au ministre ses propos de député, après le vote du Sénat.
"Il n'y a aucune pertinence à ce que l'Assemblée soit ressaisie d'un texte vidé de son cœur", avait déclaré Jean-Jacques Urvoas avant finalement de s'engager, dès 2015, avec le soutien du Président, dans un travail de lobbyiste, rencontrant notamment les anciens gardes des Sceaux, pour relancer la réforme du CSM.
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