Le programme "Young Leaders" de la French-American Foundation, un "mini-Bilderberg" pour faire naître une "élite" transatlantique

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France-Soir
Publié le 17 juillet 2023 - 09:00
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"La French-American Foundation affirme ne pas avoir l’intention de 'créer une diplomatie parallèle' mais son 'espace de débats'"
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INFLUENCE - C’est une organisation encore plus ancienne que les Young Global Leaders (YGL) du Forum Économique Mondial (WEF). Chaque année, une vingtaine de personnes âgées de 30 à 40 ans sont sélectionnées grâce à leur “leadership” et compétence dans leur domaine d’activité. Ils ne sont officiellement pas appelés à “infiltrer” les gouvernements comme les YGL de Klaus Schwab, président du WEF, mais à “promouvoir le dialogue transatlantique” comme le fait un certain groupe Bilderberg. François Hollande, Emmanuel Macron, Alain Juppé, Arnaud Montebourg, Najat Vallaud-Belkacem ou même Bill et Hillary Clinton en ont déjà fait partie. Il s’agit des “Young Leaders” de la French-American Foundation (FAF).

Créé en 1981, ce programme est “le pionnier des programmes de leadership et le plus emblématique”, selon les termes de l’un de ses dirigeants. Il se différencie de ses “concurrents” par son format, son fonctionnement et le choix, très sélectif, des candidats. Comment ce club fonctionne-t-il ? Comment la French-American Foundation sélectionne les Young Leaders ? Quels sont ses objectifs ?

Un patchwork de YGL et de Bilderberg

Inaugurée en 1976 par les présidents américain et français, Gerald Ford et Valéry Giscard d’Estaing, la French-American Foundation se définit comme “un lieu de débats et d’échanges réguliers pour approfondir les relations entre la France et les États-Unis”. Son programme Young Leaders, qui “vise à bâtir des relations durables entre jeunes personnalités françaises et américaines et appelées à de hautes fonctions dans leurs pays respectifs”, en a fait sa renommée. Si la démarche de la French-American Foundation de réunir les “dirigeants de demain” rappelle celle du WEF et de ses Young Global Leaders, son caractère exclusivement transatlantique rappelle le groupe Bilderberg, ce cercle très fermé qui réunit chaque année les personnalités politiques, économiques, médiatiques, intellectuelles ou culturelles les plus influentes du monde, issues des États-Unis et de l’Europe, pour discuter des sujets majeurs d’actualité.

Comment les candidats sont-ils sélectionnés ? La French-American Foundation se divise en deux entités, l’une établie à New York aux États-Unis et la seconde à Paris en France. La première entité est présidée par Caroline Naralasetty tandis que la seconde dirigée par Amina Saber. Chaque année, 10 Français et 10 Américains sont sélectionnés parmi les candidats. L’âge est le seul critère exclusif: les participants doivent impérativement avoir entre entre 30 et 40 ans. Les autres conditions de sélection “s’attachent aux capacités de leadership, à l’attention aux autres et à la bienveillance. Les compétences comportementales sont au moins aussi importantes que les diplômes”, affirme Agnès Touraine, qui préside le jury de sélection.

Pour composer celui-ci, les deux organisations peuvent justement puiser dans un réservoir de plus de 600 alumnis, c’est-à-dire d’anciens Young Leaders. “L’expérience est unique et il est difficile de sélectionner les candidats, lorsque l’on n’a pas suivi le programme soi-même”, justifie Mme Touraine.

Ce programme se distingue par un nombre restreint de participants, à l’opposé des YGL du WEF, qui sont chaque année plus d’une centaine à être retenus. Un “atout” pour Caroline Naralasetty, puisque ceci “permet de créer une communauté soudée autour des relations transatlantiques”. Le programme s’étend sur deux ans, avec deux voyages d’étude de cinq jours, l’un en France et l’autre aux États-Unis.

Bien qu’ils soient considérés comme étant “les élites du futur”, les participants, qui proviennent des domaines politique, économique et militaire mais aussi, et depuis peu, des milieux académique, artistique, culturel et médiatique, ne suivront pas un programme de développement de leadership comme c’est le cas à Davos. “La French-American Foundation n’est pas un institut de lobbying, mais un lieu d’échange”, nuance Amina Sabeur. L’objectif de ce club n’est pas de “créer une élite” mais “une alchimie” et “d’offrir un espace d’échanges, de dialogues, de débats sur des thèmes actuels qui traversent les deux sociétés”.

Les États-Unis au centre des intérêts

Les participants à l’édition de 2023, sélectionnés parmi 150 candidatures, à l’issue d’une cinquantaine d’entretiens et de 13 séances délibératives des membres du jury, ont été annoncés en juin dernier. Si la précédente promotion a abordé la croissance économique, la guerre en Ukraine et le changement climatique, les “Young Leaders” actuels évoqueront, en octobre à Strasbourg, “le paysage et les structures politiques européennes actuelles”.

Les deux entités américaine et française de la Fondation ne sont pas uniquement indépendantes dans le choix des candidats mais également dans leur fonctionnement. Caroline Naralasetty, présidente de l’entité américaine, défend une “organisation tout à fait pertinente. Chaque équipe connaît son public et peut ainsi être plus efficace dans sa programmation et son financement”. La FAF récupère un tiers de dons lors de galas annuels. Pour compléter son financement, l’organisation française mise sur les cotisations de ses membres, qui vont “de la start-up au grand groupe du CAC 40 et des diplomates aux journalistes, avec tous un intérêt commun pour les États-Unis”, révèle sa directrice générale. Les Américains, de leur côté, organisent régulièrement des levées de fonds.

La French-American Foundation affirme ne pas avoir l’intention de “créer une diplomatie parallèle” mais son “espace de débats” semble assez fermé puisque les échanges entre les participants sont soumis, tout comme les réunions du groupe de Bilderberg, à la règle de Chatham House, un code de la diplomatie britannique qui interdit de rendre publics les identités et les propos des invités. Amina Sabeur évoque un souhait de la FAF de “continuer à fédérer, rassembler et se mettre au service des relations transatlantiques amicales et incarnées”, en dépassant les hauts et les basgéopolitiques.

Une des manières de mener ce projet à terme semble justement être la création d’une élite, en réunissant “de jeunes personnalités déjà appelées à de hautes fonctions” en France comme aux États-Unis. Parmi les 600 alumnis figurent de hauts dirigeants, voire des présidents de deux pays.

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