Royaume-Uni : avant sa démission du secrétariat d'État à la Défense, Ben Wallace a menacé d’annuler un contrat d'achat d'hélicoptères Chinook de 2,3 milliards de livres sterling avec les USA

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France-Soir
Publié le 05 septembre 2023 - 10:00
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Chinook
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Jonny Gios sur unsplash.com
Hélicoptère Chinook, Windermere, Royaume-Uni, le 21 juillet 2022.
Jonny Gios sur unsplash.com

INTERNATIONAL - Avant de démissionner le 31 août dernier et céder sa place à Grant Shapps, le secrétariat d'État à la Défense, Ben Wallace, a créé des remous dans les relations anglo-américaines. Figure clé du soutien du Royaume-Uni à l’Ukraine face à l’invasion russe et candidat malheureux au poste de Secrétaire général de l’Otan, Ben Wallace a menacé d’annuler un accord avec les États-Unis portant sur la livraison de 14 hélicoptères Chinook pour un coût de 2,3 milliards de livres sterling. Selon la presse britannique, l’ancien ministre a mal digéré le "niet" de Washington quant à son ambition de diriger l’Alliance transatlantique.  

À son poste depuis 2019, Ben Wallace détient le record de longévité à la tête du ministère de la Défense, depuis un certain Winston Churchill. Il a ainsi survécu aux trois derniers gouvernements : celui de Boris Johnson, celui de Liz Truss et l’actuel gouvernement de Rishi Sunak. Il avait déjà fait part durant l’été de son intention de se retirer de la vie politique après neuf ans dans l’exécutif et 18 ans au Parlement avant de déposer, officiellement, sa démission le 31 août dernier. "J'ai été élu député en 2005 et, après tant d'années, il est temps de m'investir dans les aspects de la vie que j'ai négligés et d'explorer de nouvelles opportunités", a-t-il écrit dans sa lettre de démission publiée par les services de Rishi Sunak. 

Motivations financières ou représailles ? 

Mais ces dernières semaines étaient particulièrement tendues. Et pour cause : un accord avec les États-Unis d’une valeur de 2,3 milliards de livres sterling. Selon le quotidien britannique The Times, Ben Wallace a fait pression pour annuler ce contrat. Des sources affirment que l’ex-ministre de la Défense souhaitait réduire les coûts et "alléger la pression sur les budgets serrés de son ministère". D’autres membres du gouvernement affirment, au contraire, que les manœuvres de Ben Wallace représentent des représailles contre Washington, qui s’est opposé à sa nomination comme Secrétaire général de l’OTAN. "On aurait dit qu'il essayait d'énerver les Américains. C'est certainement ainsi que certains l'ont interprété", a déclaré une source au Times.

Le contrat porte sur l'achat de 14 hélicoptères Chinook H-47 fabriqués par l’américain Boeing. La première livraison est prévue d’ici 2026. Les États-Unis affirment que ces aéronefs de manœuvre et d'assaut "amélioreraient les capacités du Royaume-Uni à contribuer aux opérations conjointes avec Washington et ses partenaires de l’OTAN". Un argument qui ne séduisait visiblement pas l’ancien Secrétaire à la Défense, faisant valoir que la Grande-Bretagne possédait déjà "la plus grande flotte de transport lourd d'Europe".  

Le coût de ces hélicoptères est l’autre raison de la réticence de Ben Wallace. Le Times affirme qu’il a déjà tenté d’annuler le contrat lors du précédent examen des dépenses, mais il a été assuré par ses collaborateurs que retarder cet accord générerait des économies de près de 200 millions de livres sterling. Le résultat est diamétralement opposé puisque les coûts ont augmenté d’environ 500 millions de livres sterling selon le Times et 350 millions selon un audit officiel pour atteindre 2,3 milliards. L'argent, estime l’ex-dirigeant britannique, pouvait être mieux dépensé en investissant dans des hélicoptères d’appui de moyen tonnage, moins chers à exploiter.

Ben Wallace a également fait valoir que cette bagatelle de 500 millions pourrait permettre au Royaume-Uni d’acquérir deux avions de transport Airbus et que l’exploitation des hélicoptères Chinook est coûteuse. La flotte britannique de Chinook de 60 unités coûte environ 14.000 livres sterling de l'heure et Londres ne dispose même pas des moyens de communications lui permettant d’exploiter ces hélicoptères américains.

Panique chez les diplomates US et UK 

Ben Wallace a ainsi provoqué un incident diplomatique. En juillet, il a fait part dans une lettre de son intention à son homologue américain, Lloyd Austin, d’annuler le marché, sans que cela ne soit discuté avec le reste du gouvernement. The Times dit ignorer si Rishi Sunak et son cabinet ont autorisé la lettre, mais celle-ci a suscité la panique chez les diplomates américains et britanniques. L'ambassadrice américaine au Royaume-Uni, Jane Hartley, a ainsi écrit au 10 Downing Street (la résidence du Premier ministre, ndlr), afin d'obtenir des garanties sur l’avenir du contrat et celles-ci "ont été fournies".  

L’ambassadrice du Royaume-Uni à Washington, Karen Pierce, a également été la destinataire des préoccupations américaines. Dans une lettre renvoyée à Londres, elle aurait averti que c'était une "mauvaise idée" d'annuler l'accord. L’incident diplomatique a même contraint le cabinet du Premier ministre à intervenir pour apaiser les tensions. Les Britanniques ont tenté de rassurer leurs homologues en affirmant que le problème serait résolu dès que Wallace quitterait le gouvernement. 

Les réelles motivations de Ben Wallace derrière son intention de mettre fin au contrat divergent selon les différentes sources. Certaines, interrogées par The Times, ont déclaré qu’il était "amèrement frustré par l’échec de sa campagne pour succéder en juin à Jens Stoltenberg", reconduit en juillet à la tête de l’Otan faute d’accord sur son successeur. Un échec imputé à Biden et à la Maison Blanche. D’autres sources répliquent que M. Wallace avait déjà tenté de résilier l’accord il y a deux ans sur des préoccupations exclusivement liées aux coûts, qualifiant de "pathétique" tout lien suggéré avec l’Alliance transatlantique.

Aucune décision finale ne semble avoir été prise concernant ce contrat sur les hélicoptères. Il s’agira, sans doute, de l’un des premiers grands choix du nouveau ministre de la Défense, Grant Shapps. Vendredi, un porte-parole du ministère de la Défense a déclaré qu’"il n'y a eu aucun changement dans le futur portefeuille d'hélicoptères de transport lourd du Royaume-Uni", rappelant, par la même occasion, que "les États-Unis sont l'un des alliés les plus proches du Royaume-Uni et notre partenariat en matière de défense et de renseignement est et sera toujours l'un des plus solides au monde."  

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