Météo : le retour des beaux jours et de la chaleur n'est pas forcément une bonne nouvelle pour les sans-abris

Auteur(s)
Maeliss Innocenti
Publié le 22 mai 2017 - 18:13
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Une femme sans-abris est enveloppée dans une couverture sur le trottoir d'une rue parisienne, le 3 d
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© JOEL SAGET / AFP/Archives
Un homme à la rue meurt aux alentours de ses 49 ans, quand un homme "normal" peut vivre jusqu'à 80 ans en moyenne.
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A l'approche des fortes chaleurs, l'inquiétude grandit pour les SDF qui ne seront plus hébergés comme en hiver, saison qui ne tue pas forcément plus que l'été. Bien au contraire. Nicolas Clément, président du collectif Les Morts de la Rue, fait le point sur la situation pour "FranceSoir".

Cinq cent un. C'est le nombre de sans-abris qui sont morts dans la rue en 2016. Et ce chiffre pourrait encore augmenter puisque tous les décès n'ont pas été analysés et donc pas encore forcément été répertoriés par le collectif Les Morts de la Rue. Mais déjà une certitude: contrairement à ce que l'opinion publique peut penser, le froid hivernal n'est pas plus assassin que la chaleur estivale.

Mais alors d'où vient ce cliché? Selon Nicolas Clément, président du collectif, contacté ce lundi 22 par FranceSoir, cela à avoir avec "l'imaginaire des pays du nord". "L'hiver a plus d'importance que l'été, qui réchauffe les vieux os quand l'hiver vous tue. On a cette impression qui n'est pas complètement fausse puisqu'il y a plus d'hébergements ouverts l'hiver. S'ils étaient tous fermés, à ce moment-là peut-être qu'effectivement il y aurait plus de morts en cette saison" explique-t-il.

>Moins de 1% des décès de SDF sont dus au froid

En hiver, pour les personnes normalement abritées, il y a une surmortalité due aux différentes maladies qui peuvent être contractées lors de cette saison. Pour les SDF, cette surmortalité n'est que très légère. Ainsi, parmi tous les décès répertoriés, moins d'1% ont été causés par une hypothermie mortelle.

En réalité, ce qui tue le plus les sans-abris, c'est le changement. Selon Nicolas Clément, "il y a un pic de mortalité" chez ces personnes "en février" –qui peut effectivement être dû à l'hiver- mais il y en a deux autres en juin et en octobre. "La forte intuition qu'on a par rapport à ça, c'est que ces périodes sont des moments de changement de statut. En juin, les hébergements hivernaux qui ont été prolongés ferment. En octobre, on commence à attendre l'entrée dans les hébergements hivernaux. (…) Le plus dur pour ces personnes à la rue, c'est l'incertitude, l'angoisse", a-t-il expliqué.

>Les accidents et les agressions: première cause de décès chez les SDF

Ces bouleversements engendrent des perturbations au niveau des repères, des habitudes pour se nourrir, de l'endroit où les personnes dorment. Ce qui les pousse à braver les dangers, à dormir, comme c'est le cas pour les bidonvilles par exemple, dans des endroits dangereux, source d'accidents.

Ceux-ci ainsi que les agressions, -car "la rue n'est pas sûre", rappelle Nicolas Clément-, sont les deux premières causes de décès chez les SDF. Viennent ensuite l'extrême fatigue, l'usure, les maladies par manque d'accès aux soins. Tout cela entraîne une (très) forte baisse de l'espérance de vie. Un homme à la rue meurt aux alentours de ses 49 ans, quand la moyenne de la population masculine peut vivre jusqu'à 80 ans.

Chaque année, la situation est sensiblement la même. En 2017, le collectif Les Morts de la Rue a déjà dénombré 140 décès. Pour endiguer le phénomène, Nicolas Clément estime qu'il faut agir, au niveau du gouvernement, sur plusieurs aspects. Il y a un travail à faire sur la prévention, l'accompagnement social mais aussi la famille (un quart des SDF ont été placés dans leur enfance et n'ont donc pas grandi dans un foyer stable).

>La stabilité du logement? Un point crucial

Il faut aussi régulariser la situation au niveau de la politique des hébergements et celle des expulsions, qui vont aujourd'hui à l'encontre l'une de l'autre. La stabilité du logement est une chose cruciale pour ces personnes. "Les trimbaler d'un hébergement à un autre, d'une place en foyer à une chambre d'hôtel, c'est dévastateur". Et quand elles retrouvent un toit, il faut continuer à les accompagner, au quotidien, et psychologiquement aussi. Afin de leur redonner confiance et leur montrer leur valeur, selon Nicolas Clément.

Dernier élément, il faut avancer sur la domiciliation, et la possibilité pour ces sans-abris de pouvoir recevoir du courrier, ouvrir un compte bancaire, obtenir un travail. Mais pour avancer sur tous ces éléments, il faut trouver un moyen pour mieux appréhender la situation, notamment au niveau des statistiques, qui sont encore trop difficiles à tenir.

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