Niches fiscales dans l'immobilier : aubaine ou gâchis ?

Auteur(s)
Bernard Cadeau, édité par la rédaction
Publié le 13 février 2019 - 16:42
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Photo d'un chantier à l'arrêt dans la capitale libanaise Beyrouth, avec en deuxième plan un immeuble en construction, le 26 novembre 2018
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© JOSEPH EID / AFP
Les niches fiscales dans l'immobilier ne sont qu'une réponse partielle aux problèmes du logement.
© JOSEPH EID / AFP

L'immobilier est l'un des secteurs abritant le plus de niches fiscales. L'Etat est donc prêt à renoncer à des rentrées fiscales pour doper le domaine de l'immobilier même si en zones tendues, cet outil ne semble pas résoudre la crise du logement. L'analyse de Bernard Cadeau, ancien président du réseau Orpi, pour France-Soir.

Dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui mord!

Je ne suis pas l’auteur de cette phrase, mais on a souvent pu l’entendre. Elle traduit sans doute la particularité de ces dispositifs fiscaux. Sont-ils vertueux? Sont-ils à proscrire totalement? Répondre oui ou non à l’une ou l’autre de ces questions serait trop réducteur et pourrait nous priver d’une analyse objective et, je l’espère, nuancée.

Le terme de niche est à coup sûr connoté. La "niche" est un régime fiscal dérogatoire, instauré à des fins d’incitation économique ou d’équité sociale. ll s'agit-là de la définition officielle. En 2018, tout confondu, elles auront représenté 100 milliards d’euros échappant à l'impôt, soit 14 milliards de recettes fiscales en moins pour l’état. Elles sont au nombre de 474, dont 90 recensées pour le volet Logement et Immobilier.

Gerald Darmanin, notre ministre des Comptes publics, vient de suggérer de les raboter et de les soumettre à des conditions de ressources pour le moment sans grand succès et, a priori, contre l’avis du président de la République. Pour information, le rabot a déjà été utilisé à plusieurs reprises et les plafonds ont régulièrement baissé: 25.000 euros en 2009, puis 20.000 euros en 2011, puis 18.000 euros, puis 10.000 euros depuis 2013.

Attention, à force de raboter il ne restera plus rien! Nous touchons là, sans aucun doute, le cœur du problème. Soit il faut considérer que ces dispositifs sont inutiles, injustes, propices à des effets d’aubaine, qu’ils transforment les contribuables en "chasseurs de primes fiscales", et il faut alors tout arrêter et reconsidérer l’ensemble de ces mesures dans le cadre d’une vaste remise à plat de la fiscalité dans notre pays. Rappelons pour information que la pierre est très rentable pour l’Etat: les aides se montent à près de 42 milliards d’euros pour des recettes fiscales frôlant les 75 milliards soit un solde positif de 32 milliards auxquels il convient d’ajouter environ 12 milliards provenant de la fiscalité des successions! Soit, dans l’attente de cette réforme fiscale de grande ampleur que tout le monde attend, malgré le plafonnement actuel à 10.000 euros, il faut poursuivre. Et poursuivre pour soutenir l’activité économique de certains secteurs, pour corriger une fiscalité par trop inadaptée aux enjeux de demain.

Lire aussi - Immobilier: pourquoi les prévisions sont-elles souvent hasardeuses?

Si l’on regarde plus précisément le logement et l’immobilier, on dénombre 90 dispositifs (ou niches) parmi lesquels le PTZ ou prêt à taux zéro, le CITE ou crédit impôt transition énergétique, la TVA à taux réduit, le Robien, le Censi-Bouvard, le Besson, le Scellier, le Borloo, le Duflot, ou le Pinel devenu récemment le Denormandie. Toutes ces mesures ne sont pas actives mais elles continuent d’impacter le budget puisqu’elles s’étalent dans le temps. Elles ont toutes eu pour objectif de soutenir et ou relancer la construction de logements, afin de favoriser l’offre immobilière, tant en métropole que dans les DOM-TOM. Elles ont également permis aux classes moyennes d’investir dans l’immobilier avec la perspective de revenus complémentaires à l’âge de la retraite et la possibilité de transmettre un patrimoine.

Faut-il redire que la France manque cruellement de logements et que le déséquilibre offre-demande est responsable du niveau élevé des prix en zone tendue? La France a besoin d’un choc de l’offre! Aussi longtemps qu’un rééquilibrage réel entre offre et demande n’existera pas, les prix resteront élevés.

Pour autant, profiter de ces dispositifs avec pour unique intention de "toucher la prime" est idiot et dangereux! Un projet immobilier est un projet patrimonial à part entière et il doit s’apprécier comme tel: quel est le marché de la location là où j’investis? Quelle sera ma rentabilité et quelles seront mes perspectives de revente? Souvenons-nous des illusions perdues de celles et ceux qui ont seulement cherché l’avantage et ont acheté dans certaines zones géographiques où la demande locative était inexistante!

La leçon a été retenue, les Français avertis, et il faut continuer d’investir à bon escient. Je veux ici saluer le dispositif actuel issu de la loi Elan (Evolution du logement et Aménagement Numérique ) ou dispositif Denormandie, qui cible avec intelligence le parc immobilier existant, et sa rénovation, notamment énergétique. Ce parc est le plus important en volume, c’est le plus rapide à mobiliser, il représente une opportunité pour redynamiser des centres-villes, et il se négocie moins cher. Loger plus de monde, dans de meilleures conditions fait sens dans une société comme la notre.

Ne condamnons pas trop vite ces "niches" et gardons-les pour ce qu’elles doivent être: un soutien économique et social efficient.

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