Chahuté en Bourse, Bayer va avaler Monsanto

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Par Coralie FEBVRE, avec Jean-Philippe LACOUR à Francfort - Berlin (AFP)
Publié le 16 août 2018 - 19:11
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Le logo de la firme Bayer à Berlin le 24 novembre 2009
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© John MACDOUGALL / AFP/Archives
Le logo de la firme Bayer à Berlin le 24 novembre 2009
© John MACDOUGALL / AFP/Archives

Bayer va débuter jeudi l'intégration de Monsanto, mastodonte américain des pesticides et OGM acquis au prix fort, au moment même où les ennuis judiciaires de sa filiale sèment le doute sur la pertinence de l'opération.

"L'intégration de Monsanto dans le groupe Bayer peut commencer", a indiqué le groupe allemand, sans susciter la moindre euphorie boursière: le titre Bayer a terminé en baisse de 4,63% à 77,05 euros jeudi, soit 17,5% de pertes depuis le début de la semaine.

Le géant allemand de la chimie BASF a levé jeudi le dernier obstacle aux épousailles entre Bayer et Monsanto en bouclant le rachat d'environ 7,6 milliards d'euros d'activités agrochimiques de son compatriote comme l'avaient exigé les autorités de la concurrence.

Pour avaler le groupe américain, et parier sur le rôle croissant de la chimie pour nourrir la planète, Bayer a donc dû débourser 63 milliards de dollars (54 milliards d'euros), tout en se délestant de ses semences de coton, colza, soja et légumes, de désherbants et d'insecticides.

Bayer, l'inventeur de l'aspirine, "a tiré un bon prix de ces activités, pas d'inquiétude là-dessus", commente auprès de l'AFP Alistair Campbell, analyste de la banque Berenberg.

- Cascade de procédures -

Les doutes des investisseurs portent plutôt sur la pertinence globale du rachat de Monsanto, groupe à la réputation sulfureuse exposé aux changements de législation, et cible d'une cascade de procédures judiciaires.

Monsanto a ainsi été condamné vendredi dernier par un tribunal californien à verser 289 millions de dollars d'indemnités à un jardinier atteint d'un cancer incurable, pour ne pas l'avoir suffisamment informé de la dangerosité de son herbicide au glyphosate, le RoundUp.

Par ailleurs, selon le magazine allemand Wirtschaftswoche de jeudi, des fermiers de l'Arkansas et du Dakota du Sud préparent une requête contre Monsanto en raison du désherbant Dicamba, utilisé dans les cultures de plantes génétiquement modifiées et qui peut contaminer des champs voisins de cultures conventionnelles.

Environ 5.000 procédures contre Monsanto sont en cours aux Etats-Unis, à des degrés divers d'avancement, et d'autres ennuis se profilent au Brésil, où un tribunal fédéral a suspendu l'enregistrement auprès des autorités de tout nouveau produit à base de glyphosate.

Bayer, groupe habitué de longue date aux péripéties judiciaires, a dans le même temps ses propres contentieux, puisqu'il se voit menacé d'une "action collective en Australie concernant son implant de stérilisation Essure", rappelle Chris Beauchamp, analyste chez IG à Londres.

- Bayer à l'offensive -

Conscient de la réputation de sa cible, Bayer avait annoncé au printemps qu'il abandonnerait le nom de Monsanto, volontiers déformé en "Monsatan" ou "Mutanto" par ses détracteurs.

Mais outre cette décision cosmétique, l'intégration de Monsanto lui permet de se jeter ouvertement dans la défense de la firme de Saint-Louis, au Missouri, face aux tribunaux et aux législateurs.

Le jugement de San Francisco "n'est que la première étape de cette procédure particulière", relativisait Bayer jeudi, se disant persuadé que les instances d'appel "parviendront à la conclusion que le glyphosate n'est pas responsable" du cancer du requérant américain.

Plus largement, Bayer martèle que le glyphosate, objet d'évaluations contradictoires concernant son impact sur la santé, "est sûr".

Monsanto a ainsi contesté en justice la décision de l'Etat californien de qualifier le glyphosate de "cancérogène", se heurtant cependant mercredi soir au refus de la Cour suprême californienne d'examiner ce recours.

"On s'attend à un recul significatif dans l'usage du glyphosate", au risque de menacer le modèle économique du nouveau géant de l'agrochimie, estime Alistair Campbell, de la banque Berenberg.

"Mais quelles sont les alternatives ? Elles n'apparaissent guère plus sûres, parce que les deux autres herbicides les plus courants aux Etats-Unis sont interdits en Europe", nuance l'analyste.

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