Après son expulsion, un squat latino prend ses quartiers devant une mairie aux portes de Paris

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Par Marie GIFFARD - Saint-Ouen (AFP)
Publié le 09 août 2019 - 12:17
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Des migrants latino-américains, expulsés d'un squat, campent le 8 août 2019 devant la mairie de Saint-Ouen
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© BERTRAND GUAY / AFP
Des migrants latino-américains, expulsés d'un squat, campent le 8 août 2019 devant la mairie de Saint-Ouen
© BERTRAND GUAY / AFP

Colombiens, Péruviens, Boliviens, Vénézuéliens, Cubains... Expulsés fin juillet d'un squat, ils sont une centaine de Latino-Américains à camper depuis plus d'une semaine devant la mairie de Saint-Ouen, près de Paris, avec le soutien d'associations qui dénoncent l'inaction des autorités.

"Le squat Bauer... C'était +chez nous+", raconte Chanel Marté Castillo, une Dominicaine de 40 ans. "Quand on est arrivés, on a commencé à nettoyer, à construire. Petit à petit, d'autres familles arrivaient, on cherchait une place. On a fini à 150 personnes (...) On peut pas laisser les gens dehors, même si nous on est dehors aussi",

Accompagnée de ses cinq enfants et deux petits-enfants, elle se rappelle comment la communauté s'est constituée au fil des neuf derniers mois dans cet entrepôt désaffecté, propriété de la ville de 50.000 habitants en Seine-Saint-Denis.

Le 30 juillet, en application d'une décision de justice, les locaux et ses occupants ont été évacués.

Depuis, 130 personnes, dont 40 enfants et plusieurs femmes enceintes, déploient chaque soir des dizaines de tentes qu'ils devront replier à 6H00 avant l'arrivée de la police.

Sous un barnum, la cantine ravitaillée quotidiennement par les riverains: des cartons de nourriture, un réchaud sur lequel deux femmes font griller des saucisses. Plus loin, des sacs de vêtements, des jouets d'enfants épars sur le goudron, des canapés, des matelas sur lesquels plusieurs hommes font la sieste.

"La CGT nous a proposé d'accéder à leurs toilettes, il y a Emmaüs pour la douche", décrit Chanel.

Jeudi soir, entre deux voitures, une maman lave son bébé, pieds nus sur l'asphalte, la tête mousseuse de shampoing.

"Il y a des Péruviens, des Boliviens, des Dominicains, des Cubains, des gens qui ont l'asile politique, d'autres sans papiers", détaille Yamile Millan. Arrivée en France il y a un an et demi, sans papiers, elle fait "des ménages" au noir, comme beaucoup d'autres qui travaillent dans le bâtiment.

"Je n'avais jamais vécu dans la rue", confie-t-elle, le regard las et assise sur des baluchons. "Nous réclamons le droit à un logement digne".

"Dans nos pays, ça n'aurait aucun résultat de lutter de cette façon, mais ici, si", affirme Mauricio Gomez, le "pasteur" de la communauté. "On sait bien que nous sommes des immigrés (...) Le maire ne nous connaît peut-être pas, il ne sait pas qui nous sommes, mais on aimerait qu'il nous rencontre", dit-il.

- "Squatteurs" -

La municipalité estime qu'il ne lui appartient pas de prendre en charge ces "squatteurs". "En aucun cas, le maire et sa majorité municipale ne peuvent être tenus pour responsables de la situation", se défend la ville dans un communiqué transmis à l'AFP.

Pour elle, l'association du DAL (Droit au logement) a "installé illégalement des personnes dans ce bâtiment municipal dont tout le monde connaissait la destinée". Une école doit y voir le jour en 2022. "Si des solutions doivent être trouvées pour ces personnes, il appartient exclusivement à l’Etat d’y pourvoir", ajoute la ville.

Son édile, William Delannoy (UDI), juge qu'il doit "apporter des solutions de relogement prioritairement aux Audoniens qui ne comprendraient pas, après des années d’attente, de voir le maire attribuer des logements à des Colombiens".

"En quoi ces +Colombiens+ ne sont-ils pas des habitants de la ville? Le maire va-t-il désormais trier ses concitoyens par origine ?", s'emporte La France Insoumise dans un communiqué.

Contactée par l'AFP, la préfecture explique que "29 familles avec enfants se sont vu proposer des nuitées hôtelières, en attente d'une solution plus pérenne. Pour les autres, on rentre dans le cadre du 115 habituel", le numéro d'urgence sociale, saturé.

Pas question de retourner là-bas, selon Chanel : "Le squat est surveillé, il y a les flics. On nous a dit qu'on n'allait jamais le récupérer".

"Pour mettre des chiens, payer des gens pour garder un local, y a de l'argent. Mais pour libérer un gymnase, non", s'énerve Aliénor Turpin, une bénévole audonienne. "Il n'y a pas d'interlocuteur, pas de solution, la préfecture, la mairie, tout le monde se renvoie la balle."

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