Irresponsabilité pénale : un rapport recommande de ne "pas toucher" à la loi

Auteur:
 
Par Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 27 avril 2021 - 19:15
Image
Emmanuel Macron souhaite changer la loi pour que la prise de stupéfiants ne supprime pas la responsabilité pénale
Crédits
© Franck Fife / AFP/Archives
Un rapport préconise de ne pas changer la loi sur l'irresponsabilité pénale
© Franck Fife / AFP/Archives

Etre "comme fou" n'est pas pareil qu'être "fou", et la distinction est fondamentale, met en garde Dominique Raimbourg, co-rapporteur d'une mission sur l'irresponsabilité pénale qui préconise de ne pas toucher à la loi, contrairement à ce que veut faire le gouvernement.

Après l'émotion suscitée par la confirmation de l'absence de procès dans l'affaire Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée par un homme en proie à une "bouffée délirante" selon les experts psychiatriques, Eric Dupond-Moretti a annoncé un projet de nouvelle loi, comme l'avait souhaité Emmanuel Macron, et à rebours du rapport qui lui a été remis.

Dominique Raimbourg, ancien président (PS) de la commission des lois à l'Assemblée - comme le co-rapporteur de la mission, Philippe Houillon (LR) - explique pourquoi ils ont jugé la loi "satisfaisante" en l'état.

Question: Pourquoi cette mission a-t-elle été lancée ?

Réponse : Elle a été provoquée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Sarah Halimi, fin 2019. Le chef de l'Etat avait commenté un peu sèchement l'arrêt qui déclarait (le meurtrier, ndlr) Kobili Traoré irresponsable, et s'était fait reprendre par les plus hauts magistrats.

On sentait que cette affaire allait créer une émotion difficile à gérer, et j'imagine que c'est pour cela que (l'ex-ministre de la Justice) Nicole Belloubet a créé cette mission. Elle devait commencer début 2020, mais a été retardée par le Covid.

Parmi les questions auxquelles nous devions répondre : Y a-t-il lieu de réfléchir à une exclusion de l'irresponsabilité pénale lorsque l'état d'abolition du discernement est lié à la prise de toxique?

Q: Votre mission a conclu à l'unanimité que la loi était un "texte d'équilibre satisfaisant", et qu'il n'y avait pas lieu de la réformer. Pourquoi ?

R: Le principe de l'irresponsabilité pénale date de l'Antiquité. Depuis ça ne s'est jamais démenti : les fous sont irresponsables, on ne juge pas les fous.

Les déclarations d'irresponsabilité sont peu nombreuses. En 2018, on en a recensé 326, pour 20.166 décisions de renvoi devant des tribunaux et cour d'assises.

Nous avons procédé à 26 auditions et émis 22 recommandations, notamment pour améliorer la procédure et le suivi de ceux déclarés irresponsables. Mais on suggère de ne pas toucher à l'article 122-1, selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ayant aboli son discernement.

Q: Le garde des Sceaux veut modifier cette loi pour que l'on tienne compte de la prise volontaire de substances toxiques conduisant à l'abolition du discernement. Pourquoi y êtes-vous opposés?

R : Il faut avant tout rappeler la distinction entre l'abolition du discernement et l'état d'ivresse, lié au cannabis ou l'alcool. Si l'on fume, on boit, et que l'on le fait n'importe quoi, on est responsable pénalement, et punissable. Mais si à l'occasion de la prise de toxique surgit une maladie mentale, le discernement est aboli. Dans ce cas, l'auteur n'a pas l'intention de commettre un crime. Or pour être responsable et déclaré coupable d'un crime, il faut avoir l'intention de le faire. Il ne faut pas toucher à ce principe car on remettrait en cause l'ensemble de l'analyse du droit pénal.

Autrement (...), cela va entraîner des discussions interminables: est-ce qu'il y avait une maladie mentale antérieure, sinon est-ce qu'il avait un terrain, qu'en est-il des malades qui prennent de toxiques pour se soulager... On va déplacer le centre de discussion de l'irresponsabilité vers les conditions de prise de toxique. On n'éclaircira rien, et on risque de faire plus de mal que de bien.

Nous sommes comme les autres, frappés par l'horreur du crime. Mais il faut être très prudents.

Le président de la République a dit dans son interview (du 18 avril, NDLR) qu'il ne faut pas juger les fous, mais que lorsqu'on devient, sous l'effet d'un toxique, +comme fou+, on est responsable. C'est vrai. Mais dans cette affaire (Sarah Halimi), on n'est pas +comme fou+, on est fou. C'est la différence.

Des actes comme ceux de Kobili Traoré sont innommables, insupportables. Mais ce sont les actes d'un fou.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.