"Reprends-moi si tu peux" : la saga sans fin d'un cinéma du quartier Latin

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Par Francois BECKER - Paris (AFP)
Publié le 05 février 2021 - 21:01
Mis à jour le 06 février 2021 - 13:04
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Au cinéma La Clef, le 15 janvier 2020 à Paris
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
Au cinéma La Clef, le 15 janvier 2020 à Paris
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Occupé depuis des mois, le cinéma parisien La Clef a trouvé un repreneur, prêt à mettre plusieurs millions d'euros pour ce temple du 7e art. Mais d'irréductibles cinéphiles continuent le combat, convaincus que l'âme du lieu est menacée.

Lieu de transmission depuis les années 1970, ce cinéma de deux salles est situé dans le quartier Latin, soumis à une forte spéculation immobilière.

Il a changé plusieurs fois de mains et s'est fait une place à part en offrant une visibilité à des cinéastes africains, asiatiques ou sud-américains peu programmés ailleurs. Mais l'équipe a été mise au pied du mur par le propriétaire, le comité d'entreprise des Caisses d'Epargne, décidé à se défaire de son bien.

Après des mois d'une occupation défendue par une pléthore de personnalités, de Cédric Klapisch à Jean-Luc Godard, un repreneur a mis 4,2 millions d'euros sur la table, s'engageant à maintenir le cinéma. Inespéré.

"Nous avons envie de faire une programmation à la fois pointue et engagée, en lien avec notre ADN, la solidarité et la préservation de l'environnement", explique à l'AFP Nicolas Froissard, l'un des dirigeants de ce repreneur, le groupe SOS, l'une des plus grosses associations de l'économie sociale et solidaire (21.000 salariés), présent dans l'emploi, les seniors, la jeunesse...

Affaire réglée ? Le collectif Home Cinéma n'a pourtant aucune intention de mettre fin à l'occupation, un préalable pour que la vente soit effective.

"On préfère encore être expulsés qu'absorbés par un groupe comme ça. Nous, on ne veut pas faire du fric mais préserver le dernier cinéma associatif de Paris", s'emporte l'un des fers de lance de l'occupation, Derek Woolfenden.

"Ils ne veulent pas du tout sauver le cinéma, mais privatiser les salles pour des évènements, faire une start-up du cinéma et un putsch immobilier", accuse-t-il.

Et de pointer la personnalité du fondateur de SOS, Jean-Marc Borello, un très proche d'Emmanuel Macron, présent dans les instances dirigeantes d'En Marche.

Un épouvantail pour ces militants, qui organisent la suite de la mobilisation, dans le hall d'accueil du cinéma, aux allures de MJC des années 1980, tables d'école et peintures défraîchies.

- Caillou dans la chaussure -

SOS, dont l'ambition est de "démontrer que la performance économique pouvait être mise au service de l’intérêt général", montre de son côté patte blanche.

M. Froissard dénonce le procès d'intention, et explique qu'en tant que propriétaire, il s'engage "par écrit" à poursuivre l'activité cinéma.

"Notre discours a toujours été de travailler avec qui veut travailler avec nous. On garantit une indépendance totale (dans la programmation), on n'aura aucun mot à dire là-dessus", martèle-t-il.

Les détails du projet n'ont pas encore été dévoilés, mais le groupe peut mettre en avant un lieu consacré au cinéma et à la banlieue, géré à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

Face au blocage, certains se tournent vers la mairie de Paris, très attachée à son tissu de salles, unique au monde. La promesse de campagne de sauver la Clef n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd, et certains rêvent d'une préemption publique, courant février.

Le sujet, caillou dans la chaussure de la majorité, a été évoqué jeudi au Conseil de Paris... "Aucun engagement n'a été pris sur le maintien de l'activité cinématographique sur le long terme, rien ne peut nous assurer qu'il ne s'agit pas là d'une opération foncière", s'y est alarmée Fatoumata Koné (EELV).

La préemption est impossible, car il n'y aurait pas de "motif d'intérêt général" au sens de la loi, rétorque Carine Rolland, l'adjointe à la culture de la maire (PS) Anne Hidalgo.

Sans compter qu'avec un repreneur qui met quatre millions de sa poche, la capitale, confrontée à d'autres urgences sur le plan culturel, aurait dû mal à justifier son intervention.

"On a toujours dit qu’on soutiendrait l’activité du collectif et qu'on veillerait à ce que perdure un cinéma d'art et essai associatif ou d'économie sociale et solidaire", résume-t-elle. "Si on ne l'avait pas fait, aujourd’hui la Clef serait un supermarché".

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