Japan Expo 2016 : derrière les mangas, la difficile diversification de la pop culture japonaise en France

Auteur(s)
Damien Durand
Publié le 06 juillet 2016 - 16:35
Mis à jour le 07 juillet 2016 - 14:19
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La Japan Expo 2015
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©Thomas Oliva/AFP
Près de 250.000 personnes s'étaient rendues à l'édition 2015 de la Japan Expo.
©Thomas Oliva/AFP
La Japan Expo, le salon dédié à la culture populaire japonaise, promet d'attirer une foule très nombreuse en 2016. Le marché du manga se maintient bien en France, et ne semble pas vouloir fléchir à court terme. Pourtant, derrière la locomotive de la bande-dessinée, le reste de la pop culture nippone peine à s'imposer auprès du grand public.

La 17e édition de Japan Expo s’ouvre ce jeudi 7 au Parc des Expositions Paris-Nord Villepinte. Ce qui n’était à l’origine, au tournant du millénaire, qu’une réunion de passionnés de la culture populaire nippone en comité restreint (3.200 participants lors de la première édition en 1999), est devenu depuis la plus grande manifestation européenne dédiée aux cultures du pays du Soleil levant, avec 247.000 visiteurs en 2015. A titre de comparaison, c’était, cette année-là, presque 70.000 de plus que le Salon du livre.

Pourtant, malgré ce succès considérable, le marché de la culture populaire japonaise en France piétine, après une décennie 2000-2010 de croissance à toute allure. Le marché du manga ralentit sa croissance et reste encore tiré par quelques blockbusters qui s’essoufflent un peu (comme les sagas OnePiece ou Naruto). L’anime (les dessins-animés, généralement inspirés de mangas papier) ne parvient pas à revenir sur les grandes chaînes généralistes, malgré l‘émergence de plusieurs chaînes dédiées, à l’audience modérée. La musique japonaise enfin, qui occupe une place de plus en plus importante à la Japan Expo, ne réussit pas à percer malgré des concerts toujours plus nombreux, organisés dans des salles de la capitale.

Pas d’inquiétude cependant du côté du manga papier qui affiche 12,4 millions d’ exemplaires vendus en 2015. Et qui s’accommode encore du ralentissement de certaines séries: "En réalité, tous les blockbusters sont à la peine, y compris dans la bande-dessinée franco-belge. Et si la croissance ne sera plus à deux chiffres comme avant, c’est un segment de marché qui peut encore afficher une hausse de 4% à 8% par an" explique à FranceSoir Lionel Panafit, directeur d’Eurasiam, l’une des rares écoles reconnues dans la formation d’auteurs de mangas. Qui rappelle en outre que les acteurs du marché ont aussi beaucoup évolué: "Si les revenus des éditeurs se stabilisent, leurs moyens, eux, augmentent. Derrière des acteurs de l’édition comme Pika ou Kaze, se trouvent respectivement Hachette Livre ou le géant japonais Shogakukan-Shueisha".

Peu de vrais relais hors du manga

Le paysage est moins serein pour la diffusion à la télévision de culture japonaise populaire. Même si l’offre existe, avec au moins trois chaînes dédiées (KZTV, Nolife et J-One) en plus des diffusions sur d’autres chaînes non spécialisées, toutes plafonnent et peinent à sortir d’un public d’initiés: "l’audience pour ces chaînes existe, mais le marché est peut-être trop réduit, car à chaque fois qu’une nouvelle chaîne apparait, elle impacte durement les autres. Malgré le dynamisme de l’offre, on est en réaité loin de l’époque type +Club Dorothée+ où la majorité de l’animation japonaise diffusée en France passait sur les grandes chaînes hertziennes".

Quand à a musique pop japonaise, la "J-Pop", si elle a réussi le tour de force de rendre minoritaire la pop américaine dans l’archipel, elle ne parvient pas à se faire une vraie place dans l'Hexagone en dehors des fans les plus assidus de la culture japonaise. Les maisons de disques françaises restent frileuses face à un phénomène qu’elles ne voient que comme un feu de paille. Les disques des artistes japonais ne passent pas encore les portes des magasins de biens culturels, l'expansion de la musique se faisant en ligne, parfois via des opérateurs étrangers.

Si la Japan Expo promet de faire découvrir à ses visiteurs d’autres aspects plus confidentiels, mais tout aussi atypiques, de la culture japonaise comme le "cosplay" (des compétitions de déguisements en personnages de mangas, déjà très populaires chez les fans français),  le "puroresu" (du catch "made in japan"), voire des innovations vestimentaires, c’est le duo manga/anime qui restera le représentant de la culture populaire nippone en France. Et qui va continuer à jouir d’une position assez protégée: la culture coréenne, que l’on annonçait un temps comme un concurrent sérieux, est rapidement tombée à plat, quant à la Chine, malgré sa force de frappe potentiellement énorme, elle ne propose rien susceptible de plaire à un jeune public.

Et Lionel Panafit rappelle également que si la culture japonaise se maintient et fait se déplacer les foules à la Japan Expo, c’est aussi pour une raison qui n’a rien à voir avec le Japon: "Il y a eu une dévalorisation de la culture populaire à partir des années 1980. Avant, les jeunes avaient accès à une vraie littérature prolétarienne, et à une offre culturelle française attractive pour cette audience. Tout cela a disparu. Et c’est la culture japonaise, largement tournée vers la satisfaction de son public, qui l’a remplacée". Et qui promet de faire le plein jusqu'à la fermeture des portes de son événement majeur, le dimanche 10 juillet.    

 

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