Finkielkraut défendu par Marine Le Pen : le RN en a-t-il fini avec l'antisémitisme ?

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Pierre Plottu
Publié le 19 février 2019 - 20:59
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La présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, le 23 septembre 2018 à Mantes-la-Ville
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© Lucas BARIOULET / AFP/Archives
Marine Le Pen a donné une ligne politique bien plus islamophobe qu'antisémite au FN, devenu RN.
© Lucas BARIOULET / AFP/Archives

Marine Le Pen et le Rassemblement national ont rejoint le chœur des condamnations suite à l'agression dont a été victime Alain Finkielkraut en marge d'une manifestation de Gilets jaunes, samedi 16 à Paris. Un paradoxe pour le parti fondé par d'anciens SS ou miliciens? Non, une continuité qui confirme le virage idéologique initié par Marine Le Pen.

Même renommé, le "Rassemblement national" (RN, ex-FN) reste un parti fondé par des anciens de la SS ou de l'OAS, des collaborateurs, des miliciens. Un parti dont le président et fondateur, Jean-Marie Le Pen, est un récidiviste de la haine raciale et de la négation de la Shoah, qui cumulait antisémitisme et islamophobie. Il eut été impensable de voir le "Menhir" défendre Alain Finkielkraut, fût-il pris à partie dans les rues de Paris par des énergumènes à la barbe teinte au henné.

"L’agression d’Alain Finkielkraut aujourd’hui est un acte détestable et choquant", a pourtant réagi Marine Le Pen dès samedi 16, au soir des faits, y voyant la preuve de "la tentative d’infiltration du mouvement des Gilets jaunes par l’extrême-gauche antisémite". Des éléments de langage repris, parfois dans une version élargie, par ses troupes.

"Ces insultes à Finkielkraut sont absolument minables. Quelle bande de cons!", a même osé son compagnon, le député des Pyrénées-Orientales Louis Aliot. Puis d'ajouter: "J’attends de voir qui sont ces haineux....". Car la dénonciation des "islamo-gauchistes" est immédiatement venue sur la table.

Lire: Condamnations des insultes à Finkielkraut avant des rassemblements contre l'antisémitisme

"Jaune à l’extérieur, mais rouge et vert à l’intérieur: ne laissons pas ces racailles ISLAMO-GAUCHISTES (sic) pourrir le mouvement des Gilets Jaunes!", a ainsi embrayé la tête de liste RN aux européennes Jordan Bardella, tandis que le "monsieur communication" de la campagne  Philippe Vardon dénonçait un "bel exemple de racaille islamo-gauchiste".

L'exemple de Philipe Vardon, ex-skinhead et militant identitaire connu pour ses méthodes musclées, est révélateur. Sur Internet circule par exemple une vidéo tournée pendant sa jeunesse et où on le voit scander sur la scène d'un concert de naziskin une chanson explicite: "Nous sommes la Zyklon Army, l'armée des skinheads" du groupe "Evil Skins". Un passif qui lui a valu de se voir refuser son adhésion au RBM, satellite du FN, en 2013.

Mais le même Philippe Vardon est donc désormais bienvenu au RN, où de hautes responsabilités lui ont été confiées. Se sachant dans la lumière, l'ex-négationniste a embrayé sur la ligne de la présidente du parti et condamné lui aussi l'agression d'Alain Finkielkraut: "à vomir", écrit-il.

Car de l'antisémitisme et de l'islamophobie du FN, le RN n'a gardé que la dernière. Une mue initiée par Bruno Mégret dès le début des années 2000, puis amplifiée avec l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011. Louis Aliot ne s'est-il pas lui-même rendu en Israël quelques mois plus tard? Et s'il y a certes eu entre temps le tapis rouge déroulé à Alain Soral (par Jean-Marie Le Pen) pour tenter de rallier des troupes issues de la "diversité" et battre en brèche les accusations de racisme, l'expérience a toutefois tourné court.

Nationaliste, le parti a continué à surfer sur la crainte de la mondialisation et d'un supposé "grand remplacement" tout en expurgeant celui-ci de la notion de complot juif. Surtout, le FN, puis le RN, ont surjouant le "nous", la société française supposément fracturée, contre "eux", les populations d'origines arabo-musulmanes présentées comme une entité solidaire et homogène socialement.

Le parti frontiste s'est ainsi érigé en seul garant de l'identité française et de l'unité de la Nation face au monde musulman supposé hostile. Un discours qui porte dans un pays où plus de quatre personnes sur 10 (sondage Ifop, février 2018) estiment que l'islam est incompatible avec les valeurs de la République (56% en 2016).

Ce qui explique par exemple les déclarations bienveillantes de Marine Le Pen à propos des actions antimigrants de Génération identitaire. Tandis que, à l'inverse, la présidente du Rassemblement national a ce mardi soir rendu "hommage aux victimes de l'antisémitisme" et exprimé sa "solidarité avec tous nos compatriotes juifs" en déposant une gerbe devant la plaque commémorant l'assassinat d'Ilan Halimi, assassiné et torturé parce que Juif. L'année dernière déjà, le parti avait honoré la mémoire de Mireille Knoll à grand bruit et s'était invité à la marche blanche en la mémoire de l'octogénaire.

Ce qui n'empêche pas le parti et Marine Le Pen de continuer à cultiver des relations avec des antisémites notoires. A l'image des prestataires du RN, et proches amis de sa présidente, Frédéric Chatillon et Axel Loustau. Ces ex-gudards avaient même récupéré la cause palestinienne pour mieux s'en prendre à Israël, et donc aux Juifs, comme le rappelle le journaliste du Monde Abel Mestre.

Mais si l'antisémitisme radical n'a plus droit de cité au RN, il n'en reste pas moins un marqueur fort de l'extrême droite. Au sein de la galaxie radicale en ligne (dite "fachosphère") ou des groupuscules violents, qui tentent de gagner en influence en infiltrant le mouvement des Gilets jaunes, la haine du Juif, mêlant négationnisme et complotisme, est toujours d'actualité.

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