Fausse couche à Auchan : les salariés décrivent un univers de travail sous la coupe des "petits chefs"

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 13 janvier 2017 - 10:57
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Le magasin emploie 80 personnes.
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Le magasin Auchan City de Tourcoing (Nord) a dû faire face à à deux scandales dans l'année: la fausse couche d'une employée, et le licenciement abusif d'une autre pour un motif dérisoire. Certains salariés dénoncent l'ambiance de travail régnant dans le points de vente.

Intimidation, vexations et même injures racistes: contactés via la CGT, des salariés d'Auchan City à Tourcoing (Nord), où une caissière a récemment fait une fausse couche, livrent le récit d'un profond mal-être au travail.

Malika (prénom d'emprunt, comme les autres témoignages, NDLR), la cinquantaine, connaissait bien l'univers d'Auchan: "Quand je suis arrivée à la boulangerie d'Auchan City, je me suis sentie bien, comme dans une famille, le tutoiement était obligatoire." Elle soigne aujourd'hui une dépression.

Car "très vite, le magasin ne faisait pas le chiffre d'affaires prévu, et ça s'est répercuté sur le personnel". "Cela n'avait rien à voir avec les autres Auchan où j'ai travaillé où certes il fallait aller vite, mais c'était plus clair dans les tâches et les managers étaient plus carrés. Dans cet Auchan City, tout est basé sur la peur, les chefs d'équipe ont tout le pouvoir, il était par exemple interdit de parler à son collègue dans l'atelier où on emballait le pain", glisse-t-elle.

Ouvert en 2011, ce supermarché de 4.000 m2 est implanté dans un centre commercial flambant neuf, à proximité de la place principale de Tourcoing, ville populaire de 95.000 habitants de la métropole lilloise. "L'Auchan City est un concept d'hypermarché de centre-ville avec une dominante alimentaire", a indiqué à l'AFP la direction du groupe, précisant qu'il n'existait que deux établissements de ce type en France, le second dans les Yvelines.

Selon l'union locale CGT, Auchan City, "détaché juridiquement du groupe Auchan", est un "laboratoire", sans primes d'intéressement contrairement aux autres enseignes du groupe, une hyper polyvalence est demandée aux employés et "une grande latitude laissée au petit chef".

Dans ce magasin employant autour de 80 personnes, deux affaires en six mois ont défrayé la chronique médiatique.

L'été dernier, une caissière de 41 ans avait été licenciée pour un préjudice de 85 centimes d'euros (une boîte de sauce tomate) avant d'être réintégrée. En novembre, c'est une autre caissière, enceinte de trois mois, qui a fait une fausse couche sur son lieu de travail. L'inspection du travail a été saisie en décembre et une plainte contre X pour "non-assistance à personne en danger" a été déposée au parquet de Lille. Plusieurs personnalités de gauche au niveau national ont fait part de leur indignation.

S'appuyant sur une enquête du CHSCT, la direction d'Auchan City juge elle qu'il n'y a eu "aucune faute ou erreur" de la part de la hiérarchie concernant le cas de la caissière victime d'une fausse couche. Elle relève seulement que la "proximité managériale aurait pu être, sur ce cas précis, plus forte".

Karim, 26 ans, employé au rayon boulangerie, raconte son quotidien fait de brimades et, plus grave, d'insultes. "Les coordinateurs (chef d'équipe, NDLR) m'insultaient, comme +macaque!+ ou +au boulot le bonobo!+"

"Quand je dépassais d'une heure, c'étaient des reproches, alors que les autres n'en avaient pas et ça a empiré lorsque j'ai témoigné à l'inspection du travail et parce que j'étais à la CGT", raconte encore Karim, aujourd'hui en arrêt maladie, qui a consigné dans un journal personnel toutes les vexations dont il estime avoir fait l'objet.

Il a déposé en octobre une plainte -que l'AFP a pu consulter- pour "harcèlement", "diffamation" et "injure à caractère racial".

Un ancien agent de sécurité de 2013 à 2016, qui conteste son licenciement aux prud'hommes de Tourcoing le 20 janvier, explique, lui, qu'un de ses supérieurs lui a demandé de surveiller un délégué syndical de la CGT. "Je lui ai dit que je travaillais pour attraper les voleurs, pas pour surveiller les collègues", relate ce quadragénaire, qui dit avoir fait une dépression après son licenciement.

Dans un communiqué, l'union locale CGT a demandé "le remplacement de tout le personnel encadrant de ce magasin". Le délégué CGT, Habib Hamdoud, a lui aussi porté plainte au pénal pour "discrimination syndicale, racisme, harcèlement et diffamation".

 

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