A Epinay, des habitants désemparés évacuent tant bien que mal leur Tour Obélisque

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Par Maryam EL HAMOUCHI - Épinay-sur-Seine (AFP)
Publié le 29 novembre 2021 - 12:08
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Des véhicules de police devant la tour d'Epinay-sur-Seine qui a été évacuée le 15 novembre 2021, près de Paris
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© Bertrand GUAY / AFP
Evacuation de la Tour Obélisque à Epinay-sur-Seine le 15 novembre 2021 suite à un arrêt d'évacuation contesté
© Bertrand GUAY / AFP

Au milieu de son appartement au papier peint fleuri, Danielle Robin s'avoue "complètement désemparée". A 79 ans, elle prépare un déménagement précipité de l'un des 163 logements de la Tour Obélisque d'Epinay-sur-Seine, visée par un arrêté d'évacuation contesté.

Cette frêle retraitée au gilet bleu nuit boutonné avec soin observe le déménageur qui s'active dans le 51m2 qu'elle avait acquis il y a 32 ans, au 29e étage d'une tour qui en compte 32.

"C'est terrible en fin de compte, vous vous retrouvez sans rien, votre vie est complètement fichue, moi je suis complètement désemparée", souffle Mme Robin, qui emménagera chez l'une de ses filles en région parisienne avant de partir pour le sud de la France.

Danielle Robin, et le reste des occupants de cette copropriété dégradée et rongée par les dettes doivent avoir quitté les lieux au 8 décembre, date limite fixée par arrêté préfectoral.

"Il existe un risque imminent de rupture en différents points de nature à engendrer l'effondrement immédiat des balcons", soutient la préfecture dans un arrêté du 5 novembre consulté par l'AFP.

Les quatre experts qui se sont succédé depuis octobre concluent tous à une forte corrosion des raidisseurs métalliques reliant les balcons et soutenant les garde-corps ainsi qu'à un risque d'effondrement de ces balcons. Pour l'expertise la plus pessimiste, la tour entière est en danger.

Une première évacuation, celle de la façade sud, la plus dégradée, a eu lieu le 15 novembre.

- Démolition à l'horizon 2028 -

Depuis, les habitants s'organisent tant bien que mal pour déménager et trouver un autre logement. Plusieurs habitants rencontrés par l'AFP se plaignent de propositions de relogement inadaptées à leur situation, ou localisées trop loin.

D'après les chiffres de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, la moitié des appartements étaient occupés en fin de semaine dernière.

Parmi les habitants, le doute sur le bien-fondé de l'évacuation se propage.

"En fait sur les parties rouillées, il suffit juste de changer les barres métalliques. Et sinon même sans ça, les balcons tiennent largement", soutient Ahesan Mohiuddin, photo d'archives de la construction de la tour à l'appui, sur lesquelles les raidisseurs métalliques n'apparaissent pas.

Avec d'autres locataires et co-propriétaires, Ahesan Mohiuddin suit lundi l'audience au tribunal administratif de Montreuil, où leur demande de suspension de l'arrêté doit être débattue.

"Il est clair que la tour ne risque pas de s'effondrer", défend leur avocat Me Georges Parastatis. "Le préfet commet un détournement de procédure, il utilise la procédure de mise en péril pour mettre en oeuvre un projet d'urbanisation de la ville", accuse-t-il.

La démolition de la tour est prévue à l'horizon 2028.

- "Risque humain" -

Depuis 2010, la gestion de la tour, en cessation de paiement, a été confiée à une administratrice judiciaire.

Des propriétaires racontent une augmentation exponentielle des charges, jusqu'à atteindre 600 euros par mois dernièrement. "40% des propriétaires qui ne payaient pas leurs charges" ont fait sombrer les finances, glisse un homme en plein déménagement.

Le surendettement a compliqué la bonne tenue des travaux et de l'entretien de la tour, classée IGH (immeuble de grande hauteur) et donc soumise à des normes précises.

A la suite des premières expertises, le maire divers droite d'Epinay-sur-Seine Hervé Chevreau a pris un arrêté interdisant l'accès aux balcons. Mais il a par la suite refusé d'ordonner l'évacuation de la tour.

"L'arrêté que j'avais pris suffisait face aux risques", estime l'édile qui ne "voulait pas prendre la responsabilité, en cette période, d'évacuer des gens".

"Je ne peux pas faire courir de risque humain à des personnes", maintient de son côté le préfet de la Seine-Saint-Denis Jacques Witkowski, qui s'est substitué au maire. "Sur les propositions d'hébergement, on fait au mieux car on agit dans l'urgence", ajoute-t-il.

Certains propriétaires ont eu des propositions de rachat à 1.000 euros le mètre carré par l'établissement public CDC Habitat. "Mais c'est quelle blague, ça?", s'emporte Mehdi, 38 ans, propriétaire d'un appartement de 72 m2 acheté 115.000 euros en 2014, désormais sous scellés mais pour lequel il rembourse encore son crédit.

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