Quentin Roy, tombé pour Daech, recruté près de Paris

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 16 mars 2016 - 11:07
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Un djihadiste de l'Etat islamique.
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Quentin Roy serait "tombé martyre en terre du khilafah", selon le message reçu par ses parents (image d'illustration).
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En janvier, les parents de Quentin Roy ont appris qu'il était mort au service de l'Etat islamique. Depuis, ils se battent contre la radicalisation et dénoncent les insuffisances du système.

Depuis qu'ils ont appris la mort de leur fils en Irak, Véronique et Thierry Roy ont décidé de briser la loi du silence pour empêcher que d'autres enfants de Sevran (Seine-Saint-Denis) ne soient la proie de recruteurs de l'Etat islamique.

Dans le salon des Roy, les portraits de Quentin sont omniprésents. Sur la table basse, l'album-photo réalisé pour ses 20 ans. Les anniversaires, les vacances à la mer. Des dernières pages s'échappe un faire-part: celui d'une messe en hommage au jeune homme de 23 ans fin janvier. Et des lettres de condoléances, qui disent toutes leur incompréhension: comment cela a-t-il pu arriver?

Le 14 janvier, Véronique a reçu par WhatsApp une copie du testament de leur fils, "tombé martyre en terre du khilafah". Le messager de l'EI a laissé entendre qu'il avait commis une opération-suicide en Irak.

Le couple n'a pas la preuve de sa mort, mais "après 16 mois de batailles incessantes pour le ramener à la raison", s'est résolu à l'accepter. C'est le sixième décès d'un jeune de la commune dans les rangs de l'organisation djihadiste, dans un département qui comptait, à fin novembre, le plus grand nombre de signalements en Ile-de-France (420 sur 1.700).

Famille ouverte, scolarité sans problèmes, Quentin, assurent ses parents, "n'a manqué de rien". Après sa conversion il y a deux ans à l'islam, les discussions sont parfois rudes dans le pavillon qui fait face au chantier de la mosquée en construction, mais le jeune homme, en formation pour devenir chauffeur chez Uber, n'a jamais rompu avec sa famille.

Inquiète de son rigorisme, Véronique a cherché de l'aide. Mais à la Grande mosquée de Paris comme à la mairie, on ne pouvait rien pour elle. Le numéro vert d'assistance aux familles vient pourtant d'être lancé, mais quand les Roy en entendront parler, un peu par hasard, leur fils sera déjà sur le front syrien.Le couple en est aujourd'hui convaincu : si sa radicalisation avait été signalée à temps aux autorités, il n'aurait pas pu s'embarquer pour la Turquie le 22 septembre 2014.

Ce jour-là, c'est Ilyès, son bon copain de lycée - en détention provisoire depuis le 6 novembre pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et "financement du terrorisme" - qui l'a conduit à l'aéroport, avec la voiture de Véronique.

"Je croyais qu'il partait étudier en Egypte", prétendra plus tard le jeune musulman, que les Roy soupçonnent d'avoir enrôlé leur fils moyennant une "prime comprise entre 10 et 15.000 euros".

Pour les parents de Quentin, qui ont décidé de rendre publiques les raisons de leur colère, le maire écologiste de la ville, Stéphane Gatignon, mérite d'être poursuivi pour "non-assistance à personne en danger".

Pourquoi avoir attendu mars 2016 pour afficher le numéro vert sur le site de la commune? Pourquoi ne pas avoir organisé de réunions publiques? Pourquoi avoir favorisé les tendances les plus radicales de l'islam?

"Les radicaux qui ont embrigadé mon fils sont à Sevran, ils ont pignon sur rue. On n'informe pas la population qu'il y a des filières de recrutement", accuse Véronique. L'élu se défend avec vigueur, énumère ses actions contre la radicalisation, évoque un travail "discret" de renseignement. Et celui qui avait fait la grève de la faim en 2012 pour dénoncer la faiblesse des dotations publiques de renvoyer "chacun à ses responsabilités".

"Moi je suis père de famille, excusez-moi mais si mes enfants déconnent, c'est moi le responsable", ajoute l'édile, qui dit réserver sa compassion aux victimes des attentats, pas aux "terroristes" comme le fils Roy.

Devant la mosquée des Radars, soupçonnée d'avoir servi de lieu de recrutement, un groupe de jeunes avouent ne parler que de "ça" en ce moment. "Quentin, bien sûr qu'on le connaissait", lâche Nabil. Lui aussi s'est converti. Mais "pour l'amour, pas pour aller faire la guerre. C'est pas notre vie, ça".

 

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