"Leave No Trace" : l'autre Amérique (critique)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 18 septembre 2018 - 09:59
Mis à jour le 19 septembre 2018 - 16:04
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Film Leave No Trace
Crédits
©Condor Films
La jeune actrice Thomasin McKenzie interprète le rôle principal du film.
©Condor Films
CRITIQUE – Dans le film américain indépendant "Leave No Trace", qui sort ce mercredi, un père et sa fille vivent cachés dans un parc près de Portland avant d'être découverts et intégrés dans la société. Vont-ils accepter ou refuser cette nouvelle vie?

SORTE CINÉ – Un père et sa fille qui vivent en marge de la société y sont réintégrés mais ont du mal à s'y faire: c'est le thème de Leave No Trace, un joli petit film indépendant américain, loin des superproductions hollywoodiennes, qui sort ce mercredi 19 septembre sur les écrans français.

Tom, 15 ans, et son père Will, cool et barbu, vivent depuis plusieurs années clandestinement dans la forêt qui borde Portland, dans l'Oregon (nord-ouest des États-Unis). La mère de Tom est morte quand elle était bébé et Will est un ancien combattant traumatisé par ses années de guerre et qui ne supporte plus la compagnie des êtres humains.

Tous deux vivent heureux et tranquilles, sous une tente, abrités par une bâche, cachés des regards et des autorités. Ils se servent de l'eau de pluie pour boire et se laver, font pousser leurs fruits et légumes, cueillent des plantes et des champignons qu'ils cuisent au feu de bois, apprennent à se cacher dans les fougères à la moindre alerte, lisent des livres et jouent aux échecs. De temps en temps, ils s'aventurent en ville pour toucher la pension d'invalidité de Will et y acheter ce qu'ils ne peuvent trouver dans la forêt –riz, piles électriques, vêtements–, avant de regagner leur cachette.

Mais un jour la police les découvre et les expulse de leur refuge. Les deux solitaires sont pris en charge par les services sociaux de la ville, qui les accueillent avec bienveillance et empathie. On leur trouve une belle maison meublée à plusieurs dizaines de kilomètres de là, où Will va travailler dans une plantation de sapins et Tom va être scolarisée.

Au début, tout va bien. Tom a l'air de se faire à cette nouvelle vie "civilisée", s'habitue à fréquenter des gens et se fait des amis de son âge. Pour son père –qui enferme la télé dans un placard et refuse le téléphone portable–, la cohabitation avec l'espèce humaine est plus difficile…

Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, est adapté d'un livre publié en 2012, L'abandon, de Peter Rock (Ed. Rue Fromentin, réédition Ed. Points), lui-même tiré d'une histoire vraie.

C'est le 3e long-métrage de la réalisatrice Debra Granik, 55 ans, remarquée par les cinéphiles pour son film précédent Winter's Bone en 2010, qui avait obtenu 4 nominations aux Oscars dont celle de meilleur film. Le film avait révélé Jennifer Lawrence, 20 ans à l'époque, dans le rôle d'une adolescente vivant dans les forêts montagneuses du Missouri qui prenait soin de sa mère malade et de ses jeunes frères et sœurs tout en recherchant son père disparu après sa sortie de prison.

Lire la critique – Red Sparrow: Jennifer Lawrence, l'espionne rouge

Même volonté de décrire l'autre Amérique, celle des petites gens et des marginaux, dans ce Leave No Trace. "Dans cette histoire, l'enjeu, c'est la survie. Où vont ceux qui ne rentrent pas dans les clous de notre culture mainstream? Comment peuvent-ils s'en sortir?", explique la réalisatrice.

Mais, ajoute-t-elle, "les enjeux sont aussi liés à la relation complexe entre Tom et son père. Après leur expulsion du parc, où ils avaient un mode de communication et de structure qui leur convenait, ils sont plongés dans un autre monde qui les oblige à en apprendre plus l'un sur l'autre. Tom est curieuse, une vraie Pandore, et Will sent que cette curiosité l'éloigne de lui".

Car l'intérêt du film est double: on suit le parcours de ces deux SDF père-fille dans une Amérique marginale qui les accueille avec bienveillance –il n'y a pas de personnage "méchant"–, mais on s'intéresse aussi à ce rapport entre les deux, harmonieux et paisible mais qui va évoluer puisque Tom (interprétée par Thomasin McKenzie, épatante), grandit, aime son père, mais pense à son avenir personnel, à sa liberté, aux choix qu'elle peut faire elle-même.

Le film, par sa narration, est simple mais seulement en apparence, car il fait réfléchir sur de nombreux sujets. Ni manichéen ni militant, il est original et engagé, vivifiant, chaleureux. Et, pas de spoiler mais on aime bien la fin, qui ne sacrifie pas à l'obligation tragique du cinéma d'auteur.

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