Réforme de la Constitution : la Ve République vers un régime présidentiel ?

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 17 juillet 2018 - 16:53
Mis à jour le 18 juillet 2018 - 13:56
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Article premier de la Constitution de 1958
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© JOEL SAGET / AFP/Archives
En décloisonnant les relations entre Président de la République et Parlement, Emmanuel Macron orienterait la Ve République vers un "vrai" régime présidentiel.
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Le projet de réforme de la Constitution est notamment censé simplifier la tâche du Parlement. Mais il accorde aussi une place plus importante au président de la République dans les relations entre exécutif et législatif, très cloisonnées jusqu'à récemment. La Ve République, qui oscille entre deux systèmes par essence, s'orienterait donc vers un régime de plus en plus présidentiel et de moins en moins parlementaire, analyse pour France-Soir Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon.

La Ve République a 60 ans cette année. La Constitution, texte fondateur de nos institutions, n’est pas restée inchangée depuis 1958. De nombreuses modifications ont été adoptées, et ce dès 1962, par son initiateur le général de Gaulle, notamment avec l’élection au suffrage universel du président.

Le président de la République Emmanuel Macron, s’exprimant à Versailles il y a quelques jours devant le Congrès, a annoncé son souhait que l’an prochain la Constitution lui permette de rester à l’issue de son discours, et de pouvoir répondre aux orateurs parlementaires. Pour que cela soit possible la Constitution devra être une nouvelle fois révisée.

C’est le gouvernement et donc le premier ministre, qui est seul responsable devant le Parlement. Si la révision de 2008 a offert la possibilité au chef de l’Etat de prendre la parole devant le Congrès –il ne pouvait le faire que par messages écrits auparavant– l’article 18 de la Constitution prévoit que sa déclaration et suivie d’un débat "hors sa présence", qui "ne fait l’objet d’aucun vote".

Cette réforme souhaitée par le Président conduira à un affaiblissement supplémentaire de la fonction de Premier ministre. Elle serait l'aboutissement d'une longue histoire du renforcement du pouvoir exécutif sous la Ve République, et de stabilité de celui-ci, qui contraste avec l’instabilité ministérielle de la IVème République.

Voir: Macron veut amender la Constitution pour pouvoir répondre aux parlementaires en Congrès

La présence au congrès du président et son souhait de pouvoir débattre avec les parlementaires accentuera aussi le rôle central du président, et reléguera le Premier ministre, qui est le seul aujourd’hui à pouvoir débattre et répondre devant les assemblées parlementaire.

On sait que le gouvernement et la majorité souhaitent également faciliter le travail du Parlement pour lui permettre de "mieux légiférer". Le premier ministre Edouard Philippe, a défendu le 10 juillet un projet de loi constitutionnelle intitulé "pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace" qui selon ses propos doit "organiser le travail (du Parlement), supprimer des phases inutiles, renforcer le rôle des commissions parlementaires et s’attacher à garantir la qualité de la loi". L’opposition de son côté dénonce "un abaissement des droits du Parlement" et une soumission plus forte au pouvoir exécutif.

Le travail de cette législature, qui a démarré en 2017, est très soutenu: cadences infernales, examen sur plusieurs textes qui se chevauchent, qui peuvent justifier une meilleure organisation.

On utilise une expression pour définir les régimes parlementaires, comme la Ve République, organisés de manière à éviter l’instabilité ministérielle chronique et à permettre un bon fonctionnement des institutions, on parle de "parlementarisme rationalisé".

Lire aussi: Projet de révision constitutionnelle - les principales mesures

Pour ce faire, les techniques mises en œuvre ont généralement pour objectif de rendre plus difficile, politiquement et juridiquement, la mise en œuvre de la responsabilité ministérielle, et garantisse le rééquilibrage des rapports entre le gouvernement et le Parlement au profit du premier. On inscrit ainsi dans la Constitution des réglementations minutieuses, permettant de restreindre l’exercice des principales fonctions du Parlement en vue de renforcer le gouvernement.

Les débats actuels vont d’abord porter sur la réforme de la procédure parlementaire. "La fabrique de la loi va être le cœur du débat", a indiqué le député MoDem, Marc Fesneau. Sur dix-huit articles, cinq visent en effet à raccourcir le temps d’examen des réformes à l’Assemblée nationale et au Sénat. La volonté du gouvernement de disposer d’une maîtrise accrue de l’ordre du jour et de raccourcir les navettes entre Sénat et Assemblée suscite des critiques, le point le plus contesté restant la restriction du droit d’amendement.

Pour mettre fin à "l’obstruction" parlementaire, le texte prévoit d’étendre le pouvoir d’"irrecevabilité" du gouvernement, en lui permettant d’écarter les amendements "sans lien direct avec le texte" ou "dépourvus de portée normative". 

Comme le précisait le général de Gaulle "Notre Constitution est à la fois parlementaire et présidentielle, à la mesure de ce que nous commandent à la fois les besoins de notre équilibre et les traits de notre caractère" (conférence de presse, 11 avril 1961), mais elle a un tropisme de plus en plus présidentiel.

A lire:

Jean-Louis Debré: "on ne joue pas avec la Constitution"

Damien Abad (LR) ne veut pas que la révision constitutionnelle "aboutisse"

Réforme constitutionnelle: Edouard Philippe a "bon espoir" que les parlementaires s'entendent

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